Passer d’une économie de “back office” à “middle office”
« Les jeunes doivent s’orienter davantage vers les métiers dans les nouvelles technologies », plaide Nicolas Goldstein (Mauritius Startup Incubator)
Nicolas Goldstein est à la tête de Mauritius Startup Incubator depuis 2016. Il aide les start-up internationales à s’implanter à Maurice. Depuis un peu plus de deux ans donc, il a accompagné une douzaine d’entreprises innovantes dans les nouvelles technologies à s’implanter et à recruter à Maurice. Selon lui, le développement des start-up internationales sur le territoire mauricien contribuera à créer un écosystème favorisant l’émergence des start-up mauriciennes et à transférer le savoir-faire. Le challenge pour Maurice consiste, selon lui, à former davantage de Mauriciens dans le domaine des nouvelles technologies afin de permettre au pays de « passer d’une économie de “back office” à “middle office”. » Le “back office” étant les services à faible valeur ajoutée, par exemple dans les centres d’appels, et le “middle office” étant des services à valeur ajoutée.
« Cette valeur ajoutée peut être soit la compétence de l’opérateur/du salarié, soit les outils utilisés. Dans mon domaine, c’est-à-dire les nouvelles technologies et l’entrepreneuriat dans le Web, j’aimerais faire monter en gamme la population. Maurice a la chance d’avoir une population formée et éduquée, mais il faut la former davantage sur l’expertise pour que le pays puisse passer d’une économie de “back office” à une économie de “middle office” », observe Nicolas Goldstein. Il cite l’exemple de la Silicon Valley aux Etats-Unis : « Pourquoi ça a marché ? Tout simplement parce qu’ils ont su créer un écosystème dans lequel toutes les firmes étrangères sont venues s’installer. » Chez Mauritius Startup Incubator, à Quatre-Bornes, c’est un peu le même modèle qui est reproduit. « Nous offrons à ces start-up des bureaux, des services de comptabilité, de transport et de recrutement en partenariat, avec la firme avec Talenteum, leur laissant ainsi toute la liberté de se concentrer sur leur “core business”.
C’est aussi une manière de mutualiser les services et les coûts », explique notre interlocuteur. Nicolas Goldstein explique que si Maurice veut devenir le Singapour de l’Afrique, il faudra passer à la vitesse supérieure et former davantage la population à de nouveaux métiers en demande par les Européens et les Américains. Il cite ainsi l’exemple d’Uniciti, qui fait venir des universités étrangères à Maurice pour leur donner accès à des diplômes européens dans divers domaines. « Ici, chez MSI, nous attirons des start-up étrangères et nous faisons de la formation pour repenser les talents de demain. Nous organisons des formations dans les nouvelles technologies, en fonction de la demande de ces start-up étrangères.
L’avantage fiscal de Maurice est en train d’être revu, suivant les réformes annoncées. Donc, il faut trouver d’autres avantages à présenter pour attirer les investisseurs et les start-up. Cela doit être la main-d’œuvre. Nous pouvons le faire en disant que nous avons des “data scientists”, des ingénieurs Web et d’autres profils, par exemple dans le marketing digital. Si nous formons des gens pour tous ces métiers, nous ferons un appel d’air pour attirer les start-up étrangères, qui vont ainsi pouvoir recruter à Maurice et, en même temps, le pays montera en gamme », souligne le responsable de Mauritius Startup Incubator.
Nicolas Goldstein insiste sur le fait que Maurice devra faire la différence, soit sur le plan de la compétence du salarié, soit sur le plan des outils du salarié. Il faut qu’on se spécialise et qu’on monte en gamme, dit-il. Cela même s’il reconnaît que les nouvelles technologies sont toujours restées le parent pauvre, en termes de choix pour une carrière à Maurice. Mais le pays est sur la bonne voie, selon lui, d’autant que Maurice a toujours fait figure de pionnière dans la réussite des affaires en Afrique. Le fondateur de Mauritius Startup Incubator explique que si le secteur de BPO/technologies compte 20 000 employés actuellement, 5 000 d’entre eux « ont la possibilité de monter en compétence et d’apprendre les nouvelles technologies ».
Il estime que les jeunes Mauriciens « doivent s’orienter davantage vers les métiers dans les nouvelles technologies ». Par exemple, il faudrait davantage d’ingénieurs en informatique, car il explique qu’avec de tels diplômes, même avec seulement deux ou trois ans d’expérience à Maurice, « ce sont eux qui dictent leurs salaires car ces qualifications sont très recherchées ». Et de poursuivre : « Donc, ils sont en position de force. Ce sont les métiers d’avenir que les jeunes ont tort de négliger. Les nouvelles technologies, c’est un domaine “noble” », dit-il. Malheureusement, il y a une pénurie d’ingénieurs, et pas seulement à Maurice, souligne-t-il, mais à l’échelle mondiale.
« Il faut une vraie politique nationale pour promouvoir les nouveaux métiers des nouvelles technologies car dans ces domaines, votre carrière est assurée, car ces formations sont très demandées. Dans les nouvelles technologies, vous êtes assurés d’obtenir un job, un salaire décent et une carrière », poursuit notre interlocuteur. Par ailleurs, il souligne qu’au lieu d’investir gros dans un MBA, « il faut savoir privilégier des formations courtes, qui vous donneront un avantage concurrentiel par rapport aux autres concurrents et vous feront gagner plus ».
Selon le fondateur de MSI, cinq métiers seront en grande demande dans les années à venir, à savoir l’informatique, les télécommunications, la comptabilité, les finances, le marketing et la vente pour les entreprises étrangères. « Mais tous ces métiers sont liés à l’informatique, qui se digitalise désormais, car pour chaque métier, on utilise des logiciels. » Nicolas Goldstein précise que Mauritius Startup Incubator est graduellement en train de se positionner comme un Mauritius Talent Incubator « parce qu’on ne pourra pas attirer les start-up étrangères si on n’a pas les talents » à Maurice. « Vu que nos start-up nous demandent des talents, il faut que nous puissions créer ces talents-là. »
Parcours
Passionné de nouvelles technologies, Nicolas Goldstein porte plusieurs casquettes. Déjà à la tête de MSI, il s’implique aussi au sein de plusieurs associations réputées à l’échelle mondiale. Il a lancé l’association Girls in Tech en 2016 à Maurice pour encourager les femmes à se lancer dans les nouvelles technologies. Il est aussi directeur de Start Up Grind Maurice, sponsorisé par Google, et organise pas moins de cinq événements chaque année à Maurice. « Je mixe le travail avec les associations, car il faut pousser à faire des choses si l’on veut vraiment développer les nouvelles technologies et promouvoir les start-up. »