Assemblée Nationale – Padayachy : « Il ne reste plus rien dans les fonds de la CSG »

De 2020 à septembre dernier les cotisations se montaient à Rs 25,6 milliards alors que les déboursements ont été de Rs 25 milliards

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La ministre Chukowry sur le contrat de produits pétroliers: « It was a good deal and we took the deal »

Deux dossiers d’importance critique, soit la gestion des fonds sous la Contribution Sociale Généralisée (CSG), remplaçant le National Pension Fund pour assurer la pension de retraite, et le dernier contrat d’approvisionnement en produits pétroliers de Rs 16 milliards, contractés par la State Trading Corporation (STC), ont été abordés lors de la tranche du Question Time à l’Assemblée nationale, hier. Dans les deux cas, face aux appréhensions exprimées par l’opposition, les ministres de tutelle, Renganaden Padayachy pour la CSG et Dorine Chukowry pour les produits pétroliers, ont voulu se montrer rassurants. Face à ses révélations à l’effet que les fonds de la CSG sont actuellement à zéro, le ministre des Finances ne s’est pas inquiété outre mesure quant aux risques pour le paiement de la pension alors que le NPF avait été qualifié d’Unsustainable. Pour sa part, la ministre du Commerce maintient que le contrat d’approvisionnement pétrolier avec la société Mercantile and Maritime Group (MMG) est un Good Deal.

Toutefois, les détails révélés par le Grand Argentier au sujet des fonds de la CSG ont jeté le désarroi dans le camp de l’opposition. « Il ne reste plus rien dans les fonds de la CSG », a-t-il laissé entendre aux interpellations des parlementaires de l’opposition, Ritesh Ramful et Aadil Ameer Meea. Ces derniers ont tenté d’obtenir des indications sur le paiement de la pension devant être de l’ordre de Rs 13 500 à la fin du présent mandat. Mais Renganaden Padayachy a tout simplement déclaré : « Nous ne sommes pas ici pour dire que nous n’avons pas de fonds pour la pension. Il ne faut pas s’inquiéter », devait-il répéter.

En effet, auparavant, Renganaden Padayachy avait indiqué que de 2020/21 au 30 septembre dernier, les contributions des employés et des employeurs à la CSG ont été de Rs 25,6 milliards, comme suit

Rs 5,3 milliards en 2020/21

Rs 8,3 milliards en 2021/22

Rs 9,5 milliards en 202223

Rs 2,5 milliards pour le premier trimestre de 2023/24.

Par contre, à cette même dernière date, les déboursements sous les différents guichets et Schemes ont été de l’ordre de Rs 25 milliards, dont principalement

Rs 9 milliards pour les augmentations de la pension

Rs 6,5 milliards sous forme de la CSG Allowance

Rs 2,8 milliards pour la pension sous la CSG

Rs 2,7 milliards pour le Housing Loan Scheme et

sans compter les Rs 301 millions pour assurer le financement de la prime à l’emploi.

Réagissant à cette assertion du ministre des Finances, le député Ramful, rejoint par Aadil Ameer Meea, rappelle qu’« il avait déclaré et l’a répété encore aujourd’hui que la CSG vient remplacer le NPF parce que le fonds était devenu Unsustainable. Now he is saying that there is nothing left in the kitty. Can he tell us how is he going to ensure a pension plan ? »

Que ce soit face aux interpellations supplémentaires, Renganaden Padayachy s’est tenu à cette phrase, comme un leitmotiv : « Il ne faut pas s’inquiéter. Nous ne sommes pas de ceux qui disent que nous n’avons pas d’argent » ou encore tout simplement « je leur demande de nous faire confiance ».

Pour sa part, répondant à la PNQ, la ministre Chukowry a expliqué que cette question lui permet de faire la lumière sur une thématique ayant donné lieu à « des spéculations, des malentendus et de la confusion » auprès du public. Elle a d’abord précisé que le contrat pour la fourniture de produits pétroliers n’est pas de Rs 16 milliards, mais une prime de Rs 2,6 milliards sur une durée d’un an pour la fourniture de 700 000 tonnes de produits pétroliers, ce qui revient, dit-elle, à une prime de Rs 3 le litre.

D’abord, Dorine Chukowry a fait l’historique de la STC, incorporée en 1982 en vue d’assurer l’importation de produits pétroliers dès l’année suivante. Dans un premier temps, soit en 1983, dit-elle, la corporation importait 25% des produits pétroliers. En 1984, la proportion d’importation était déjà passée à 50% en raison de l’économie réalisée en devises étrangères.  En 1985, la STC a commencé à importer la totalité des besoins en produits pétroliers du pays.

Elle ajoute que la structure des prix est définie dans les Consumer Protection Regulations de 2011 concernant le contrôle des prix des produits pétroliers. Lesquelles sont remises à jour à chaque exercice entrepris pour la fixation des prix de l’essence et du diesel. Ainsi, la structure de prix comprend les droits d’accise et la Taxe à la Valeur Ajoutée (TVA), soit deux taxes collectées par la Mauritius Revenue Authority (MRA) et versées au Consolidated Fund dans le but de financer le budget courant et le budget de développement.

« Nous assurons ainsi le maintien de l’État providence, qui comprend l’éducation gratuite à tous les niveaux, le transport gratuit pour les personnes âgées, la santé gratuite, la pension de vieillesse et les diverses allocations aux groupes vulnérables de la société, dont les veuves et les orphelins entre autres », dit-elle.

Les autres prélèvements sont destinés à financer les obligations sociales de la population, poursuit la ministre. « Ces contributions existaient dans le passé et le gouvernement les a maintenues. » Elle a ensuite fait mention de l’allocation accordée à la Road Development Authority (RDA), permettant entre autres de compenser les propriétaires d’autobus afin d’éviter une hausse de prix des tickets de transport. « Cette contribution a été introduite en 1990 et a été augmentée à plusieurs reprises », ajoute-t-elle.

Il y a également un prélèvement destiné à financer l’entreposage et le transport des produits à Rodrigues afin d’assurer que les prix pratiqués dans l’île soient les mêmes qu’à Maurice.  « Un autre prélèvement est destiné à la construction des entrepôts pour les produits pétroliers », dit-elle.  Ainsi, Rs 75 millions ont déjà été investies dans la construction du Mer Rouge Oil Storage Terminal, d’une capacité de 25 000 tonnes métriques, soit 30 jours pour Mogas et 16 jours pour le diesel.

En juillet 2021, un montant de Rs 800 millions a, par ailleurs, été transféré au Price Stabilisation Account en vue d’éviter une hausse des prix des produits pétroliers. Au 30 juin dernier, la balance de ce fonds était estimée à Rs 720 millions. Néanmoins, précise la ministre, la guerre en Ukraine et celle au Moyen-Orient constituent un risque concernant la chaîne de l’offre des produits pétroliers. « Cela peut avoir un impact sur les prix et sur le mouvement des produits », prévient la ministre.

Elle s’est ensuite attardée sur les subsides accordés à l’importation de riz, de farine et de gaz ménager en vue de maintenir les prix à un niveau raisonnable. À ce stade, le leader de l’opposition est intervenu pour lui rappeler que cet élément avait été introduit en avril 2000. D’autre part, la ministre indique que malgré cette contribution – qui s’élève à Rs 3,7 milliards – le gouvernement dépense pas moins de Rs 4,1 milliards à ce même item budgétaire.

De plus, la ministre a considéré qu’il serait prématuré à ce stade de dire si la structure des prix sera ou non revue. Tout en se posant la question de savoir pourquoi, si le retrait de certains éléments permet effectivement de faire baisser les prix des produits pétroliers, l’opposition ne l’a pas fait lorsqu’elle était au gouvernement. « Comment pourrait-on financer l’État providence ? À moins que le gouvernement ne demande le retrait aussi des subsides sur les produits destinés aux plus démunis de la société », devait-elle répondre.

La ministre Chukowry a affirmé que la STC a lancé, le 5 mai dernier, un appel d’offres international au regard de la fourniture d’essence, de diesel, de jet A1 et d’huile lourde pour la période du 1er août 2023 au 31 juillet 2024. Sept soumissions ont été reçues et étudiées par un comité technique. Cependant, cet exercice avait par la suite été annulé, car une meilleure offre avait été obtenue de MMG, avec un prix compétitif pour les quatre catégories de produits, en sus d’autres avantages associés. « La STC a agi conformément aux provisions du PPA », rassure-t-elle.

Elle rappelle en outre qu’aux termes de la loi, la STC peut s’engager dans l’achat direct pour une série de produits, y compris les produits pétroliers. Ainsi, dit-elle, les profits découlant de l’achat des produits pétroliers de MMG permettent de faire une économie de Rs 460 millions par an. Quant aux avantages, ils comprennent une Performance Bond Value  d’un montant de USD 15 millions sur le compte bancaire de la STC, lequel sera utilisé en cas de Non-Performance en faveur de la STC.

Dorine Chukowry relève ensuite également la possibilité de faire des paiements MMG en roupies mauriciennes, au lieu d’en dollars, ce qui résulte pour la STC en une économie de Rs 250 millions. De plus, les devises seront mises à la disposition des commerçants pour l’achat de leurs produits, prenant en compte que la STC est un des principaux acquéreurs de dollars américains. « Ce qu’elle n’aura pas besoin de faire pour payer MMG », explicite la ministre.

C’est en raison de tous ces éléments que la STC a annulé l’exercice d’appels d’offres, ajoute-t-elle. À la suite de l’accord obtenu du conseil d’administration de la STC, le contrat a été alloué à MMG. Dorine Chukowry explique qu’un exercice de Due Diligence a été effectué sur MMG, ce qui a permis de constater qu’il s’agit d’une compagnie saine.

Par ailleurs, la ministre a expliqué que chaque cargaison dispose d’un certificat d’origine des produits pétroliers afin de garantir que ceux-ci ne proviennent pas de pays sanctionnés par les Nations unies. Tout en soulignant que MMG est une compagnie spécialisée dans le transport de produits pétroliers, Dorine Chukowry conclura son intervention liminaire en rappelant que « les contrats de cette envergure sont gérés par une clause de confidentialité ».

La ministre est d’accord pour rendre le contrat public. Mais l’accord de toutes les parties concernées est nécessaire.

Xavier-Luc Duval : Je suis choqué par la dernière partie de la réponse ministérielle. Je dois dire à la ministre qu’elle commet une erreur concernant les dépenses encourues pour l’achat des produits pétroliers. La STC ne paie pas MMG uniquement pour les primes, mais également pour les produits importés. Sinon la compagnie ferait faillite, et par conséquent le montant payé est de Rs 16 milliards.  La structure des prix a augmenté considérablement concernant les subsides.

Il y a deux façons de traiter cette question : soit on le place dans le Consolidated Fund, soit on ne le met pas dans la structure des prix. La ministre doit comprendre qu’en prélevant Rs 7.20 au lieu de Rs 2 auparavant, cela a des effets de cascade sur le taux de l’inflation et sur les autres prix, de même que sur le taux d’intérêt. Une des raisons du niveau de l’inflation est que la structure des prix des produits pétroliers comprend des items qui auraient dû être traités ailleurs. Est-ce que vous comprenez ce que je dis ?

DC : Je comprends ce que le leader de l’opposition dit car j’ai enseigné la comptabilité à des étudiants durant 27 ans. Le contrat de MMG est uniquement pour la fourniture des produits pétroliers, soit Rs 2,6 milliards. Que ce soit MMG ou une autre compagnie, on doit payer pour le produit. Le contrat couvre uniquement la prime. La structure des prix était ainsi lorsque vous étiez ministre des Finances et DPM. Nous n’avons pas inventé la roue.

XLD : Ce que la ministre ne comprend pas, c’est qu’auparavant, les prélèvements étaient de Rs 2, contre maintenant Rs 7.20 pour le litre de produit pétrolier, ce qui représente un montant très important. Est-ce que la ministre peut confirmer que le Price Stabilisation Account est une cumulation de taxes imposées sur les prix de l’essence et du diesel, et qui n’a pas été passée aux consommateurs. À aucun moment dans l’histoire de Maurice les prix des produits pétroliers n’ont été aussi élevés. Le Price Stabilisation Account ne doit-il pas être aboli ?

DC : Le PSA a été créé pour stabiliser le prix sur le marché parce qu’à chaque cargaison, les prix montent et descendent. Cela permet de stabiliser les prix. Ensuite il y a eu le Covid.

XLD : La ministre est-elle d’accord qu’il y a une accumulation de taxes. Yes or no?

Speaker : We are not in a Court of Law. Laissez la ministre répondre !

DC : No, it is not.

XLD : Je dois rire. La contribution à la construction des entrepôts a rapporté Rs 1,6 milliard et les dépenses pour la construction de ces entrepôts sont de Rs 76 millions. N’est-elle pas d’accord qu’il faut maintenant abolir cette taxe?

DC : J’ai mentionné l’importance stratégique des facilités de Storage. Nous devons nous assurer qu’en cas de problème, la fourniture des différents produits est assurée sur le marché. Par conséquent, on ne peut pas abolir cela. Je dois préciser que Rs 800 millions ont été versées au PSA.

XLD : Démarche qui est critiquée par le Directeur de l’Audit, parce que c’est illégal.  (Le leader de l’opposition interpelle alors la ministre sur l’Unsollicited Bid. Pourquoi n’y a-t-il pas eu un nouvel appel d’offres ou pratiquer une Reverse Auction, ce qui aurait permis aux autres soumissionnaires de baisser leur prix ?

DC : Ce que MMG a proposé était une bonne affaire pour le pays. Time is of the essence. It was a good deal, we took the deal.

XLD : Pourquoi ne pas avoir introduit une Reverse Auction ?

DC : En fait, MMG était la seule compagnie ayant accepté d’être payée en roupies mauriciennes. Et nous avons tenu en compte les bénéfices que le pays aurait tirés de cela.

XLD : Pourquoi le deal avec MMG est-il gardé secret ? Nous ne savons pas le taux de conversion de la roupie, etc. Nous avons eu dans le passé le cas du Molnupiravir. Nous n’avons pas confiance en la STC.

Speaker : Posez votre question !

DC : Aucun soumissionnaire n’a offert de telles facilités pour le paiement, c’est-à-dire deux mois de crédit et la possibilité de payer en roupies mauriciennes, ce qui nous a permis d’économiser Rs 250 millions que nous aurions eu à payer aux banques. Peut-être que ce n’est rien pour vous, parce que nous avons vu quelque Rs 200 millions dans deux coffres-forts…

(Protestation de l’opposition, notamment d’Arvin Boolell)

DC : Toutes les économies sont importantes.

XLD : Nous ne savons pas quel est le coût du contrat, ni de détails du PSA, ni le Reserve Account… Je considère l’attitude de la ministre surprenante. J’ai mes doutes concernant la confidentialité. Maintenant qu’elle refuse de publier le contrat, les Mauriciens seront obligés de croire qu’il y a anguille sous roche dans ce contrat.

DC : Je n’ai pas refusé de publier le contrat, mais toute publication doit recevoir l’accord des deux parties.

Speaker : Question only…

Le leader de l’opposition rappelle alors que le prix de l’essence à Maurice est le même qu’en Grande-Bretagne, où les salaires sont cinq fois supérieurs à ceux pratiqués à Maurice. Propos suivis d’une interruption du Speaker, qui demande au leader de l’opposition de s’en tenir aux questions et de ne pas s’engager dans la voie de la démagogie.

Xavier-Luc Duval revient avec la même question, qui est refusée par le Speaker, et demande à la ministre de répondre à la première partie seulement, car l’autre partie « relève de la démagogie ».

La ministre a alors affirmé qu’il faut comparer « like with like » et se demande pourquoi ne pas comparer avec les prix des produits pétroliers pratiqués aux Seychelles.

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