Il y a des héros que les oppresseurs ont tenté de faire oublier. Mais le temps n’efface pas toujours la mémoire et fait remonter des histoires glorieuses pour saluer le courage et la détermination de ceux qui ont combattu pour la liberté. En octobre 2018, Cape Town marquait les 200 ans de la première rébellion des esclaves qu’a connue cette cité sud-africaine. Elle fut menée par Louis Van Mauritius, un esclave d’une vingtaine d’années, emmené en Afrique du Sud de Maurice.
Depuis octobre 2018, une statue en bronze a été érigée non loin du Slave Lodge à Cape Town en Afrique du Sud. Elle représente un homme coiffé d’un tricorne de marin, armé d’un fusil, d’un sabre et d’un pistolet et vêtu d’un uniforme rappelant celui du leader de la révolte des esclaves en Haïti : Toussaint Louverture. Son visage exprimant colère et détermination, l’homme semble marcher d’un pas déterminé vers la liberté. C’est ainsi que l’artiste Barry Jackson a imaginé Louis, en ce 27 octobre 1808, lorsque l’esclave emmené de Maurice quelques années plus tôt mena la première grande révolution à Cape Town.
Rêves de liberté.
Âgé d’une vingtaine d’années, il devait avoir fière allure lorsqu’il mena ses hommes contre les premières fermes où les esclaves étaient retenus. Lui-même était un esclave tailleur dont le “propriétaire” était un commerçant en vin qui habitait sur la côte. Ce qui donna l’occasion au jeune Louis de côtoyer les nombreux visiteurs qui accostaient. Depuis quelque temps, les marins et les soldats répandaient des nouvelles de soulèvements et de révolutions menés ailleurs par des esclaves. Il est rapporté que Louis déclara : “J’ai entendu dire que dans d’autres pays, toutes les personnes sont libres. Il y avait tellement de Noirs ici qui pourraient aussi être libres qu’il était de notre devoir de nous battre pour la liberté.”
Autour de lui, le Mauricien mobilisa quelques hommes de différentes origines, dont deux Irlandais, James Hooper and Michael Kelly, Jeptha de Hollande, Abraham et Adonis d’Inde, entre autres. Ils furent à neuf pour mener le soulèvement, en s’inspirant de ce qu’ils avaient entendu dire au sujet de la révolte des esclaves de Haïti. D’ailleurs, Louis insista pour se faire un costume similaire à celui de Toussaint Louverture.
Abattre les murs.
Leur plan consistait à marcher sur les fermes de la zone rurale pour réunir les esclaves avant de marcher sur Cape Town. Ils espéraient se saisir des armements de l’Amsterdam Battery et de retourner les armes contre le château avant de négocier pour l’abolition de l’esclavage.
Dans la nuit du 27 octobre 1808, Louis et deux des siens arrivèrent à la ferme de Gerhardus Louw en se faisant passer pour des marins espagnols. En l’absence du fermier, ils firent croire à son épouse qu’ils faisaient partie d’une armée. Elle leur donna de quoi se ravitailler et une place où dormir. Dès le lendemain, ils lancèrent leur mission en allant de ferme en ferme pour soulever les esclaves.
Ils ne rencontrèrent pas de grande résistance des fermiers. Ils inversèrent les rôles en lançant des parties de chasse contre les fermiers en fuite. Ces derniers furent contraints de rentrer en courant devant les chevaux et furent traités exactement comme les esclaves l’avaient été. Partout, ils demandèrent aux esclaves d’arrêter d’être serviles à l’égard des maîtres, dont “le règne est fini”.
La fin de la rébellion.
Plus de trois cents esclaves avaient rejoint les rangs de Louis et de son armée. Ils pillèrent trente fermes mais ne tuèrent personne, se contentant de faire des prisonniers. Mais bientôt, les autorités furent informées de leurs projets et l’armée fut envoyée pour mater la résistance.
Au bout de trente-six heures, Louis et les siens, qui étaient en sous nombre et moins équipés que les soldats, furent maîtrisés. Quarante-sept meneurs furent poursuivis et plusieurs furent envoyés en prison à Robben Island. Mais les autorités étaient conscientes qu’il fallait punir sévèrement les meneurs. Louis et James Hooper furent condamnés à mort par pendaison. Mais les graines de la résistance avaient été semées. Partout, des soulèvements suivirent, et plusieurs esclaves prirent la fuite.
Le nom de Louis Van Mauritius fait désormais partie de la longue marche de l’Afrique du Sud vers la liberté.