Pas une semaine ne passe sans que nous ne ressassions l’urgence d’une action globale contre le réchauffement climatique, premier et principal défi de cette sombre période de notre ère anthropocène. Aussi peut-on logiquement se poser la question : qu’attendons-nous pour agir, puisque nous connaissons le problème ? D’autant que l’histoire récente, par l’entremise de la Covid, nous aura prouvé que lorsque le monde se retrouve face à un ennemi commun, des solutions peuvent être très rapidement dégagées. Or, s’il y a bien un ennemi qui s’installe insidieusement dans nos vies, c’est bien le changement climatique. Et pourtant (oui, pourtant), nous ne faisons rien, ou si peu. Mais pourquoi ?
Avant d’y répondre, revenons un instant sur le fonctionnement même de nos modes sociétaux. Ainsi, si l’on compare nos sociétés contemporaines à celles qui régissaient le monde il y a, par exemple, 500 ou 1 000 ans, les différences culturelles et structurelles apparaissent si flagrantes que l’on pourrait penser que le génie humain aura vite eu raison des incohérences que ces mêmes sociétés portaient. Sauf qu’en fait, il n’en est rien. Parce qu’il aura fallu de longues périodes pour que ces changements s’effectuent. Quelquefois pour des raisons techniques, car les avancées, timides à ces époques lointaines, auront dû attendre l’avènement de l’ère industrielle pour prendre un véritable coup d’accélérateur. Mais pas seulement. Car ces avancées, notamment en termes de connaissances, se seront dans le même temps heurtées dans certains cas à des blocages idéologiques, à de pures inventions de nos esprits tortueux appelées notamment économie et politique.
Pour en revenir au cas du changement climatique, il est intéressant de noter que l’idéologie collapsologue gagne de plus en plus de terrain. Du moins en ce qu’il s’agit de son analyse selon laquelle aucun changement de trajectoire n’est possible sans de profondes réformes sociétales. C’est d’ailleurs ce que viennent encore de faire ressortir des chercheurs de l’université du Maine qui, sur le plan climatique, estiment que la seule voie de sortie de crise passe obligatoirement par des changements comportementaux individuels couplés à des incitations politiques.
Ils ont ainsi élaboré un modèle mathématique basé sur une combinaison de techniques évolutives. En étudiant la diffusion des « bons comportements » dans des groupes d’individus, la résistance des institutions face à ces changements comportementaux, etc. Avec une conclusion : nos gestes écocitoyens, aussi louables soient-ils, ne vaincront jamais seuls le démon climatique, la bataille ne pouvant se gagner que sur le plan de la collectivité. Incluant donc la classe politique et leurs « influenceurs » économiques.
La problématique actuelle se pose donc à cette échelle, celle de comportements globalisés. D’une part celle des citoyens qui, s’ils comprennent le cœur du problème se refusent à tout engagement personnel, car évoluant dans une société qui n’est tout simplement pas préparée à de tels bouleversements sociétaux. Et de l’autre, celle des décideurs, politiques et économiques, pour qui les impératifs sont tout autres, car mesurables en dollars et en pouvoir.
C’est donc bien là que se situe le nœud gordien. D’autant que les leviers d’action sont mandatés dans le temps. Ainsi, comment imaginer qu’un gouvernement, quand bien même il serait à 100% écolo, puisse se lancer dans de telles réformes structurelles ? Et ce, sachant à la fois que leur mandat tient à des promesses qu’ils ne pourraient tenir (celle de la croissance et de la prospérité), et que toute action forte serait immédiatement jetée au panier une fois leur mandat perdu. Car bien sûr, ces efforts qu’il nous faudrait alors consentir seraient tels qu’il paraît difficile d’imaginer que cet hypothétique gouvernement arriverait à se maintenir au pouvoir lorsque viendrait le temps des échéances électorales.
Pour autant, nous savons aujourd’hui tous que le changement climatique est intrinsèquement lié à notre mode de consommation, alimentaire, énergétique, etc. Tout autant que de poursuivre dans cette voie nous assure – et avec une certitude (si c’était possible) dépassant cette fois les 100% – de subir de plein fouet des catastrophes dont nous ne pouvons mesurer la violence. Autant dire qu’à moins d’un sursaut mondial de bon sens, les années et décennies qui viennent risquent bien, faute de volonté plus que de moyens, de signer notre arrêt de mort définitif !