Profitant de la Private Notice Question (PNQ) portant sur la perte du pouvoir d’achat des Mauriciens, avec la flambée des prix, le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, a réclamé la présentation par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, d’un mini-budget dès la semaine prochaine. L’objectif visé est d’entériner une série de mesures d’allégement en faveur des ménages, dont des Financial Handouts et des Supermarket Vouchers, pour faire face à la montée des prix de vente au détail. Il s’est appesanti sur le fait que c’est maintenant que le gouvernement doit agir pour soulager les difficultés de la population, en particulier ceux au bas de l’échelle, et non attendre le ministre en juin prochain. Il a tenu à mettre en garde contre le Sri Lanka Syndrome en matière de gestion économique.
D’autre part, le compteur politique du Grand Argentier est resté bloqué à 2008, année où au moins 50% des salariés touchaient moins de Rs 8 000 par mois et la pension de vieillesse était inférieure à Rs 3 000. Les échanges entre Xavier-Luc Duval et Renganaden Padayachy, certes très sonores, relevaient cependant davantage d’un dialogue de sourds, avec un arbitrage tapageur du Speaker, Sooroojdev Phokeer, mettant la pression sur le leader de l’opposition avec ses répétitions de « Question! Question! You don’t have any question! ». Le ministre des Finances s’est contenté de dire qu’en marge des préparatifs menant au prochain budget, ces propositions du leader de l’opposition seront analysées à son ministère à cet effet.
Pendant cette tranche d’une demi-heure, le ministre Padayachy a tenu à rendre hommage au Premier ministre, Pravind Jugnauth, avec la dernière allusion à la politique adoptée par le Leader of the House ressemblant à une invitation adressée aux membres de la majorité pour applaudir celui-ci. Il s’évertuait ainsi de répondre à la riposte du leader de l’opposition, qui a eu le réflexe de rappeler qu’en 2010, Pravind Jugnauth, en tant que ministre des Finances, avait accordé le taux le plus faible des compensations salariales, soit Rs 90.
D’autre part, comme pour ne pas déroger aux dernières habitudes, une unique interpellation a été répondue par Pravind Jugnauth au Prime Minister’s Question Time, soit celle du député du MMM Aadil Ameer Meea sur l’état des travaux à la jetée et à la piste d’atterrissage d’Agalega. Après l’interpellation supplémentaire de Sandra Mayotte, le Speaker s’est permis de s’engager dans du Time Wasting, vu qu’il restait encore quelques minutes pour compléter les 30 minutes. Le député de l’opposition, quelque peu étonné par le traitement de la présidence, a bénéficié d’une ultime interpellation en laissant échapper : « I thought it was my birthday ».
Le Premier ministre a annoncé qu’en raison de la situation découlant du Covid-19 et des conditions climatiques prévalant, les travaux à Agalega, que ce soit pour le chantier de la jetée ou ceux de la piste d’atterrissage, des retards avaient été accumulés. Ce qui fait que l’Agalega Nouveau devra être prêt en mai/juin de l’année prochaine. Il a tenu à donner l’assurance que la souveraineté de Maurice sur cet archipel n’est pas remise en question avec ces développements engagés avec le soutien financier de l’Inde.
En début de séance, le député travailliste Shakeel Mohamed a vu sa suspension levée, Sooroojdev Phokeer se faisant un devoir de souligner que le député avait présenté des Unreserved and Unconditional Apologies. L’Assemblée nationale a aussi présenté de vibrants hommages à deux anciens parlementaires et ministres, en l’occurrence Maurice Espitalier-Noël, décédé à l’âge de 90 ans en début de semaine dernière, et Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel, âgé de 88 ans, dimanche dernier.
Le Premier ministre a retracé la carrière de ces deux anciens membres de l’Assemblée nationale, soit Maurice Espitalier-Noël, qui a été ministre des Administrations régionales de 1976 à 1979, et Yousuf Mohamed, qui a connu une longue carrière sur le plan politique, soit depuis 1967, quand il avait été élu pour la première fois à Quartier-Militaire/Moka (No 8), et également en tant que diplomate et homme de loi.
A l’heure de la PNQ, Xavier-Luc Duval a souligné que face à la perte du pouvoir d’achat des ménages, le ministre des Finances devrait envisager d’introduire une série de mesures, dont la réduction des taxes et les prélèvements sur la structure des prix pétroliers; l’application de la TVA sur les prix des denrées importées FOB (Free on Board) plutôt que sur le CIF (Cost Insurance and Freight); une révision à la hausse des pensions pour rétablir le pouvoir d’achat d’avant l’escalade des prix; des dons en espèces aux familles de même que des obligations d’épargne aux retraités à des taux d’intérêt à l’épreuve de l’inflation; l’extension du régime de subventions existant à d’autres articles; et la réduction des marges bénéficiaires des importateurs sur les produits subventionnés, comme le lait en poudre.
Le ministre des Finances est revenu sur ce qu’il qualifie d’actions décisives prises pour soutenir la population dans des situations soumises à de multiples chocs externes. Il explique ainsi que, durant ces deux dernières années, « le pays a été soumis à la plus grave crise économique que le monde moderne ait jamais connue. Une crise qui a chamboulé notre mode de vie et bouleversé la trajectoire de la croissance économique .»
Mettant en exergue l’ampleur du choc, il ajoute : « Il était impérieux de prendre des mesures pour préserver les vies et les moyens de subsistance de la population. » Raison pour laquelle, dit-il, le gouvernement a introduit une politique économique à trois niveaux pour préserver l’essentiel, à savoir : préserver l’emploi, prévenir les défauts de paiement, et surtout maintenir les capacités de production. « Cette pandémie nous a coûté 15 points de PIB », a-t-il répété.
Il a cité les répercussions sur le secteur du tourisme, avec le nombre de visiteurs passant de 1,4 million en 2019 à 180 000 l’année dernière, ou encore la chute dramatique des exportations de biens et services de Rs 192 milliards en 2019 à Rs 128 milliards en 2020 et Rs 132 milliards en 2021, soit un manque à gagner de Rs 120 milliards. Il souligne aussi que les rentrées en devises ont chuté de 33%. Cette situation a engendré une forte pression sur la roupie, qui a connu une dépréciation. « Malgré les interventions de la BoM et du fait de la forte demande en devises, avec une offre diminuée, il y a eu une dépréciation de la roupie. »
Pour le ministre, le phénomène d’augmentation du coût de la vie est mondial, citant à ce propos la situation qui prévaut aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et dans la zone Euro. Il estime ainsi que Maurice a connu une inflation de l’ordre de 5,2% sur les 12 derniers mois, se terminant en février 2022. La BoM, poursuit le Grand Argentier, estime que l’inflation pourrait s’établir à 6,7% cette année. Toutefois, reprend-il, en tenant en ligne de compte l’incertitude entourant la durée du conflit russo-ukrainien et son impact sur les principaux marchés, « il est probable que l’inflation aille au-delà de ces projections ».
Poursuivant son explication, le ministre Padayachy a insisté sur le fait que le Premier ministre et son gouvernement « ont toujours privilégié l’humain, car c’est le développement humain qui permet un développement économique équilibré ». Il est ensuite revenu sur les mesures prises durant la pandémie, notamment le maintien de la Basic Retirement Pension à Rs 9 000. En sus du Wage Assistance Scheme et du Self-Employed Assistance Scheme, qui a été payé à plus de 550 000 personnes, pour un coût de Rs 27 milliards, afin de soutenir le pouvoir d’achat des employés.
En contrepartie, le ministre s’est appesanti sur les subventions sur les prix du gaz ménager, de la farine et du riz ont été maintenues, soit un montant de Rs 4 milliards. De même, des subventions ont été introduites sur les prix de sept nouveaux produits essentiels, à savoir l’huile comestible, les grains secs, les tomates en conserve, le lait en poudre, la margarine, le fromage et le poisson en conserve (sardines et pilchards) de juillet à décembre 2021. « C’est un total cumulé de Rs 5 milliards pour l’ensemble des subsides que je viens de citer », dit-il tout en faisant état de la compensation salariale de Rs 500 pour ceux gagnant moins de Rs 13 000 et de Rs 400 pour les autres travailleurs, depuis le début de l’année.
« Le gouvernement travaille actuellement sur les différentes options pour continuer de soutenir le pouvoir d’achat des Mauriciens », ajoute-t-il. Il a aussi fait état des 700 propositions budgétaires actuellement à l’étude aux Finances. « Un certain nombre de pistes et de propositions discutées au cours de ces échanges a directement pour objectif de maintenir le niveau du pouvoir d’achat à Maurice, comme l’a suggéré le leader de l’opposition », a lancé Renganaden Padayachy. Tout en qualifiant les propositions de Xavier-Luc Duval de « nobles »,
Presque sur le champ, à peine un sourire éclairant le visage du leader de l’opposition, le ministre des Finances a adopté une posture plus politicienne en critiquant les mesures prises par le gouvernement en 2008, et rappelant au passage que « la pension, qui est aujourd’hui de Rs 9 000, a été multipliée par trois par rapport à 2008 » ou encore « le salaire minimum, qui est à Rs 11 075, représentant sept fois le salaire minimum d’antan, qui était de Rs 1 500 ».
En guise de flèche du Parthe, le leader de l’opposition a estimé la question « trop importante pour la population que pour répondre en détail aux remarques ministérielles ». Il a simplement fait remarquer que l’actuel Premier ministre, Pravind Jugnauth, était Premier ministre en 2010 et 2011, et qu’en tant que tel, il avait accordé « le taux d’augmentation le plus bas de l’histoire » aux pensionnés, soit moins de Rs 100, dit-il. « Vous devriez vous regarder dans un miroir », ajoute-t-il.
À ce stade, il a été interrompu par le Speaker, qui lui a demandé de poser sa question, et de ne pas argumenter. « Attacks that are made should be responded », a répondu Xavier-Luc Duval, tout en notant que les politiques adoptées par le gouvernement « ont été annulées par la dépréciation de la roupie », soit de 46% par rapport au dollar depuis 2014, selon lui.
Speaker (intervenant) : « If you have no question I will have to call another member ! »
Le leader de l’opposition a réitéré sa demande pour l’élimination de la taxe de 8% imposée sur le litre de produits pétroliers par le gouvernement MSM. « Ce qui permettra de mettre Rs 4 milliards dans la poche des consommateurs. »
Le ministre est revenu le salaire minimum et de la pension en vigueur en 2008. « Le leader de l’opposition, qui a été ministre des Finances, sait que chaque mesure doit être analysée afin de voir le coût avant de décider de la manière de procéder. La philosophie du gouvernement reste la protection de la population, et en particulier les plus vulnérables » , s’efforce-t-il de faire ressortir.
« Ces taxes ont permis de mettre Rs 8 milliards pour les subsides, dont Rs 5 milliards pour le gaz, le riz et la farine ». Une réponse qui n’aura pas convaincu Xavier-Luc Duval, qui avance que « cet argent a aussi été utilisé pour financer les déplacements inutiles à Dubaï, le désastre de Mulnopiravir, l’hélicoptère de la police, l’éléphant blanc de Côte-d’Or, le parc de Belle-Mare et la MIC ».
Le leader de l’opposition est revenu à la charge avec les différentes propositions dans la PQ liminaire. Il n’a pas manqué de rappeler au néophyte Padayachy qu’en 2014, Nando Bodha et lui avaient rédigé le manifeste de L’Alliance Lepep, qui avait prévu une augmentation des pensions. Il a maintenu que la pension de vieillesse devrait passer de Rs 9 000 à Rs 11 000, « ce qui ne représente pas une augmentation, mais une compensation de la perte du pouvoir d’achat », estime-t-il.
XLD : Aret kouyonn lapopilasyon !
Padayachy : La population sait ki kouyonn ki.
À ce stade, il s’est lancé dans des louanges de Pravind Jugnauth « pour son courage, sa détermination et son humanisme » en ayant introduit le salaire minimum.
Le leader de l’opposition a mis en garde contre le Sri Lanka Syndrome avec « l’inflation qui a touché le plafond ». Il a plaidé en faveur de l’introduction des Cash Vouchers en faveur des plus démunis dans le cadre d’un mini-budget, qui devrait être présenté la semaine prochaine, et qui comprendrait les mesures proposées aujourd’hui.
Xavier-Luc Duval a finalement réclamé du ministre d’étendre les subsides en plus de la quarantaine d’items présentement à d’autres produits de base et aux médicaments. Tout en demandant de « ne pas répéter l’erreur commise sur les subventions sur le lait en permettant aux commençants d’avoir une marge de profit de 35% ».
En conclusion, Renganaden Padayachy a rétorqué que « le gouvernement a dans son ADN de travailler pour l’humain et de se concentrer sur ceux au bas de l’échelle ». Il a pour terminer critiqué ceux qui, en 2014, s’étaient opposés à l’augmentation de la pension de vieillesse à Rs 5 000.