Une île ensoleillée, une température estivale toute l’année, de longues plages de sable fin, des cocotiers et un lagon bleu turquoise : c’est le rêve bleu qu’on vend aux étrangers et qui fait marcher la machine touristique. Derrière cette façade paradisiaque se cachent cependant des intérêts souvent financiers, qui entraînent avec eux de nombreux problèmes : déproclamation de plages publiques pour ériger des hôtels, projets qui menacent les écosystèmes marins, décisions qui sont prises au détriment de pêcheurs ou de plaisanciers.
Trou aux Biches, un dimanche matin. La plage publique est bondée de touristes. Pendant que les uns se prélassent au soleil, d’autres s’en donnent à cœur joie dans le beau lagon bleu qui fait la fierté du village. D’autres encore s’émerveillent de la beauté des fonds sous-marins en faisant de la plongée, de l’undersea walk ou en les contemplant sur des bateaux à fond de verre. Ces mêmes scènes se produisent quotidiennement à Flic en Flac, Belle-Mare, Grand-Baie et Calodyne, à proximité des hôtels. Une image positive qui démontre que l’industrie touristique est sur les bons rails.
La mer divise.
Pourtant, tout n’est pas aussi paisible. Un vaste projet d’aquaculture menaçant les écosystèmes marins et pouvant attirer des requins, comme à La Réunion, se profile. Des portions de plages sont accaparées par des hommes d’affaires, avec le concours des gouvernements qui se succèdent. Toute la côte ouest et une partie du nord auront une épée de Damoclès sur la tête si le projet de port pétrolier à Pointe aux Caves va de l’avant. Les petits “plaisanciers” voient leur gagne-pain menacé par des amendements aux lois sans consultation avec tous les stakeholders…
Qu’importe le gouvernement au pouvoir, la mer, qui fait notre fierté, divise. La semaine dernière, des opérateurs de plaisance ont démontré leur mécontentement des nouvelles lois qui sont entrées en vigueur en janvier 2018. Et qui les oblige à embarquer des clients à même l’eau alors qu’elle devrait être faite sur une jetée pour la sécurité des passagers. Ces embarcation points ont été placés de 100 à 200 mètres plus loin alors qu’ils se trouvaient au sein même des hôtels. Ces “plaisanciers” s’estiment lésés car “la clientèle préférera se tourner vers ceux qui sont attachés aux hôtels”, confie Prem Beerbul, porte-parole des contestataires.
Les plages rétrécissent.
Ils déplorent également les amendements à la loi qui prévoient que les bateaux de plus de dix ans ne pourront plus être utilisés pour leurs activités, qui vont de la simple virée en mer à la plongée ou la pêche. Cerise sur le gâteau : un certificat ISO est requis pour chaque bateau pour l’obtention d’un permis, alors “qu’il n’y a pas d’officier qualifié pour vérifier ce certificat à la Tourism Authority. Nous devons payer un étranger à nos propres frais pour le faire”, déplore Prem Beerbul.
Depuis des années, les plages mauriciennes font l’objet de convoitises d’investisseurs, notamment pour la construction d’hôtels. Cinquante kilomètres de plages publiques : c’est tout ce qu’il nous reste à l’heure actuelle. Chiffre qui risque de baisser vu le nombre de projets qui menacent leur accès aux Mauriciens. La plage de Pomponette est le denier exemple en cours, le ministre de tutelle ayant décidé de déproclamer celle-ci de son statut de plage publique, après celle de La Cambuse. Sans compter les projets d’hôtels à Bel Ombre, où des plages fréquentées par les Mauriciens risquent d’être accaparées.
À Pomponette, un barrage a été érigé pour des raisons obscures. Il interdit l’accès au public à une partie de la plage. “Il faut arrêter la braderie de nos plages publiques. À Pomponette, il reste à peine un petit bout de plage où le public peut circuler. C’est un projet qui ne respecte pas la National Development Strategy, qui stipule qu’on ne peut envisager un hôtel de cette envergure dans cette région. Le Mauricien a de moins en moins de plages où aller se poser; cela n’a pas de sens”, souligne Carina Gounden de la plate-forme Aret Kokin Nu Laplaz.
Les écosystèmes marins en danger.
À Pointe aux Caves, après le projet d’une centrale à charbon qui a été abandonné suite à une vague de contestations, les Mauriciens ont vite déchanté avec l’idée saugrenue du gouvernement d’y installer un petroleum hub. Un projet dangereux pour le riche écosystème marin des alentours et, par extension, toute la côte ouest. La région est connue pour abriter des baleines, dont certaines sont nées dans nos eaux, ainsi que des dauphins. Sans compter la présence d’un poisson endémique et de nombreuses autres espèces marines. Y ériger un port pétrolier représente un gros danger vu les risques élevés de fuites pouvant causer des marées noires. Tous ces aspects semblent ne pas peser lourd dans la balance. “Ce port pétrolier sera une catastrophe pour Maurice : pollution, dégradation de l’océan, risques de marée noire. Nous perdrons des écosystèmes marins précieux.”
Ne parlons pas du vaste projet d’aquaculture décidé par le gouvernement. Pollution des fonds marins par la nourriture donnée aux poissons d’élevage, risques que ces poissons s’échappent et ne contaminent les espèces locales par de nouvelles maladies. Sans compter la menace que cela attire les requins vers nos eaux, comme à La Réunion : autant d’arguments qui auraient du décourager nos décideurs d’aller de l’avant avec ce projet. Leur obstination à se tourner vers ce type d’activités démontre que les intérêts du public et des écosystèmes marins arrivent loin derrière les intérêts financiers.