Un été difficile, une rentrée agitée, des postures avantageuses mais sans réellement de résultats probants sur les dossiers de fond… La question d’un éventuel manque d’humilité d’Emmanuel Macron dans l’exercice du pouvoir se pose désormais avec plus d’acuité.
Un des piliers du gouvernement, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, un des plus fidèles lieutenant du jeune président français, s’est posé ouvertement la question.
« Peut-être, les uns et les autres, nous avons manqué d’humilité », a-t-il déclaré jeudi, commentant la forte baisse d’Emmanuel Macron et du gouvernement dans les sondages, pointant un risque de « cécité » un peu plus d’un an après l’arrivée au pouvoir.
Après avoir réussi l’impensable – ravir l’Elysée, à moins de 40 ans, avec un parti à peine créé – le président et ses soutiens auraient-ils rebuté l’opinion en se montrant trop sûrs de leur triomphe, sur les ruines de +l’ancien monde+?
« Quand, à un moment donné, vous devenez trop sûr de vous, vous pensez que vous allez tout emporter », a pointé M. Collomb.
Interrogé sur les propos de son ministre, le chef de l’Etat a dit croire aux vertus du « doute sain ». Mais ce dernier ne doit en « rien entraver » son « mandat(…) qui est de transformer la France en profondeur », a-t-il nuancé.
Affrontant désormais l’impopularité, Emmanuel Macron ne bénéficie plus de la même mansuétude des Français et des médias pour les sorties provocatrices qu’il affectionne et qui ont pavé son ascension politique fulgurante.
« Au début du quinquennat, on aimait chez Emmanuel Macron son audace, sa détermination sans failles, sa capacité à ne pas céder. Au fur et à mesure que les doutes et les déceptions se font jour, il est normal que s’opère un glissement de l’autorité à l’autoritarisme, qu’on voie de l’arrogance là où on voyait de l’audace, ou qu’on lui reproche de ne pas suffisamment écouter et dialoguer là où on louait l’homme fort qui ne tergiverse pas », estime la spécialiste de l’opinion Chloé Morin (Ipsos).
Si le ministre puis le candidat avait réussi à éteindre les polémiques sur ses sorties provocatrices, le président fait désormais grincer les dents quand il parle des « fainéants », du « pognon de dingue » des aides sociales, ou des « Gaulois réfractaires ».
Quête de succès
Fin novembre 2017, le terme « arrogant » figurait déjà avec « riche » et « jeune » dans les mots les plus cités par les Français pour qualifier Emmanuel Macron, selon une enquête d’opinion menée par Harris Interactive. Depuis le terme a fleuri dans les compte-rendus des sondeurs.
« C’est une critique qui est forte, mais elle n’est pas autonome: les gens ne nous disent pas +il est arrogant, point+. C’est d’abord lié à la manière d’exercer la fonction, le côté un peu monarque, ce que Mitterrand et Sarkozy avaient connu. Et c’est très fortement lié au sentiment qu’il méconnaît les préoccupations des Français », souligne Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop.
François Hollande, s’il avait échappé à cette critique, avait bien mesuré l’immense risque d’être jugé méprisant lorsqu’il avait été accusé par son ex-compagne Valérie Trierweiler d’appeler les pauvres les « sans-dents ».
« C’est un trait d’image qui pourra rester très longtemps accroché à Macron, comme le côté +bling bling+ de Nicolas Sarkozy. Mais il s’en sortira s’il obtient des résultats », pense M. Dabi.
Le leader de l’opposition de droite Les Républicains, Laurent Wauquiez estime d’ailleurs que « le problème majeur » de M. Macron, « c’est les résultats », et pas telle ou telle attitude publique.
Le contexte de décélération économique, qui ampute les fameuses « marges de manoeuvre », et les accidents politiques de l’été (affaire Benalla, démission de son populaire ministre de l’Environnement Nicolas Hulot…) ont achevé de ramener la Macronie à la réalité, pensent certains.
Sur la scène internationale, M. Macron, malgré sa volonté, ses actions et ses déclarations, n’a pas réussi à transformer l’essai: sur le réchauffement climatique, le nucléaire iranien, la Syrie, la Libye, le Yemen… La France tente beaucoup, mais les percées tardent à se concrétiser.
En Europe, il va jouer gros dans les prochains mois puisqu’il est en train de s’introniser champion des démocraties libérales contre le populisme et les régimes illibéraux, avec les élections européennes de mai 2019 en ligne de mire.
« Je crois que la page de l’hypercommunication, des effets d’annonces et d’un exercice assez seul du pouvoir se tourne », a jugé jeudi le président du Sénat, issu de la droite, Gérard Larcher.
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