À nos amis les arbres !

Pour commencer, sachez que nous ne sommes pas tous pareils. Aussi, au nom de ceux qui, comme moi, comprennent l’importance de votre existence, je vous demande de ne pas trop nous en vouloir. Quant aux autres, pour la plupart, sachez qu’ils ne sont pas plus responsables que nous de ce massacre organisé de votre espèce, ou plutôt de « vos » espèces. Au fond, eux aussi « savent ». Si ce n’est qu’ils sont, à l’instar de vos semblables, trop « enracinés » dans ce qui les nourrit. Car comme vous, c’est de la terre qu’ils tirent leur richesse. Sans elle, ils ne sont plus rien. Ils sont perdus.

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Comprenez bien que je ne vous demande pas de nous excuser – comment le pourriez-vous ? – mais voyez-vous, ce système qui est le nôtre, c’est le seul que nous n’ayons jamais connu. Depuis petits, nos parents, et avant eux leurs parents, nous ont appris que seul l’argent a de la valeur, car il confère pouvoir, confort et sécurité. Et il faut avouer que c’est vrai ! C’est une réalité : c’est bien ainsi que nous avons façonné notre monde. Car à l’inverse de vous, nous ne pouvons nous satisfaire de l’essentiel, autrement dit de ce que la terre nous prodigue. Nous pensions avoir besoin du superflu, de la nécessité de toujours avoir plus, et nous avons commencé à imaginer comment y arriver. Notre « génie » aura fait le reste !

Après cela, nous avons commencé à réduire en esclavage tout ce qui nous entoure, y compris nous-même. Malheureusement pour vous, vous étiez (et êtes toujours) sur notre passage. Vous qui insufflez la vie par votre simple présence, vous qui êtes si importants pour le maintien de cette même vie, aurez fait les frais de notre insouciance et, pire, de notre cupidité. Aujourd’hui, vous disparaissez par milliards chaque année, en attestent ces presque deux milliards d’hectares que nous vous avons arrachés l’an dernier, soit la superficie des… Pays-Bas. De nous, vous ne retenez que le vrombissement de nos pelleteuses, de nos bulldozers, de nos « machines de guerre ». Ou encore cette odeur insupportable de vos corps calcinés. Pardonnez-nous, je vous en prie !

Certains vous diront que de votre mort, nous faisons aussi jaillir la vie, puisqu’à votre place, nous érigeons des champs, sur lesquels poussent du blé, des légumes, et paît notre bétail. Et que cette même vie nourrit la nôtre. Mais tout cela est-il bien utile au fond ? Se rendent-ils compte qu’en faisant cela, ils signent leur arrêt de mort ? Que votre disparition occasionnera la nôtre ? Il y a hélas peu de chance, car la machine est en route depuis trop longtemps déjà, et plus personne ne veut réellement en inverser la marche. Votre problème, c’est que sans le vouloir, vous nous rapportez trop. Votre écorce, quoi que vous fassiez, n’a à nos yeux pour seule vocation que de se transformer en papier, vert de préférence.

Je me doute que tout cela ne doit pas être pour vous très gai à entendre. Des questions, vous devez en avoir beaucoup. De quel droit par exemple nous, animaux apparus il y a seulement 2,5 millions d’années, pouvons-nous décider du sort de vos 3 000 milliards d’individus qui subsistent encore, après en avoir décimé tout autant, et ce, alors même que vous étiez là depuis le tout commencement ? Comment et pourquoi avons-nous un jour choisi de privilégier le béton à vous, et que nos cathédrales soient plus expressives et symboliques à nos yeux que vos pauvres bras tendus vers le ciel ? Pourquoi ces nations, ces pays et ces îles ont-ils préféré le gris au vert ? Et, surtout, pourquoi continuons-nous d’accepter tout cela ?

À vrai dire, nous sommes quelques-uns – mais en réalité de plus en plus nombreux chaque jour – à nous poser les mêmes questions. Cela pourrait bien sûr vous rassurer, mais en vérité, nous ne sommes hélas pas encore assez. Sans compter que ceux que nous avons choisis pour nous représenter ne veulent pas réellement changer, même si leur bouche dit le contraire. Aujourd’hui, je vous avoue que je ne sais plus quoi faire. Je me sens un peu comme vous, forcé à l’immobilisme, obligé de me nourrir de ce que m’offre le système par votre intermédiaire, malgré vous. Pour tout cela, je vous demande encore de m’excuser, et d’excuser mes semblables. Au fond, vous savez, ils ne sont pas si mauvais. Ils sont juste bêtes à manger du foin !

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