Coutumier des longues joutes oratoires, le président français Emmanuel Macron a battu son record en débattant pendant plus de 8 heures lundi soir avec 64 intellectuels sur l’avenir de la France.
Cette discussion à bâtons rompus, qui a eu lieu dans la salle des fêtes du palais de l’Elysée, vient clore deux mois d’un « grand débat national » lancé par M. Macron dans l’espoir de canaliser la colère exprimée avec virulence par la crise des « gilets jaunes » et de faire émerger d’éventuelles solutions.
Depuis le 15 janvier, le chef de l’Etat a silloné le pays pour participer à quelques uns des multiples débats organisés dans les mairies, gymnases ou salles des fêtes, des grandes agglomérations aux petits villages.
Répartition des impôts, démocratie participative, organisation des services publics: l’ancien banquier d’affaires devenu en 2017 le plus jeune président que la France ait connu est reparti en campagne pour défendre sa politique jugée injuste par les manifestants.
L’exercice — jugé inutile par les plus remontés des « gilets jaunes » — s’est clos vendredi dernier mais le chef de l’Etat a souhaité le compléter par un débat inédit avec les plus célèbres intellectuels du pays, retransmis en direct sur la radio publique France Culture.
Répondant à l’écrivain Pascal Bruckner, qui réclamait un retour de l’ordre public, Emmanuel Macron a estimé que les violences survenues samedi dernier sur les Champs Elysées, au coeur de Paris, étaient le fait d' »émeutes de casseurs, pas de manifestants ».
Devant le psychologue Boris Cyrulnik, l’économiste Daniel Cohen ou le sociologue Luc Boltanski, le président s’est aussi exprimé sur le creusement des inégalités, la réforme de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ou encore la transition écologique.
Pour lui, les « gilets jaunes » sont la « translation dans le réel de ce qui se passe sur les réseaux sociaux », à savoir « le langage désinhibé et la très grande violence sous couvert d’anonymat ».
Au fil de la soirée, qui s’est prolongée jusqu’à 02H30 du matin (01H30 GMT), la salle des fêtes s’est en partie vidée, ceux qui avaient déjà parlé sortant peu à peu en invoquant l’heure tardive.
Certains intellectuels de gauche avaient décliné l’invitation.
Ce rendez-vous marquait le 11e débat du chef de l’Etat, qui a rencontré des maires, des citoyens ou des jeunes dans une dizaine de régions.
Ces interventions répétées d’un président qui avait promis au début de son mandat une parole « rare » ont été critiquées la semaine dernière par les « garants » chargés de veiller à l’indépendance du débat.
« La manière dont ça s’est prolongé a pu contribuer, après avoir mobilisé, à entraver la mobilisation », a jugé le politologue Pascal Perrineau.
Malgré les critiques, ces deux mois de débats ont apparemment permis au président français de redresser un peu sa popularité, tombée au plus bas en décembre dernier.
Sa cote de confiance s’établissait à 31% d’opinions positives début mars, en hausse de 8 points depuis décembre, selon un sondage Elabe.
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