Assemblée nationale – débats sur le National Agency for Drug Control Bill

« La réhabilitation des toxicomanes et des ex-détenus doit être sérieusement repensée. » C’est ce qu’a mis en avant la Junior Minister des Arts et de la Culture, Véronique Leu-Govind, lors des débats sur le projet de loi de la NADC. Aujourd’hui, fait-elle valoir, le certificat de moralité représente une énorme barrière à leur réinsertion sociale et professionnelle.

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« À Maurice, ce certificat est exigé pour obtenir une carte de pêcheur professionnel, effectuer des démarches administratives, trouver du travail pour subvenir au besoin de sa famille. Pourtant, étrangement, ce même certificat n’est pas requis pour être candidat aux élections législatives et devenir membre de cette auguste Assemblée pour gérer les biens et les fonds publics. Cette incohérence est inacceptable et profondément injuste. D’où la valse des défilés de voleurs à col blanc à la FCC sans menottes. Nous devons mettre fin à cette hypocrisie flagrante », a martelé la Junior Minister.

Ce projet de loi représente, dit-elle, une lueur d’espoir pour notre nation. Tout en félicitant le ministre du Tourisme, Richard Duval, pour son initiative d’équiper tous les bateaux de plaisance d’un Automatic Identification System leur permettant de mieux contrôler et surveiller leurs déplacements et prévenir par la même occasion la chaîne d’approvisionnement de drogues, elle a lancé un appel au Premier ministre pour inclure le ministre du Tourisme dans la liste des ministres de la NADC.

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« Ce ministère joue un rôle important dans la lutte contre la drogue dans notre pays, car il règlemente et surveille les licences des bateaux de plaisance. » Elle a en outre demandé d’inclure dans les campagnes touristiques le fait que Maurice impose une peine sévère pour les importateurs de drogues, avec une peine pouvant aller jusqu’à 60 ans.

Véronique Leu-Govind a d’autre part estimé qu’il ne faudrait pas qu’avec une telle structure, la réinsertion, la prévention et la réhabilitation des toxicomanes s’enlisent dans des procédures administratives lourdes. « Nous devrions inclure des dispositions pour faciliter les démarches administratives concernant la garde des enfants dont les parents sont toxicomanes. Une prise en charge simplifiée par les membres proches de la famille est nécessaire afin d’éviter des problèmes administratifs dans les écoles et les hôpitaux, ce qui soulagerait les parents en cours de réhabilitation et les grands-parents qui souvent s’occupent de leurs petits enfants abandonnés par leurs parents toxicomanes » a-t-elle plaidé.
Elle a aussi attiré l’attention sur la réalité douloureuse qu’est la prostitution infantile associée à la toxicomanie. « Des jeunes se tournent malheureusement vers cette pratique pour financer leur addiction. La NADC doit donc prévoir des mesures spécifiques en collaboration étroite avec des ONG pour protéger ces enfants. »

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Elle est d’avis que toute personne ayant payé sa dette à la société mérite une seconde chance. « Je propose donc qu’après une période de dix ans ou plus sans récidive, une grâce présidentielle automatique soit accordée à ces personnes. Il est injuste que cette grâce soit sélectivement accordée, comme ce fut rapidement le cas du fils de l’ancien commissaire de police alors que les autres citoyens sont traités autrement. »

Pour Véronique Leu-Govind, « tant que nos infrastructures sportives, nos centres de jeunesse et nos espaces culturels resteront peu fréquentés, le problème de la drogue continuera de s’aggraver ». Elle ajoute : « Il ne faut pas oublier que nos artistes locaux font un gros travail de sensibilisation et de prévention à travers leurs chansons, slams, etc. Il faut leur donner une plateforme et beaucoup plus de ressources et de moyens pour s’exprimer. »

Manoj Seeburn, Backbencher : « Un engagement ferme pour combattre le fléau de la drogue »

Pour le député Manoj Seeburn, ce projet de loi vient tacler de façon fondamentale le fléau de la drogue. Il crée ainsi un Apex Body, notamment la Drug Control Commission, qui aura un droit de regard sur tous les aspects de ce fléau. Ce sera ainsi le Premier ministre lui-même qui sera le Chairman de cette commission, tandis que le Premier ministre adjoint sera Deputy Chairman. Pour Manoj Seeburn, cela démontre un engagement ferme pour combattre la drogue.

D’autre part, la National Agency for Drug Control mettra l’accent sur l’aspect de la demande, notamment la réhabilitation des toxicomanes. Le député a qualifié cette agence de « most important institution to date » dans le combat contre la drogue.

Le député fait ressortir que, selon Amnesty International, la répression contre le trafic de drogue ne voit pas de réduction substantielle de ce trafic. Au contraire, le trafic de drogue et la criminalité gagnent du terrain. Il a ainsi prôné l’approche des présidents américains Obama et Carter, qui avaient adopté une approche différente en se focalisant sur la réduction de la demande de drogue et en traitant l’addiction comme un problème de santé publique, à laquelle il fallait offrir un traitement.

Dans ce contexte, la National Agency for Drug Control mettra en oeuvre le Drug Control Master Plan sous l’égide des Nations Unies. Outre la réhabilitation, d’autres aspects phares de ce plan sont la sensibilisation, la promotion des sports ou la formation dans les Life Skills.
Manoj Seeburn a expliqué que la drogue engendre plusieurs problèmes sociaux et concerne tous ceux qui ont à cœur l’avenir de notre pays, et pas seulement le gouvernement. « Ce projet de loi est vraiment imaginatif pour venir à bout du fléau de la drogue », a -t-il conclu.

Rameshwar Etwareea , Backbencher :« 95% des consommateurs de drogue viennent des quartiers défavorisés »

Rameshwar Etwareea estime que « le fléau de la drogue est la conséquence de notre société, qui roule à deux vitesses ». Il fait comprendre que ce n’est pas seulement ce projet de loi ou une institution qui réglera le problème. « Aussi longtemps que la pauvreté ne sera pas vaincue, le problème de la drogue perdurera », estime-t-il. Ainsi, selon lui, c’est les Mauriciens « à bas revenus, vivant dans des quartiers défavorisés », qui sont les premières victimes. « 95 % des consommateurs de drogue viennent des quartiers défavorisés, où les jeunes sont délaissés. Les enfants de familles pauvres sont 20 fois plus susceptibles de se droguer que ceux issus de familles aisées ou ayant un niveau éducatif plus élevé. »

Il est aussi d’avis que les consommateurs de drogue issus de familles aisées ont davantage l’opportunité d’accéder aux soins, comparés à ceux vivant dans des conditions vulnérables. « Ce n’est pas donné à tout le monde de payer une cure de désintoxication dans des pays étrangers. Pour les pauvres, où vont-ils se soigner ? » demande-t-il. Il ajoute que pour le moment, l’État ne peut prendre en charge qu’environ 200 personnes dans les centres de désintoxication de l’hôpital Brown-Séquard, de Montagne-Longue et de Mahébourg.

Rameshwar Etwareea estime que la population pauvre a recours aux drogues synthétiques, « car elles sont moins chères et facilement accessibles ». Parallèlement, il fait ressortir que ce projet de loi met l’emphase sur la prévention par des campagnes de sensibilisation sur les dangers de ce fléau. Il souhaite aussi que la NADC mette en place des mécanismes pour détecter les jeunes enclins à tomber dans le piège de la drogue. Ainsi, il recommande la formation des « travailleurs sociaux de proximité » à ce sujet.

Rajen Narsinghen, Junior Minister : « La NADC sera plus autonome que la NATReSA »

Rajen Narsinghen, Junior Minister aux Affaires étrangères, estime que le trafic de drogue est l’un des fléaux les plus graves qui affectent notre société. « Aussi, ce projet de loi témoigne de notre engagement à lutter contre la drogue », dit-il. Et de poursuivre « qu’il marque une rupture radicale avec les pratiques passées ». Il est donc « essentiel » d’analyser la situation des drogues dans les rapports Rault (1987) et Lam Shang Leen (2018).

« En 1987, l’héroïne et le Brown Sugar étaient des drogues à la mode, tandis qu’aujourd’hui, ce sont les drogues de synthèse qui sont encore plus dangereuses. » Ces deux rapports pointent du doigt l’entourage proche des politiciens et la corruption au sein de la police, dit-il. « Lam Shang Leen évoque la nécessité de démanteler ou de restructurer l’Anti Drug and Smuggling Unit. Nous devons donner suite à cette recommandation. » Pour lui, cette institution a besoin d’hommes intègres pour combattre le trafic de drogue.

Par ailleurs, Rajen Narsinghen trouve important d’aborder la question de la prévention et de la réinsertion des usagers de drogues, de la coordination, et de la recherche. « La NATReSA se concentrait sur le traitement et la réinsertion, tandis que la NADC adopte une approche holistique et intégrée. Son mandat va au-delà du traitement et comprend la prévention, le contrôle, la répression, la coordination des politiques et la gestion des données. »

Selon lui, la nouvelle agence sera plus autonome que NATReSA, qui dépendait du ministère de la Santé. Il souligne aussi que ce projet de loi fait provision pour une coordination interministérielle. « La lutte contre le fléau de la drogue repose sur une approche multisectorielle », dit-il.

Raj Pentiah, ministre de la Fonction publique : « We have at heart the future of our youth »

« We have at heart the future of our youth », a déclaré le ministre de la Fonction publique, Raj Pentiah, alors qu’il intervenait sur le projet de loi. Le combat contre la drogue sera une des grandes priorités du gouvernement, a-t-il soutenu. « This government has a solemn duty to end the suffering of families », a-t-il ajouté.

Pour Raj Pentiah, le récent raz-de-marée électoral qui a mené le gouvernement au pouvoir démontre bien l’incapacité de l’ancien gouvernement à protéger les citoyens du fléau de la drogue. « La cruelle réalité est que la plupart des rapports avaient pris la poussière sur les étagères alors que les familles et les enfants souffraient. » Cette tendance à la négligence et à l’inaction, devait-il poursuivre, était délibérée de la part des responsables.

« Si ce n’était pas délibéré, comment expliquer alors le démantèlement de la Natresa du jour au lendemain ? Ceux qui souffraient n’avaient nulle part où aller. Ils se sont retrouvés sans aide. Vers qui pouvaient-ils se tourner si ce n’est les fournisseurs. Plus la demande augmentait, mieux c’était pour les fournisseurs », a-t-il avancé.

Raj Pentiah s’est par ailleurs réjoui que l’enfant arrêté à Montagne-Blanche en possession de drogue ne sera pas traité comme un vulgaire délinquant, mais qu’il aura sa chance d’être réhabilité, réinséré et accepté à nouveau par la société sous cette nouvelle loi. Il se dit aussi heureux du choix de Sam Lauthan par le Premier ministre, Navin Ramgoolam. Il a ainsi dit s’être tourné vers le premier nommé à plusieurs reprises en tant que magistrat dans le passé pour solliciter son soutien et ses lumières, disant ainsi être parmi une poignée de magistrats « who sent very few people with addiction problems in custody ».

Il dit aussi prier que notre juridiction aille plus loin dans la rédemption. « These few hours will dictate the future of our young. Mr Lauthan did not see a person abusing drug he saw a son suffering; he did not see a person to be sent to custody, he saw a father in need of help to take care of the family. » Il estime que cette agence sera entre les mains de personnes compétentes.

S’en prenant au leader de l’opposition, Joe Lesjongard, intervenu peu avant lui, il devait lancer : « je ne sais quelle partie du projet de loi il a lue pour dire que cette agence se substituerait à la police. I don’t know which part of the law he misread or he deliberately mislead everything. » Or, lui voit un projet de loi « well drafted, sharp, clean, clear. »
« This is a good piece of drafting to make law and legal provisions available to those in need. This piece of law is going to be a symbol in itself to provide our country with hope for the future. In line with our program, we have at heart the future of our youth, the welfare of our country and our incessant battle against the evil of drugs, we stand united », reprend-il.

​Anishta Babooram, Junior MInister :« Un choix pour nos enfants, pour la vie »

La ministre déléguée à l’Égalité des Genres, Anishta Babooram, estime que ce projet de loi constitue un moment charnière dans l’histoire du pays. « This bill, if implemented with the sincerity and seriousness that it deserves, will be remembered as a pivotal moment in our nation’s fight against one of the most corrosive plagues of our society », a-t-elle déclaré d’entrée.

La ministre déléguée a salué l’engagement du Premier ministre et de son adjoint, affirmant que la mise sir pied de l’Agence nationale de contrôle des drogues est « not just a political achievement, it is a moral and historical necessity ». Selon elle, ce texte témoigne d’une volonté claire : « This is leadership, this is vision. »

Anishta Babooram n’a pas mâché ses mots à l’encontre du gouvernement précédent, accusé d’avoir marginalisé une génération entière par des politiques injustes. « They introduced the five credits policy, which excluded thousands of our children from the education system. These children were denied their basic right to dream », a-t-elle déploré, soulignant que cette mesure avait indirectement contribué à alimenter le trafic de drogue. « They created les circonstances propices pour le trafic de drogue – they created a clientele for drug dealers. »

La ministre a également dénoncé l’état déplorable des prisons, qu’elle a qualifiées de « passoires pour les barons de la drogue ». Elle a fait état de’une visite effectuée lorsqu’elle siégeait au sein de la National Preventive Mechanism Division de la Commission des Droits de l’Homme. « I saw it myself – the same fish delivery man seen in prison was also seen on the Wakashio, which sank in deeply suspicious circumstances », dit-elle.

Évoquant un décès troublant en cellule, d’un policier arrêté pour trafic de drigue, elle a cité des extraits d’un rapport : « It is difficult for a man of medium height to hang himself with an object situated at merely three feet from ground level. » Pour elle, ces morts suspectes ne peuvent plus être ignorées.
En conclusion, elle a affirmé : « We cannot afford to leave the future of our youth in the hands of mafias, cartels or corrupt networks. » Et d’insister : « Let us pass this bill with the seriousness and the unity it deserves. Let history record that we chose justice, we chose life, we chose our children. »

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