Le Guide - Législatives 2024

Le business des mariages Potemkine

Au Vietnam plus encore que dans de nombreuses régions du monde, le mariage, c’est sacré. Aussi, toute une économie a été bâtie autour de l’institution maritale. Un business résolument juteux !

- Publicité -

La cérémonie de mariage de Kha, alors enceinte de trois mois, avait tout d’une réussite vue de l’extérieur. Sauf que le marié était un acteur engagé pour l’occasion, afin qu’elle ne se retrouve pas stigmatisée en tant que mère célibataire, dans une société vietnamienne très conservatrice.

« Mes parents auraient été les premiers à être submergés de honte si je m’étais retrouvée enceinte sans mari », explique la jeune Vietnamienne à l’AFP, un mois après ce faux mariage qui lui a coûté plus de 1 200 euros. Le secteur des mariages de façade est en plein boom au Vietnam, où l’institution maritale reste incontournable. Et cela va bien au-delà des mères célibataires : de jeunes couples bien réels sont prêts à dépenser des centaines d’euros pour louer les services de figurants se faisant passer pour leurs parents, tantes ou oncles – afin d’éviter les disputes familiales de fin de banquet, quand leurs familles désapprouvent leur union.

Kha et son figurant de mari n’ont jamais été légalement mariés, mais l’important est qu’il ait joué le jeu devant ses amis et sa famille le jour de la cérémonie, même si ensuite elle élève seule son enfant. « J’avais l’impression de me noyer–et il a été ma bouée de sauvetage », explique Kha, qui a demandé à être identifiée sous un prénom d’emprunt, le sujet étant tabou.

Ses parents étaient dans la confidence. Mais au reste de sa famille, Kha a expliqué que son mari l’avait quittée peu après le mariage.

« Cacher ma grossesse était si fatigant… Mais maintenant j’ai confiance en l’avenir », explique Kha, qui doit accoucher en avril, son honneur préservé. Le chercheur en psychologie Nguyen Duy Cuong estime que « dans des pays comme le Vietnam, les gens n’ont pas le courage d’assumer le choix de leur coeur, ils se retrouvent face aux cou- tumes et traditions ». Certes, sous la surface d’une société communiste à parti unique conservatrice, les normes sociales évoluent. Mais les jeunes générations se retrouvent prises en étau.

Pas un assez bon parti

C’est ce qui a conduit un jeune couple comme Huong et son petit ami Quan à mettre en scène une fausse cérémonie. La famille de Quan ne voulait pas de ce mariage car Huong est is- sue d’une famille pauvre et n’était donc pas un assez bon

parti pour leur fils. Les deux jeunes gens se sont donc mariés dans la province natale de Huong, mais la famille de Quan a été remplacée par des figurants. Père, mère, oncles et tantes étaient tous payés pour jouer le jeu.

« C’était à la fois faux et authentique », s’amuse le jeune marié. Seul petit accroc à la journée : quand le faux oncle du marié s’est trompé, dans son discours devant des cen- taines d’invités, sur le lieu où a grandi son neveu…

Quant aux parents de Quan, ils ne savent même pas que leur fils s’est marié dans leur dos. « C’est bien de dépenser de l’argent pour rendre tout le monde content, on a évité les maux de tête », assure le jeune marié à l’AFP, dans la voiture qui le ramène à Hanoï, avec sa vraie épouse et ses faux parents.

Quan et Huong font partie de ces centaines de couples ayant fait appel à Vinamost,

une société bien ancrée dans le secteur des faux mariages. Les prestations de Vinamost tournent autour de 4 000 euros pour la fourniture des invités et l’organisation de la fête.

Son fondateur Nguyen Xuan Thien assure avoir organisé des milliers de mariages ces dernières années, un domaine dans lequel aucune statistique officielle n’est évidemment disponible. L’homme d’affaires assure avoir plus de 400 figurants enregistrés sur ses listes d’invités, contre seulement une dizaine il y a dix ans.

Lui-même se dit désolé pour ces jeunes couples obligés de jouer le jeu et d’engager des figurants. « Comme l’hôpital traite les maladies, nous aidons les fiancés et leurs familles. Mais nous ne voulons pas que cela se développe », affirme-t-il. Son entreprise est à ses yeux une oeuvre de salut public plutôt qu’une poule aux oeufs d’or.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -