Le Taj Mahal, chef-d’œuvre de l’architecture moghole, est très prisé des touristes. Ou plutôt « était », car le monument est en rénovation depuis maintenant quatre ans. Et c’est loin d’être fini !
Dans l’imaginaire de Muskan Mahuwakar, le Taj Mahal représentait un chef-d’œuvre de symétrie et de raffinement. Jusqu’à ce que cette touriste indienne découvre ce monument à l’amour enlaidi par d’affreux échafaudages.
Au plus grand déplaisir des visiteurs, la lente rénovation de ce joyau d’architecture moghole, principale attrac- tion touristique de l’Inde, s’étire depuis quatre ans, sans fin en vue. Et les autorités doivent encore s’attaquer à la partie la plus délicate : le dôme.
« La réparation dure de- puis si longtemps. Bien sûr, les vieux monuments doivent être entretenus, mais nous de- vons trouver des solutions qui soient rapides et efficaces », dit Muskan en jetant un regard désabusé sur l’armée d’ouvriers qui s’affaire autour de la structure. La notoire pollution atmosphérique du pays jaunit le marbre blanc de ce mausolée construit par l’empereur Shah Jahan au XVIIe siècle. Un fléau auquel les conservateurs se sont at- telés récemment.
Pour redonner au Taj Ma- hal son éclat virginal d’an- tan, des couches de boue sont appliquées sur sa façade dans le but d’absorber les impuretés. Les détracteurs de cette méthode estiment qu’elle abime la pierre comme si on la frottait à l’eau de Ja- vel, une critique dont se dé- fendent les responsables de la protection du patrimoine. Alors que les travaux s’éternisent, les dizaines de milliers de visiteurs quotidiens sont actuellementaccueillis sur le flanc ouest par un échafaudage intrusif, qui dissimule les délicates calli- graphies islamiques. « C’est décevant de ne pas pouvoir faire de photo parfaite de cette structure immaculée », regrette Muskan Mahuwa- kar, étudiante en histoire qui visite le lieu pour la première fois.
Elle a plus de chance que d’autres, car elle arrive après le nettoyage des quatre mina- rets érigés autour de la struc- ture principale. Les photos de la visite royale du duc et de la duchesse de Cambridge à Agra en 2016 avaient été gâ- chées par les squelettes de fer enserrant des tours.
Le Taj « mourant »
Mais l’inévitable restau- ration du bulbe central, qui couronne la structure, est le défi qui inquiète le plus les responsables et risque de dissuader des visiteurs. On ignore quand débuteront ces travaux, et combien de temps ils dureront. Cette perspective en détourne pourtant déjà certains. L’éditeur de guides touristiques Fodor’s Travel conseille ainsi à ses lecteurs d’éviter le Taj Mahal jusqu’en 2019 au moins.
De leur côté, des experts redoutent que la pression des échafaudages n’abîme irrémédiablement le marbre finement travaillé. « Nous devons nettoyer le dôme mais la question est comment dres- ser l’échafaudage », explique à l’AFP Bhuvan Vikrama, archéologue en charge du programme de rénovation.
« La structure est vieille de près de 400 ans, nous ne pouvons pas faire peser de poids supplémentaire dessus. En essayant de réparer les dommages, nous ne devons pas en causer de nouveaux. » Afin de préserver ce mauso- lée construit par l’empereur moghol pour son épouse Mumtaz Mahal, morte en couches en 1631, le gouvernement a décidé de restreindre les foules. Avec des pointes à 70 000 entrées par jour le week-end, ce sont près de 6,5 millions de personnes qui ont visité le Taj Mahal en 2016.
Les touristes étrangers, qui payent le prix fort, ne seront pas limités mais les Indiens ne pourront plus en- trer une fois franchie la barre des 40 000 tickets vendus dans la journée. Pour les défenseurs de l’environnement, cette rénovation ne s’attaque pourtant pas aux racines du problème, à savoir les émis- sions industrielles des usines qui entourent la très affairée ville d’Agra.
« Le Taj était entouré par une végétation luxuriante, mais maintenant il n’y a plus rien », déplore M C Mehta, un avocat qui a porté ce pro- blème en justice. « Le Taj est en phase terminale du cancer. Il est mourant, il peine à respirer. »