Jean Louis Pismont, président sortant de l’AHRIM : “Restons ouverts au dialogue”

Le président sortant Jean Louis Pismont et le nouveau président Jean Michel Pitot ont, lors de la 45e assemblée générale de l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM), rétabli certains faits car “les hôteliers sont trop souvent critiqués alors que leur contribution à l’économie est jugée remarquable.” La réplique n’a pas tardé. Le ministre du Tourisme a réfuté point par point les récriminations qu’il estime lui ont été faites.

- Publicité -

Citant les nombreuses actions du gouvernement pour favoriser l’envol de l’industrie telles que l’ouverture de l’accès aérien, les infrastructures routières, la construction de routes, le non-besoin de visa pour un nombre grandissant de pays et la sécurité des touristes, Anil Gayan a fait appel à l’esprit de partage des hôteliers. Pour lui, “un tourisme durable, équitable et responsable ne peut être qu’un tourisme inclusif.” Le ministre souhaite également l’entière collaboration des hôteliers pour la promotion de nouveaux marchés, dont la Chine. Face à ce qui a semblé un coup de gueule entre le ministre et les hôteliers, le président sortant de l’AHRIM, Jean-Louis Pismont, s’explique dans l’entretien ci-dessous. Dans les deux cas, ce qui ressort, c’est la nécessité au dialogue.

Après vos deux ans à la tête de l’AHRIM, comment se porte le tourisme mauricien?
Il se porte bien. Nous avons réussi à sortir la tête de l’eau après environ cinq ans de disette qui ont compliqué un peu les choses. Nous pensions que cela allait être un peu plus difficile car il y a moins d’hôtels en rénovation cette année et cela agit sur le taux d’occupation d’hôtels, même si l’année dernière on a fini avec un taux record de 77%. Nous espérons atteindre ces 5% de croissance qui étaient, à l’origine, l’un de nos objectifs, après 2-3 années de croissance à deux chiffres.

Lors de l’assemblée générale de l’AHRIM, cette semaine, votre discours et celui du nouveau président, Jean Michel Pitot, montrent que les relations avec le GM et en particulier avec le nouveau ministre Gayan ne semblent pas être au beau fixe.

Je réfute cet argument. Nous nous entendons extrêmement bien avec M. Gayan. C’est un homme affable, disponible, et qui aime croiser de temps en temps les arguments avec nous. Il n’y a rien de personnel. J’ai eu la chance d’avoir trois ministres en deux ans et nous avons toujours eu une ouverture constructive. Avec M. Gayan, c’est pareil. D’ailleurs, il a pris des initiatives intéressantes telles que le dernier forum international auquel l’AHRIM a participé et que nous avons grandement apprécié puisque cela nous a permis d’être exposés aux opérateurs locaux, tels les taxis, les boathouses, etc. Nous avons toujours été bien reçus au ministère du Tourisme, à la Tourism Authority et également à la MTPA. On travaille très bien ensemble.

L’idée, c’est de dire: oui, il y a des problèmes et des choses à revoir. Continuons et restons ouverts au dialogue et arrêtons de pointer toujours le doigt vers les hôtels, par exemple, par rapport au all-inclusive. La vérité est que certains points restent en suspens depuis longtemps sur notre agenda. Nous aimerions tourner des pages pour améliorer ensemble, dans le dialogue, la qualité de notre destination. D’ailleurs, le gouvernement commence à réagir avec des projets, tel Mahébourg. L’AHRIM, à titre privé, est déjà en train de le faire. Par exemple, nous commençons, lundi, avec la formation pour 14 tables d’hôtes à Chamarel avec le Spirit of Chamarel pour créer une destination. Au-delà d’avoir eu de beaux hôtels, nous aimerions avoir une île avec des étoiles. Oui, il y a encore des débats, les problèmes de chiens, de pollution, de propreté Ce que nous voulons, c’est surtout faire comprendre que la qualité des hôtels est importante, mais que c’est celle de la destination qui est primordiale.

Est-ce sain que l’État et le tourisme soient en guerre?

Nous ne sommes pas en guerre. Il faut dire les choses ouvertement et on ne peut permettre de mettre tout sur notre dos. On est surtout critiqué pour le all-inclusive policy. Je donne des arguments pour dire que c’est, en fait, un vrai-faux problème. Nous sommes critiqués par rapport à l’eau, mais maintenant, nous utilisons beaucoup les stations de dessalement parce que nous n’avons pas d’autre choix. Nous sommes critiqués par rapport au fait que nous ne payons pas assez nos employés, alors que les salaires ont augmenté de 100% en 10 ans. Nous sommes critiqués par rapport à beaucoup d’autres points et pensons que, de temps en temps, nous sommes un peu les bêtes noires de l’économie. Nous ne voulons plus être les boucs-émissaires parce que nous ne participerions pas à l’inclusivité de l’économie.

Quel est le fond du problème?

L’inclusivité de l’économie doit être d’abord basée sur la même image que la nôtre, c’est-à-dire la qualité. L’inclusivité c’est amener les autres opérateurs aussi à offrir un produit de qualité. Aujourd’hui, les exigences veulent que ce standard soit répandu et appliqué également par les petits artisans. Il y a 300 nouvelles licences de plus dans le tourisme cette année. Ces 300 compagnies vont-elles trouver leur segment par rapport aux 1,4 millions de touristes qui arriveront cette année et garder cette qualité? Allons-nous continuer à créer 500 entreprises de tourisme annuellement? L’inclusivité deviendra un vrai problème et créera un déséquilibre. Quand on se bat pour dire que les taxis devraient être à jour par rapport à la technologie et de dire l’inconcevabilité que nous sommes le seul pays au monde où les taxis attendent devant les hôtels pour avoir du business, nous sommes en train de tirer la sonnette d’alarme d’un système qui n’est pas inclusif. Peu importe comment on régulera tout ça, ce système ne peut pas durer parce que les canaux de distribution et les canaux de vente influenceront le secteur. L’internet, les bookings directs feront que ces activités auront de sérieux problèmes s’ils ne se remettent pas en question. Quand on parle d’inclusivité, on ne peut pas venir nous taxer de ne pas avoir été un ascenseur social exceptionnel au cours de ces 60 dernières années. Des académies de formation, des initiatives personnelles ont été prises à travers différentes fondations. C’est quand même remarquable ce qu’on est arrivé à faire!

Après ce coup de gueule, va-t-on retourner au mode langue de bois?

Pas du tout. Nous saluons, comme l’a dit le PM dans son discours du budget, les objectifs d’inclusivité et la durabilité. Pour ce qui est de la durabilité, depuis au moins 6-7 ans, nous avons des griefs. D’abord, parce que c’est une évidence pour notre industrie. Ensuite, nous devons dire que notre combat c’est de récupérer cette taxe écologique qui existe depuis 1999 et que nous trouvons aujourd’hui injuste. En ‘99, nous avons reconnu notre part dans la pollution, d’où les programmes que nous avons mis en place. L’injustice vient du fait qu’au départ, nous étions impliqués dans la gestion des fonds provenant de cette taxe, le Tourism Welfare Fund, qui n’existe plus aujourd’hui. Avant, nous pouvions entreprendre des actions pour les villages autour des hôtels. Nous réclamons ces 25% qui ont été pris sur le CSR pour que nous puissions les consacrer entièrement à l’écologie. Sinon, il faudra trouver une autre méthode.

On évoque une saturation du nombre d’hôtels à Maurice.
Il faut réfléchir à cet aspect des choses qui a été longuement discuté lors des assises du tourisme avec les experts internationaux. L’équilibre de nos plages et la population mauricienne restent un agenda important. C’est là où le dialogue est extrêmement important. Il faut toujours continuer à maintenir cet équilibre entre les Mauriciens et le tourisme pour ne pas créer un environnement défavorable, comme on peut le voir dans certains pays du monde: Venise, Barcelone, Amsterdam, qui font beaucoup la guerre au tourisme alors qu’ils se sont battus pour en avoir. Ce qu’il ne faut pas faire, c’est: faire de l’hôtellerie le sucre de demain. Travaillons en bonne intelligence, peu importe qui est le ministre, pour que l’intelligence collective prédomine. Il faut éviter de dresser une industrie contre l’autre. Je pense là à l’aquaculture et au Petroleum hub. L’intelligence collective aurait été de nous impliquer tous et de tenir compte des besoins de chacun.

Le produit Chine est une des pommes de la discorde? A-t-on raté le coche?
Le produit Chine est arrivé au bon moment. Nous étions dans le creux, nous n’avions pas le choix. Sommes-nous allés en Chine trop rapidement? Probablement. Avons-nous analysé le type de Chinois que nous voulons? Pas sûr. Regardons aussi la Chine au niveau de l’océan Indien. Elle est en baisse partout: le Sri Lanka, La Réunion, les Maldives, les Seychelles. Asseyons-nous, regardons bien calmement ce qui peut se passer. Le marché chinois est un marché qu’il faut prendre et ne pas lâcher. Après, c’est une adaptation à un besoin assez particulier, comme pour le marché russe que nous avons capté et le marché du Moyen Orient que nous n’avons pas encore. On le dit de façon humble: nous sommes prêts à apprendre, mais l’Europe restera le marché No. 1 de loin, de par nos caractéristiques linguistiques, historiques, traditionnels et parce qu’on y est depuis très longtemps. Et puis, un nouveau marché ne se construit pas en 2-3 ans.

Votre message à l’industrie et à l’État?

Nous devons continuellement échanger. Le dialogue est capital. Pour cela, il faut de la disponibilité, une bonne organisation, une bonne planification. Après, il ne faut pas prendre les critiques à titre personnel. C’est pour faire avancer les choses. Il y a de belles choses qui ont été faites – les routes, l’aéroport , les facilités que le gouvernement met à notre disposition, mais il y a encore du chemin à faire.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour