- Le secteur privé: « La transformation d’un régime contributif, tel que le NPF, en une taxe telle que la CSG, est un changement fondamental qui doit absolument être le sujet d’une étude rigoureuse et d’un dialogue »
Business Mauritius, qui n’a jamais caché ses réserves quant à l’introduction de la Contribution sociale généralisée (CSG), a dans une correspondance à ses membres souligné « les failles » du système proposé par le gouvernement et l’importance d’avoir des consultations techniques approfondies. « Pour une question de gouvernance et, dans l’intérêt du bien commun, il est essentiel d’avoir des consultations techniques approfondies sur la façon de réformer l’écosystème des pensions à Maurice », affirme le Chief Executive Officer (CEO) de l’instance centrale du secteur privé, Kevin Ramkalaon.
Depuis la présentation du dernier budget national, Business Mauritius a multiplié les demandes auprès des autorités concernées pour le report de l’entrée en vigueur de cette taxe. « Même si la volonté de l’État d’enclencher une réforme de la pension est louable, il y a, d’après l’équipe technique, incluant économistes, actuaires et spécialistes des pensions, et qui s’est penchée avec nous sur ce sujet ces derniers mois, trop d’interrogations sur la validité et l’application de la CSG », souligne le CEO de Business Mauritius dont la correspondance s’articule autour de quatre points, à savoir la gouvernance, la pérennité, l’équité et le coût pour les entreprises.
Au chapitre de la “Gouvernance”, Business Mauritius considère que la CSG, qui est une taxe sur les salaires, remplacera le NPF, qui est un régime contributif. « Si le NPF a des lacunes, le fonds est géré selon un système tripartite par le gouvernement, les représentants des employés et des employeurs. En l’état actuel, la CSG sera collectée et gérée par les autorités uniquement, et ce sans l’apport gestionnaire de ses partenaires sociaux », souligne le secteur privé. Il constate de plus que « la transformation d’un régime contributif, tel que le NPF, en une taxe telle que la CSG, et la dissociation des cotisations aux paiements, est un changement fondamental qui doit absolument être le sujet d’une étude rigoureuse et d’un dialogue avec toutes les parties concernées ».
S’agissant de la pérennité, Business Mauritius estime que, contrairement au NPF, qui perçoit des cotisations de contribuables pour financer leurs propres pensions, la CSG percevra des cotisations des employeurs et des employés actuels pour payer les retraités actuels. Or, la population vieillit et il y a de plus en plus de retraités pour de moins en moins de population active. « Que se passera-t-il quand il n’y aura plus assez de contributions provenant de la population active pour payer la pension de tous les retraités ? Il n’y a, à ce jour, dans la loi qui a été votée, aucune visibilité quant à cette problématique », souligne Kevin Ramkalaon.
L’organe du secteur privé constate que le texte ne contient pas non plus de plan précis montrant comment le fonds de la CSG pourrait être investi et grandir. « La viabilité d’un système capitalisé l’emporterait certainement sur le rendement d’un système de rémunération qui se fait au fur et à mesure. Il est donc difficile de dire si la CSG pourra durer dans le temps », constate-t-il.
Équité
Par ailleurs, Business Mauritius souligne que la CSG ne sera pas payable par tous les Mauriciens qui travaillent, comme c’est le cas pour le NPF, mais uniquement par les employés du secteur privé. Le gouvernement, donc indirectement tous les contribuables incluant ceux du secteur privé, paiera la part des fonctionnaires. De plus, l’employé du secteur privé devra non seulement subventionner d’autres bénéficiaires de la CSG, mais perdra aussi sur la somme qui devrait lui être reversée par le NPF à la retraite, ce qui réduira certainement l’ensemble de ses prestations de retraite. Aujourd’hui, environ 25% des bénéficiaires, soit ceux ayant contribué sur la durée, reçoivent plus de Rs 4 500 par mois de NPF. Pour ceux prenant leur retraite après l’abolition du NPF, les bénéfices seront réduits, puisque le fonds est programmé à disparaître dans le temps.
Business Mauritius poursuit que, dans le cas des travailleurs et professionnels indépendants, qui gagnent plus que Rs 10 000, la contribution est de Rs 150 par mois. Or, un employé d’une entreprise faisant le même travail, avec une rémunération de plus de Rs 10 000, devra quant à lui payer 3% de ses salaires. Cette différence s’accentue pour les professionnels à hauts revenus qui seront assujettis à des régimes fiscaux distincts et des écarts de contribution significatifs. « De nombreuses entreprises risquent aussi de trouver prohibitif de verser des cotisations de retraite privées en plus de la taxe CSG, ainsi que le PRGF qui va bientôt entrer en vigueur. Les entreprises pourraient alors réduire leurs cotisations aux retraites privées, laissant ainsi à leurs salariés des pensions inférieures », dit Kevin Ramkalaon.
« Enclencher une véritable réforme »
Finalement, Business Mauritius constate que, la taxe étant prélevée sur les salaires équivalents ou supérieurs à Rs 40 000, le CSG pénalise, pour ainsi dire, les entreprises qui paient mieux. Ce qui est d’abord contraire à la vision commune d’une économie à hauts revenus et pénalisera, par la suite, les entreprises dans des segments de services à valeur ajoutée, comme dans le secteur des technologies de l’information et de la communication. « Étant donné que cette taxe est un coût supplémentaire pour les employeurs, la CSG pourrait aussi dissuader les entreprises de recruter, à un moment où il serait crucial de booster l’emploi », dit-il.
Il a aussi souligné que Business Mauritius est « convaincu qu’il faut effectivement enclencher une véritable réforme du système de pensions ». Il ajoute : « Mais cela doit absolument se faire en consultation avec toutes les parties concernées — état, spécialistes des pensions, communauté des affaires, syndicats et société civile. Nous notons les bonnes volontés de part et d’autre, ainsi que le dialogue renouvelé de ces dernières semaines mais qui n’a malheureusement pas encore abouti à une solution gagnante pour tous. Nous allons continuer dans la voie du dialogue et prendrons d’autres mesures si nécessaire pour protéger la communauté des affaires et l’emploi, surtout dans le contexte exceptionnellement éprouvant dans lequel nous nous trouvons tous. »
Réforme des pensions à Maurice
Depuis plus de 20 ans, les spécialistes, incluant les actuaires locaux mais aussi le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, tirent la sonnette d’alarme sur le fait que notre système de pension doit être modifié, car il n’est pas pérenne. Les divers experts, qui se sont penchés sur cette question, indiquent que « les plans à long terme du NPF avaient négligé le fait inéluctable que nous avons une population vieillissante ». Cette situation implique qu’à terme « il n’y aura plus assez de contributions pour payer les pensions, car il n’y a pas, d’une part, un nombre suffisant de personnes qui travaillent et, d’autre part, un nombre grandissant de pensionnaires en raison du phénomène de vieillissement de la population ».
Pour que le plan de pension puisse être durable, il faudrait donc soit avoir un nombre grandissant de personnes qui travaillent pour financer les retraités ou alors mettre en place une méthode pour véritablement développer et faire grandir le fonds de pension. En 2016, un comité technique public/privé avait été créé pour pallier les failles de ce système. Malheureusement, ce comité n’a pu se pencher sur le sujet en profondeur car, sous la pression des élections, la pension est passée à Rs 9 000 depuis décembre 2019, avec la promesse des autorités de l’augmenter à Rs 13 500. Tout plan de réforme des pensions est donc resté en suspens et le comité technique ne s’est malheureusement plus rencontré.