Premier pape à fouler dimanche le sol de la péninsule arabique, François fera un nouveau pas d’ouverture en direction de l’islam, confirmant que le dialogue interreligieux reste un axe marquant de son pontificat. Dans l’histoire du dialogue compliqué entre papes et monde musulman, l’Argentin Jorge Bergoglio se distingue par son langage fraternel et prudent, ingrédients de la « culture de la rencontre » qu’il préconise.
«Le pape François est différent de son prédécesseur Benoît XVI, car il privilégie la rencontre interpersonnelle aux subtilités théologiques, qui restent néanmoins importantes en soi», pointe le père Valentino Cottini, qui enseigne les relations islamochrétiennes à l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie (PISAI) à Rome. L’érudit théologien allemand Benoît XVI fut le pape à avoir le plus parlé de l’islam (à travers 188 interventions). Son désir de «dialogue dans la vérité» aboutira toutefois à une dizaine d’années de froid glacial entre musulmans et catholiques, après avoir cité, sans se l’approprier, une phrase d’un empereur byzantin du XIVe siècle parlant «des choses méchantes et inhumaines» apportées par Mahomet.
Dans ce discours de 2006 devant des universitaires à Ratisbonne (sud de l’Allemagne), il avait condamné entre les lignes la guerre sainte, mais aussi établi une distinction entre christianisme et islam dans leur rapport entre la raison et la foi. Dialogue ou guerre Le pape François évite de son côté les analyses théologiques touchant au contenu du Coran. Ses appels incessants en faveur de l’accueil des réfugiés, dont une grande partie sont musulmans, lui ont fait gagner des points auprès de cette communauté, tout comme le rapatriement surprise de trois familles musulmanes dans son avion papal quittant l’île grecque de Lesbos.
En 2017, le chef spirituel des quelque 1,3 milliard de catholiques a consolidé au Caire les relations avec le grand imam sunnite d’Al- Azhar, cheikh Ahmed al- Tayeb, un professeur de philosophie islamique critique des jihadistes qui s’inspirent du salafisme rigoriste. Les deux hommes se reverront d’ailleurs lundi aux Emirats arabes unis à une rencontre interreligieuse internationale. «Ou c’est le dialogue ou c’est la guerre. Nous sommes condamnés au dialogue», aimait répéter le cardinal français Jean-Louis Tauran, qui présida jusqu’à sa mort en juillet le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Après des décennies d’efforts, ce fin diplomate estimait que le fait de se parler était en soi un énorme accomplissement, mais il craignait que le dialogue se cantonne à des «petits pas au niveau des élites, qui ne se traduisent pas en lois, n’arrivent pas au niveau de la rue».
Dans des entretiens avec le sociologue français Dominique Wolton, le pape François juge que «le dialogue avance bien», même s’il aimerait que les musulmans progressent sur l’interprétation du Coran. «Je pense que cela leur ferait du bien de faire une étude critique du Coran, comme nous l’avons fait avec nos Ecritures. La méthode historique et critique d’interprétation les fera évoluer», a-t-il confié.