Investissement de Rs 160 M dans l’exploitation de 500 arpents à Valetta avec une première récolte attendue dans deux ans, soit en 2027
Le groupe ENL Agri s’est lancé dans un projet visant à relancer la production à grande échelle du thé à Maurice. Le projet, qui a débuté en 2020 en collaboration avec des consultants du Kenya, nécessite des investissements de l’ordre de Rs 160 millions avec la mise sous exploitation d’une superficie de 500 arpents à Valetta.
L’objectif est de réduire la dépendance à l’importation de thé et de la facture d’importation, d’améliorer la qualité du thé mauricien et de créer des emplois directs et indirects. C’est ce qu’indique le Chief Exercutive Officer d’ENL Agri, Olivier Baissac, lors d’une cérémonie de lancement de thé à Valetta en présence du ministre de l’Agro-Industrie, Arvin Boolell, des ministres délégués Fabrice David et Dhaneshwar Damry, du président du groupe ENL, Hector Espitalier-Noël et du CEO du groupe ENL, Gilbert Espitalier-Noël, entre autres.
« Nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation où 30% de notre thé consommé à Maurice est importé du Kenya. Nous pensons que nous avons une opportunité de redynamiser l’industrie du thé avec le soutien des institutions du secteur public et de tous les autres planteurs afin de moderniser cette culture, de le relancer et de substituer les importations des feuilles de thé du Kenya par la production locale », affirme Gilbert Espitalier-Noël.
« Nous avons investi un peu moins de Rs 200 millions sur une période de trois ans. La particularité du thé par rapport à la canne est que la première récolte intervient à peu près à trois ans et demi après ma mise en terre des plantules. Toutefois, le thé n’est replanté que tous les 40 ou 45 ans alors que la canne est replantée tous les huit à neuf ans. L’investissement initial est lourd mais une fois que la récolte commence les dépenses annuelles sont inférieures à celles de la canne. Nous avons mis en terre des plantules de 30 centimètres de haut et qui sont déjà en terre depuis un an et demi. La première récolte est prévue dans deux ans et demi », fait-il encore comprendre.
Dans le cadre de ce projet ambitieux, ENL se présente également comme un facilitateur auprès des petits planteurs en propageant les plantules localement. « Notre ambition, à travers la technique que nous avons maitrisée et que nous maitriserons encore davantage durant les prochaines années avec l’aide des consultants kenyans, est de mécaniser toute cette culture, y compris celle des petits planteurs, et de leur fournir des plantules que nous allons propager localement », s’appesantit Gilbert Espitalier-Noël. La production de feuilles de thé sera fournie aux trois usines qui opèrent déjà à Maurice.
« Une fois que nous aurions rempli la totalité du marché mauricien et substitué, les importations des feuilles, notre ambition est de se tourner vers l’exportation de notre thé au-delà de nos frontières », rajoute le CEO d’ENL.
Pour le ministre Boolell, la production théière est un secteur en plein essor. Il faudrait toutefois prendre des précautions nécessaires. Les petits planteurs doivent se regrouper. « Il faut une symbiose entre les petits et les grands producteurs ainsi que des mesures d’accompagnement », dit le ministre qui se réjouit de la collaboration Sud-Sud entre Maurice et le Kenya. Il a aussi affirmé que son père, sir Satcam Boolell, était contre l’idée d’éliminer les plantations de thé en faveur de la culture de la canne à sucre.
La culture du thé à Maurice a été introduite à Maurice par l’abbé René Galloys en 1760 et a été développée à grande échelle par Pierre Poivre en 1770. Toutefois, c’est sous le gouverneur sir John Pope Henessy que le thé a commencé à susciter un véritable intérêt. Entre 1948 et 1970 la culture du thé a connu une croissance pour ensuite amorcer un déclin dans les années 1980-1990.
En 1995, le gouvernement décida de diversifier le Tea Belt vers d’autres cultures, en particulier la canne à sucre avec la conversion de 2 500 arpents mais sans grand succès en raison du climat inapproprié.
Aujourd’hui, le pays compte quatre usines à savoir Corson, Bois-Chéri, La-Chartreuse et Kuanfu-Tea (Dubreuil). Une superficie de 1 500 arpents est consacrée à la culture du thé. La production annuelle du thé transformé à Maurice s’élève à 1 350 tonnes. 30% du thé consommé à Maurice est importé ou mélangé (Blended) au thé local.
Comme l’explique Olivier Baissac, l’ambition d’ENL Agri est de redynamiser la production théière à Maurice, de produire une qualité de feuilles supérieure, de réduire la dépendance aux importations tout en favorisant une industrie du thé plus robuste et compétitive et jouer en rôle pivot comme facilitateur auprès des petits planteurs dans l’industrie du thé.
Gilbert Espitalier-Noël, CEO d’ENL
« Nous sommes plus que jamais engagés dans l’agriculture »
Le CEO d’ENL, Gilbert Espitalier-Noël, a, dans son intervention à l’occasion du lancement de la plantation de thé, souligné que le groupe ENL est toujours très engagé dans la production agricole à Maurice.
Ainsi, le groupe ENL est toujours attaché à la production de la canne à sucre qui est cultivée sur 9 000 hectares dans le pays et est le troisième plus gros producteur de canne à Maurice. Il représente un poids de 12% de la production de pommes de terre et avec les ananas entre autres à Bel-Ombre de même qu’une présence très engagée dans la culture vivrière.
« Grâce aux serres à la culture hydroponique, mais aussi en partenariat avec de nombreux petits planteurs, à qui nous fournissons des semences une variété de légumes est produite et les produits sont distribués avec l’aide de Panagora Marketing, dans les supermarchés de l’île et dans les hôtels, restaurants, etc, 3 800 tonnes sont produites en partenariat avec le groupe Eclosia. De plus, ENL a un élevage de 350 têtes de bétail à Savannah, le plus gros cheptel de l’île. Il y a également un élevage de cerfs sur 5 000 arpents avec 20 % de la production de viande de cerf à Maurice », dit-il.
Gilbert Espitalier-Noël avance toutefois que sur un petit territoire, comme l’île Maurice, il est inévitable qu’il y ait une cohabitation entre le développement, les infrastructures routières, les gares, les bureaux, les centres commerciaux, les résidences. « C’est quelque chose que nous devons accepter. Je pense que l’agriculture et l’immobilier sont complémentaires dans un pays, qui doit se développer et essayer de préserver le moindre lopin de terre, ce qui est difficile dans un pays comme le nôtre. Il y a un équilibre à respecter. Et c’est cet équilibre que nous, chez ENL, nous essayons de maintenir depuis des décennies », concède-t-il.
« Nous considérons l’immobilier comme un levier de développement économique et de la qualité de vie. Pour nous, les biens immobiliers que nous construisons à côté de nos champs de canne à sucre ou de thé ne sont pas des bâtiments. Nous ne sommes pas des constructeurs de bâtiments, mais des promoteurs de ce que nous appelons des lieux de vie », insiste-t-il.
Par ailleurs, il estime qu’il faut faire une différence entre l’autosuffisance et la sécurité alimentaire car il est difficile de produire tous les besoins alimentaires de la population à Maurice. Il met l’accent sur la nécessité de moderniser la production agricole.
« La modernisation de ces cultures passe par une agriculture intensive, des techniques modernes de localisation GPS, la mécanisation des champs, etc. Je pense que nous avons beaucoup observé cette tendance ou cette évolution avec la canne à sucre ces dernières années. Je ne suis pas sûr que nous ayons déjà suivi le même chemin pour la culture vivrière et la culture fruitière », avoue Gilbert Espitalier-Noël.