Avant même la fin du Question Time de la séance de l’Assemblée nationale d’hier, l’opposition reconfigurée s’est retrouvée décimée par des décisions du Speaker, Sooroojdev Phokeer. Le bilan des Casualties s’est révélé assez lourd avec six parlementaires de l’opposition ayant écopé de sanctions, dont certaines très sévères comme cela a été le cas pour deux vétérans, soit Paul Bérenger et Rajesh Bhagwan, avec six séances de suspension ; si la dissolution intervient avant la fin de mai, ils courent le risque de ne pas retourner dans l’hémicycle pour cette présente session.
Pour sa part, Joanna Bérenger a été interdite des travaux de l’Assemblée nationale pour la séance d’hier et trois autres encore. La raison est qu’elle avait déclaré à l’adresse du Premier ministre et Leader of the House, Pravind Jugnauth, que « limem li’nn touy dimounn .» L’attention du Speaker avait été attirée par la ministre Kalpana Koonjoo-Shah, accusant la parlementaire du MMM d’avoir déclaré « limem li’nn touy Kistnen ». Or l’audition de l’enregistrement avait conclu que Joanna Bérenger n’avait pas prononcé le nom de Kistnen. Malgré cela, Sooroojdev Phokeer avait trouvé ce commentaire Objectionable, avec pour conséquence la suspension prononcée.
Le Speaker, qui avait cédé la présidence de la séance à son adjoint, Zahid Nazurally, devait revenir dans l’hémicycle pour mettre à exécution la sentence avec l’aide du Deputy Prime Minister, Steven Obeegadoo, et de la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation. Le Deputy Speaker avait adopté une approche en souplesse à l’encontre de Joanna Bérenger, probablement pas au goût de la majorité, pour la faire partir de l’hémicycle.
Plus tôt, lors du Question Time, les députés travaillistes Eshan Juman et Stéphanie Anquetil avaient été ordonnés de withdraw from the House. Et pour clore la série, sur un Point of Order du Parliamentary Private Secretary, Vikash Nuckcheddy, Arianne Navarre-Marie a été expulsée pour avoir qualifié le Speaker de poltron. À la demande du Deputy Speaker, la parlementaire du MMM avait refusé de se rétracter, d’où la sanction.
Le Speaker décrétant que l’affaire des coffres-forts ne pouvait être classé Sub Judice même si le dossier a été logé devant la Financial Crimes Division de la Cour intermédiaire et sera appelée le 6 mai, l’interpellation parlementaire de Joanne Tour a permis au Premier ministre, Pravind Jugnauth, de revenir en long et en large sur l’affaire des coffres-forts de Navin Ramgoolam, soit un montant de Rs 230 millions en liquide et 27 cartes bancaires. Il a aussi révélé qu’il ne s’agit là « que de la partie émergée de l’iceberg ».
Pravind Jugnauth a refait la chronologie de cet épisode avec la double perquisition à la rue Desforges et à Riverwalk, Floréal, dans la nuit du 6 au 7 février 2015, lors d’une intervention policière. Cette somme de Rs 230 millions était constituée de $ 3 161 411.22, £ 57 956.14; 585 808.19 euros; 73 970 de roupies indiennes; 52 de Ringgit malaisien;184 dollars singapouriens; 8 500 dollars hong kongais ; 300 rands sud-africains ; 100 couronnes danoises ; 5 dollars canadiens ; 4 000 dollars australiens ; 3 dirhams des Émirats arabes unis et Rs 102 174 065. Les dollars américains étaient composés de 17 liasses de 1 000 coupures de 100 USD chacune.
La police avait également saisi des cartes bancaires et d’autres items. Suite à quoi, Navin Ramgoolam avait été arrêté sous une charge de Money Laundering. Il a été relâché sous caution le 9 février 2015. Pravind Jugnauth a indiqué que la police a sollicité la collaboration du Federal Bureau of Investigation des États-Unis pour retracer les nouveaux billets de 100 dollars américains.
Le dossier a par la suite été transféré au bureau du Directeur des Poursuites Publiques. Vingt-trois charges ont été retenues contre Navin Ramgoolam, dont « willfully and unlawfully accepting payment in cash on 23 different occasions in breach of Section 5 and the then Sections 7 and 8 of FIAMLA ». Le DPP avait aussi référé l’affaire à l’Integrity Reporting Services Agency et à la Mauritius Revenue Authority (MRA) Le 15 novembre 2019, la Cour intermédiaire avait rayé les 23 charges contre le leader du parti Travailliste, avec pour raison : « the prosecution could not provide the particulars of the date of the alleged offences and the identity of the persons who allegedly made the payments and that the charges therefore failed to meet the test of certainty which is required under the Constitution in order to allow the defence to know the case it has to meet and to be adequately prepared to meet the case for the prosecution. »
Le bureau du DPP a fait appel de cette décision. La Cour Suprême a annulé cette décision de la Cour intermédiaire. Le jugement mentionne que la Cour intermédiaire n’a pas pris en considération le délit sous la section 5 (1) du FIAMLA, concernant le Payment in Cash, entre autres.
Navin Ramgoolam a alors demandé un Leave de la Cour suprême pour faire appel devant le Privy Council. Cette demande avait été rejetée. Le cas a donc été référé à la Financial Crimes Division de la Cour intermédiaire. Ce qu’a contesté l’avocat de Navin Ramgoolam à travers une motion présentée en Cour, estimant que la Financial Crimes Division de la Cour intermédiaire n’avait pas de juridiction pour traiter ce cas. « Le 3 avril 2024, les magistrats de la Financial Crimes Division ont donné leur Ruling, à l’effet qu’il y avait bien la juridiction nécessaire. L’affaire est donc devant la Financial Crimes Division de la Cour Intermédiaire et sera entendue le 6 mai prochain », a précisé Pravind Jugnauth.
Tour : Quelles sont les procédures et les implications eu égard aux billets de dollars américains neufs trouvés dans les coffres du Dr Navin Ramgoolam ?
PM : Je suis informé que les nouveaux billets de banque sont émis exclusivement par les banques centrales des pays dans la devise propre à chaque pays. Dans le cas de Maurice, la Banque de Maurice place la commande des nouveaux billets. À leur arrivée en paquets laminés et numérotés en série, soit par voie maritime ou aérienne, ces nouveaux billets sont acheminés sous forte escorte de la Special Mobile Force, sur la route de la Banque Centrale et sont stockés selon leurs dénominations respectives, avant d’être émises dans une planification préétablie.
Concernant les nouveaux billets de dollars américains, ils sont émis exclusivement par la Federal Reserve Bank des États-Unis. Dans le cas des nouvelles coupures retrouvées dans les coffres du Dr Navinchandra Ramgoolam, il s’agit de 17 liasses chacune contenant 1 000 unités de 100 dollars neufs, emballés sous film rétractable et des coupures jamais utilisées ou mises en circulation. Chacun peut en tirer sa propre conclusion. La presse locale a fait état d’une déclaration du Dr Navin Ramgoolam, où il a affirmé que l’argent retrouvé dans ses coffres-forts, y compris les liasses de dollars américains, provenaient de ses Per Diem, de ses allocations et de donations. Si tel est le cas et si le Dr Ramgoolam dit la vérité, il n’a qu’à le prouver, bien sûr. Son partenaire, l’honorable Paul Bérenger, pourrait peut-être l’aider dans ce domaine…
(Rires)En tout cas, afin de prouver que le Dr Ramgoolam n’est pas en train de dire la vérité, la Poursuite devra prouver que les billets de dollars n’ont jamais été en circulation. Et je crois qu’il n’est pas difficile de prouver cela. Le pays aussi doit connaître la vérité. Et c’est bien que nous ayons l’honorable Shakeel Mohamed comme leader de l’opposition aujourd’hui. Car feu son père Yousuf Mohamed avait si bien dit par rapport à cette affaire : « mo pa kapav fer mirak. »
Shakeel Mohamed, levant la main : Mr Speaker , Mr Speaker…
PM : Et je dois ajouter que cette affaire n’est que le Tip of the Iceberg. L’avenir nous dira ce qu’il y a d’autre.
Shakeel Mohamed, levant la main une nouvelle fois : Mr Speaker, Mr Speaker.
Speaker : Honourable Ittoo.
Ashley Ittoo : Le Premier ministre peut-il donner davantage de détails sur les cartes bancaires saisies dans le coffre du Dr Navin Ramgoolam ?
PM : Le commissaire de police m’a informé qu’il y avait 27 cartes au total. Soit 9 cartes American Express, 8 cartes de la HSBC, 4 cartes Lloyds, 3 cartes de crédit Santander, deux cartes de crédit de la MCB et une Barclays Gold Visa Card. Ces cartes ont des plafonds très élevés et sont exclusivement fabriquées pour les détenteurs, avec de nombreux privilèges sur le voyage, le shopping et le dining, permettant un Exuberant Lifestyle.
(Rires et commentaires venant des rangs de la majorité)
PM : Je dois ajouter qu’il faut voir comment ces cartes ont été utilisées. Quels genres de dépenses ont été financés? Il faut pouvoir justifier ces montants. L’avenir nous dira encore plus sur le mystère de ces cartes.
Abbas-Mamode : Eu égard à la réponse du Premier ministre, peut-on conclure que l’ancien PM est en train d’avoir recours à des Delaying Tactics en Cour ?
(Brouhaha)
PM : Je ne peux tirer des conclusions, mais les faits et les gestes démontrent que jusqu’ici, il y a eu des motions frivoles présentées en Cour. C’est à chacun d’interpréter ces motions frivoles. Pour moi, il s’agit bien de Delaying Tactics. Je peux rappeler que dans l’histoire politique, à l’époque où le Remake était arrivé à sa fin, la raison évoquée par Paul Bérenger, était que j’étais en train d’avoir recours à des Delaying Tactics dans le cas de l’affaire Medpoint. Alors que moi, je voulais à tout prix que mon affaire soit prise dans les plus brefs délais pour que justice soit rendue. Mais…
(Protestations de Paul Bérenger)
PM : Mais je comprends, avec l’âge peut-être, qu’on ne reconnaît plus, quels genres de Delaying Tactics on est en train de faire.
(Brouhaha)
PM : Mais on verra…
(Brouhaha)
Speaker : Order! Order.
(Brouhaha)
Speaker : Order, order, I am on my feet! Order, both sides of the House! Honorable Bérenger, je vous ai entendu dire “sauvage”. Avez-vous dit “sauvage”?
Bérenger : Oui.
Speaker : Allez-vous retirer ce mot ?
Bérenger : Non !
Speaker : Allez-vous présenter des excuses ?
Bérenger : Non !
Speaker : Allez-vous quitter la Chambre ?
(Brouhaha)
Speaker : I am naming you. I am naming you.
(Protestations de Rajesh Bhagwan)
Speaker : You are not God, I am naming you. You are a simple human being. Sergeant-at-arms, collect this man. Collect him.
(Brouhaha)
Speaker : Sergeant-at-arms, and the police officers, you are under your duty, police duty…
Opposition : La honte, la honte.
Speaker : Collect this man. He may be mad. Collect him, he may be mad…
(Vives protestations des parlementaires du MMM)
Speaker : I am also naming the Right Honourable Bhagwan.
(Brouhaha)
Speaker : Sergeant-at-Arms, collect this man, collect him.
(Vives protestations de l’opposition et invectives de la majorité)
Speaker : Sergeant-at-Arms, he may be mad ! He may be mad! This is a sick man in Parliament. This is a sick man in Parliament. You are mad, go, go out, you are mad, go out, go out, Sergeant-at-Arms.
(Vives protestations de l’opposition)
Les parlementaires du MMM quittent l’hémicycle alors que l’on entend Rajesh Bhagwan lancer en direction du Speaker: « dan trwa mwa to pe deor! » Quelques instants après, la séance est levée pour le déjeuner. Des recoupements d’informations indiquent que l’ambiance était relativement chaude dans les couloirs avec la sortie de Sooroojdev Phokeer regagnant le Speaker’ Office sous les cris, avec le premier nommé enjoignant les policiers de service d’intervenir pour rétablir la discipline aux abords de l’hémicycle.
Ces envolées parlementaires qui collent
« The opposition disagreement on seating issues » (Le leader de l’opposition, Shakeel Mohamed, protestant auprès du Speaker, qui l’aura interrompu séance tenante »
« This is Question Time. No point of Order » (Sooroojdev Phokeer pour réduire au silence Shakeel Mohamed)
“I can wish him a long tenure as leader of the opposition” (Le Premier ministre, Pravind Jugnauth saluant le nouveau leader de l’opposition, remarque à double tranchant, soit qu’il ne sera pas de sitôt remplacé par Arvin Boolell, soit que son parti restera encore longtemps dans l’opposition)
« The trial has not started and the subject matter is not sub-judice » (Sooroojdev Phokeer pour écarter les objections du parti Travailliste et autoriser la PQ sur les coffres-forts de Navin Ramgoolam)
« Any act of criminal nature will not be tolerated » (Pravind Jugnauth répondant à la PNQ sur le Law and Order)
“I meet the commissioner of police on an almost daily basis” (Le Premier ministre)
“When the government took office in 2015, the Law and Order situation was appalling. To say the less” (Pravind Jugnauth)
“Why is the Prime Minister so slow in delivering on promises which date back to 2018?” (Le leader de l’opposition, Shakeel Mohamed à l’adresse de Pravind Jugnauth)
« You have failed… The beach towers are still watching. They are not there » (Shakeel Mohamed au sujet des tours de surveillance sur les plages publiques)
« It’s very unfortunate. The leader of the opposition is trying to score cheap political points on the back of people who have lost their beloved ones » (Pravind Jugnauth tentant une riposte face au leader de l’opposition)
“The crime rate is alarmingly on the rise” (Shakeel Mohamed)
“Try to contain your question. Your question is too large” (Sooroojdev Phokeer lors de la PNQ)
“This is Parliament. No place for bullying” (Sooroojdev Phokeer)
“I’m not agreeing to anything. You are not listening to my answers” (Le Premier ministre lors des échanges sur la PNQ)
“Chacun peut tirer sa propre conclusion… La Poursuite devra prouver cela. Ce ne sera pas difficile » (Pravind Jugnauth au sujet de la provenance des Rs 230 millions dans les coffres-forts de Navin Ramgoolam.)
« Honourable Rajesh Bhagwan has been using abusive language. To enn Speaker sovaz, batchiara, voler, souser” (Le Speaker dressant le réquisitoire contre le député du MMM avant ses séances de suspension)
« The Honourable Member is much more involved in the daily activities of the NHDC than I am » (Le Deputy Prime Minister, Steven Obeegadoo, répondant à Osman Mahomed)
« If anyone on Government’s side wants to go home, he will » (Le Deputy Speaker devant le brouhaha venant des travées de la majorité)
« There are procedures. I am here to follow procedures. It’s a gentle request… But be mindful of the institutions » (Le Deputy Speaker demandant à Joanna Bérenger de quitter l’hémicycle après avoir été Named par le Speaker)