– La mise sur pied d’un National Digital Ethics Committee envisagée
L’Information and Communication Technologies Authority (ICTA) veut désormais mieux contrôler le contenu des réseaux sociaux. Prenant en considération les nombreux dérapages sur les différentes plateformes au niveau mondial, l’absence de bureaux régionaux des réseaux sociaux à Maurice et la lenteur avec laquelle des contenus abusifs sont supprimés de la toile, l’autorité régulatrice a sorti un document de consultation, destiné au public, la semaine dernière. Le public a ainsi jusqu’au 5 mai pour envoyer des propositions aux amendements que voudrait apporter l’ICTA.
Dans ce document, les amendements sont axés sur le contrôle de l’utilisation, des abus et du mauvais usage des réseaux sociaux à Maurice. Selon l’ICTA, l’industrie de la communication a été révolutionnée en permettant aux utilisateurs de poster et partager des contenus à d’autres. Toutefois, ces possibilités conduisent à des libertés « inacceptables ». Pour l’ICTA, ces abus, même s’ils sont commis par quelques individus ou groupes, deviennent viraux et les dommages engendrés sont importants. Pour elle, les compagnies, détenant des réseaux sociaux, n’ont pas réglementé le contenu de leurs plateformes dans les années 2000, et, ainsi les gens pouvaient partager leurs pensées et leurs opinions librement.
« Cette pratique est restée longtemps en vigueur, souvent au détriment de personnes du monde entier », dit l’ICTA, qui croit que, si les réseaux sociaux et numériques ne sont pas réglementés, ils peuvent constituer « une menace » pour l’harmonie sociale et la sécurité nationale. L’ICTA cite l’exemple de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Australie, de l’Inde, de la France et de l’Union européenne, qui ont apporté des modifications dans leurs lois pour mieux réguler le contenu des réseaux sociaux.
Dans son argument pour justifier ces amendements, l’ICTA estime que des contenus abusifs et offensants en Kreol ne sont pas traités, et s’ils le sont, cela prend son temps, dit-elle. « À Maurice, nous sommes confrontés à la difficulté de la barrière linguistique. Dans ce système d’autorégulation, lorsque des contenus en ligne offensants et abusifs sont publiés en Kreol, les administrateurs des réseaux sociaux doivent d’abord traduire et comprendre correctement le sens de ces messages dans le contexte local. Dans la majorité des cas, les plaintes déposées par les autorités locales auprès des administrateurs de médias sociaux restent sans suite ou ne sont pas traitées en temps utile », peut-on lire dans le document.
L’instance révèle que les dispositions légales sont efficientes dans les pays où les plateformes des réseaux sociaux ont des bureaux régionaux. « Tel n’est pas le cas pour Maurice », avance-t-elle. Ainsi, la seule solution pratique dans le contexte local, estime l’ICTA, est la mise en place d’un cadre opérationnel et réglementaire, qui « apporte non seulement une solution légale au problème des contenus en ligne nuisibles et illégaux, mais prévoit également les moyens techniques de contrôle requis pour traiter efficacement ce problème de manière juste, rapide, autonome et indépendante ».
L’ICTA fait de même ressortir que, sous la Section 18 (m) de l’Information and Communication Technologies (ICT) Act, elle possède le mandat lui permettant de prendre des mesures pour réglementer ou limiter les contenus nuisibles et illégaux sur Internet et d’autres services d’informations et de communication. Et pour que ce mandat soit plus clair, l’ICTA veut agir en séparant complètement la nécessité d’identifier correctement si le contenu en ligne est illégal et nuisible et ce, en mettant en place des mesures d’application techniques pour restreindre le contenu illégal et nuisible détecté. De ce fait, les amendements apportés à l’ICT Act, définira un cadre opérationnel à deux volets, avec la mise en place d’un National Digital Ethics Committee (NDEC) en tant qu’organe de décision en ce qui concerne le contenu nuisible et illégal, et une Technical Enforcement Unit, chargée de mettre en place les mesures d’application techniques selon les directives du NDEC.
« La composition et le mode de fonctionnement du NDEC sont déterminants, non seulement pour le bon fonctionnement du cadre proposé, mais aussi pour la prévention de toute tentative d’utilisation abusive de ce cadre opérationnel. Afin de réglementer l’utilisation des médias sociaux et de rendre opérationnel ce qui précède, le déploiement d’un nouvel ensemble d’outils techniques est obligatoire et nécessite le décryptage du trafic crypté sur les plateformes de médias sociaux », avance le rapport. Le NDEC aura pour objectif, entre autres, d’enquêter sur les contenus illicites et nuisibles, de sa propre initiative ou par le biais d’une interaction avec d’autres parties prenantes, déjà impliquées dans la sécurité nationale, les enquêtes, la détection et la prévention de la criminalité ou par le biais de plaintes reçues. Il pourra décider si le contenu en ligne, faisant l’objet d’enquête, est nuisible et illégal.
Pour l’ICTA, la composition et le mode de fonctionnement du NDEC sont « déterminants », non seulement pour le bon fonctionnement du cadre opérationnel, mais aussi pour la prévention de toute tentative d’utilisation abusive et de détournement de ce cadre opérationnel. Dans le but de rendre le comité transparent et de créer la confiance du public dans son fonctionnement et de préserver la confidentialité des informations/données dont il aura connaissance, le président et les membres du NDEC doivent être indépendants et des personnes de haut niveau et de bonne réputation.
Une autre caractéristique importante de l’ensemble d’outils techniques, explique l’ICTA, est la nécessité de réencrypter les données décryptées des réseaux sociaux avec le certificat numérique auto-signé du serveur proxy avant d’accéder aux serveurs de réseaux sociaux ou d’en sortir. Ce sera une opération unique qui doit être effectuée par chaque utilisateur mauricien essayant d’accéder aux sites de médias sociaux pour la première fois via ledit serveur. Le scénario opérationnel envisagé est que l’utilisateur final des médias sociaux de Maurice soit invité à installer automatiquement ce certificat auto-signé sur son poste de travail/appareil lorsqu’il essaiera d’accéder au site web des médias sociaux pour la première fois via le serveur.
Pour l’ICTA, compte tenu du contexte local, le véritable défi consiste à trouver le juste équilibre entre une solution efficace et le fait d’éviter d’être perçu comme une mesure répressive. Selon cette autorité, les défis qui en découlent peuvent être relevés en réglementant efficacement les médias sociaux conformément aux dispositions des lois à Maurice et de notre Constitution. Le principe que toutes les plateformes de réseaux sociaux doivent respecter est donc que tout contenu sur ces plateformes doit passer le test de la section 12 de la Constitution de Maurice.
« Le cadre statutaire proposé interférera sans aucun doute avec les droits et libertés fondamentaux du peuple mauricien, en particulier son droit à la vie privée et à la confidentialité et sa liberté d’expression. De même, les politiques de retrait de ces plateformes des réseaux sociaux devraient également être conformes à cette section et ne pas aller au-delà, afin d’éviter toute violation de la liberté d’expression et des valeurs démocratiques », avance l’ICTA.