Le 29 février, Agalega avait été projeté à la Une de l’actualité. Depuis, ce plus que caillou planté au beau milieu de l’océan Indien est doté d’une piste d’atterrissage, capable d’accueillir des avions militaires de l’Inde avec des plans de vol ultra-secrets et d’une infrastructure portuaire des plus modernes. L’archipel se trouve ainsi désenclavé et connecté au monde.
Oui. Pour les besoins de cette double inauguration, les autorités avaient redoublé d’efforts pour faire souffler un air de modernité Agalega. À cette occasion, une connexion satellite a relié l’archipel à l’Inde et à Maurice, pour permettre au Premier ministre de l’Inde, Shri Narendra Modi, d’intervenir en visioconférence de New Delhi, et aux Mauriciens de se sentir concernés par le développement stratégique intervenu dans cette partie du territoire de la République. Ou encore se sentir plus proches des frères et sœurs, dont ils connaissent vaguement l’existence.
Rien à dire. Moments mémorables pour les Agaléens, souvent des laissés-pour-compte et le tout agrémenté par la présence de VVIPs de tous bords. Une des rares occasions où le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait étendu l’invitation au voyage à des membres de l’opposition. Une façon de faire taire la campagne autour d’Agalega, présentée comme base militaire allouée à la Grande Péninsule. Et dont les termes de l’accord bilatéral sont encore sous le sceau du secret d’État.
Ces infrastructures sont présentées comme un atout inestimable à l’amélioration de la qualité de vie des habitants de l’archipel. Les discours solennels en attestent. C’était le rêve de demain.
Mais six mois après, soit aujourd’hui, Agalega est rattrapé par la réalité d’hier. Le calvaire de ces jeunes étudiants de Medco Agalega, appelés à prendre part aux examens de School Certificate en cette fin d’année, en est la preuve indéniable. Ankor letan lontan! Avec le début des examens à partir de la troisième semaine du mois prochain et les épreuves de pratique dans différentes matières, ces jeunes doivent quitter leur île et leurs parents pour venir à Maurice.
Faute de nouvelle liaison maritime, ils sont forcés de s’embarquer dès demain à bord du MV Trochetia pour arriver à Maurice pour ces examens dans un mois. Les technocrates de l’Éducation, rémunérés grassement des deniers publics, n’auraient-ils pas pu conseiller à la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, de mettre un terme à cette pratique archaïque et surtout pénalisant académiquement et psychologiquement ces jeunes Agaléens, qui veulent sortir du sous-développement?
Pour ce faire, ces jeunes Agaléens savent qu’il n’y a qu’un seul moyen. C’est bel et bien l’éducation. N’aurait-il pas été plus sage de dépêcher par avion au moins deux officiers du Mauritius Examinations Syndicate avec les questionnaires sous scellés pour ces cinq étudiants, puis rentrer à Maurice avec les épreuves des candidats?
Ce n’est nullement sorcier. Comment fait-on pour les candidats prenant part à ces mêmes examens à Rodrigues? C’est vrai, le nombre est plus conséquent dans ce dernier cas. Mais l’éducation nous apprend à transcender la dictature du nombre. Au moins en se rendant à Medco Agalega pour leurs examens de SC, ils évolueront dans un environnement et un encadrement comparables aux autres candidats au sein de la république. Surtout pouvoir rentrer chez soi après chaque épreuve académique. Au moins une chance égale.
Effet encore plus positif. Ils prendront note du changement qualitatif dans le traitement accordé en bénéficiant de l’apport de ces infrastructures. Même At This Late Hour. Cette initiative, si elle est adoptée, aussi louable soit-elle, ne pourra occulter les obstacles et les épreuves qu’ils ont dû affronter pour se retrouver à ce niveau avec à la clé ces Five Credits pour accéder en Lower VI.
Manque d’enseignants et de manuels au programme académique. Conséquence, le syllabus n’a pas été complété. Pourtant en février, le courrier d’Air Mauritius se rendant à Agalega n’aurait pas été en situation d’Overload en embarquant des manuels de mathématiques pour ces cinq étudiants. Mais il n’y a eu aucune considération.
En cette fin d’année, la question qui se pose est de savoir si cet appel de détresse des parents d’étudiants sera entendu – « we form part of the Republic of Mauritius and education is a priority, we do need the same treatment and consideration to our children because we want ours to succeed.»
C’est aussi vrai qu’il n’y a que 237 électeurs à Agalega, soit 0,02 % de l’électorat, et La-Fourche Community Centre étant le plus petit centre de vote, soit 23 inscrits.
Patrick Michel