Le gouvernement qui, hier encore, voulait « vendre » les passeports mauriciens ramène le pays dans les sombres années 1970 lorsque les époux étrangers de Shirin Aumeeruddy-Cziffra ou de Nalini Teeluck-Burn, par exemple, n’avaient pas le droit de demeurer sur le sol mauricien.
Le texte de Pravind Jugnauth présenté, débattu et voté ce mardi même.
Le Premier ministre veut faire passer en force son Immigration (Amendment) Act mardi prochain à l’Assemblée nationale. Il sera, en effet, présenté, débattu et voté le même jour travestissant ainsi une pratique parlementaire bien établie selon laquelle entre la première lecture et les débats, un délai est donné pour l’examen en profondeur d’un texte. Et a fortiori lorsque le texte touche aux libertés et aux acquis sur le plan des droits humains. Or, Pravind Jugnauh qui, hier encore, dans son dernier budget, voulait « vendre » les passeports mauriciens, va se donner la discrétion de décider qui doit obtenir le statut de résident ou pas. Les clauses de ce texte d’amendement de l’Immigration Act ont de quoi inquiéter ceux qui sont soucieux du respect de droits humains.
Comme si le mariage dit « blanc » avait atteint des proportions incontrôlables à Maurice, le Premier ministre veut que le statut de résident ne soit pas accordé à un « non-citizen, who is the pose of a citizen. where he was a prohibited immigrant at the time of becoming such a spouse ». Plus épouvantable encore, cette provision qui dit que « persons who suffer from any physical or mental infirmity or persons who are dumb, blind or otherwise physically defective or physically handicapped and who are likely to be a burden on the State shall no longer be treated as a distinct category of prohibited immigrants ».
Autre clause qui donne froid dans le dos, celle qui octroie des pouvoirs discrétionnaires considérables au Premier ministre pour décider, selon les informations que lui refileraient les services de renseignements, ou même ceux de sa petite cuisine, pour décider d’accorder le statut de résident.
Il est ainsi prévu que « persons who, from information or advice which in the opinion of the Minister is reliable information or advice, are likely to be undesirable inhabitants of, or visitors to, Mauritius, shall be deemed to be prohibited immigrants ». On ne sait pas si la clause qui suit vise des terroristes, mais il stipule que « persons or class of persons whose presence in Mauritius, from information or advice which in the opinion of the Prime Minister is reliable information or advice, is likely to be prejudicial to the interests of defence, public safety, public order, public morality or public health, shall be deemed to be prohibited immigrants ». Et c’est toujours le Premier ministre qui décidera.
Cette loi ramène le pays aux heures sombres des années 1970, lorsque les époux étrangers de personnalités comme Shirin Aumeeruddy-Cziffra, pourtant députée, et de Nalini Teeluck-Burn n’avaient pas le droit de demeurer sur le sol mauricien. Ce n’est qu’après le grand coup de balai que le peuple administra au régime liberticide de 67/82 que le gouvernement MMM/PSM modifia la loi pour que les conjoints étrangers aient des droits de résidence et de travail à Maurice. Ce texte promet d’être âprement discuté mardi dans l’hémicycle.
Les voyages toujours en ligne de mire
Autre texte qui sera débattu mardi, si ceux portant sur l’Immigration (Amendment) Bill, qui ne traînent pas en longueur comme cela risque d’être le cas : le Building Control (Amendment) Bill du ministre des Infrastructures Publics, Nando Bodha, énumérant les différentes étapes menant à la destruction par les autorités locales de constructions illégales. En espérant qu’il ne s’agisse pas que de belles intentions.
Seront, eux, présentés en première lecture seulement le Mauritius Research and Innovation Council Bill, inscrit au nom du ministre Yogida Sawmynaden et qui n’est qu’un changement de nom de l’ancien conseil et le Road Traffic (Amendment) Bill de Nando Bodha qui vient compléter les mesures prises l’année dernière et qui criminalisent, cette fois, les consommateurs de drogue qui prennent le volant.
Avant d’en arriver là, le Premier ministre et ses ministres devront faire face à un feu roulant de questions des députés. Après une question locale sur le terrain de foot de Tranquebar, c’est le député Rajesh Bhagwan qui ouvrira les hostilités avec une question sur le président de Airports Ltd qui n’est autre que le conseiller de Pravind Jugnauth, Ken Arian. Le député du MMM veut obtenir la liste des déplacements que le conseiller a effectués depuis décembre 2018, le coût de ces billets d’avion et celui de ses allocations. Comme c’est ce même Ken Arian qui préside aussi Airports of Rodrigues, Rajesh Bhagwan veut, cette fois, obtenir la date de sa nomination, ses conditions de services, sa rémunération mensuelle et les allocations qui lui sont payées.
Son collègue Aadil Ameer Meea, lui, remet ça sur le Freedom of Information Bill, annoncé tant dans le manifeste électoral de Lepep que dans le discours-programme, tandis que Reza Uteem s’intéresse aux indicateurs économiques, comme le chômage des jeunes, la croissance et le montant de l’investissement direct étranger.
Le fameux pont d’Albion, qui fait couler beaucoup d’encre et pas mal d’eau, sera évoqué par le député mauve Franco Quirin pendant que l’indépendante Danielle Selvon relancera le Premier ministre sur l’importation et l’usage de cannabidiol et emboîtera le pas à Paul Bérenger pour demander la proclamation d’un jour férié pour la visite papale.
Si Jean-Claude Barbier du MP vise la NDU et un éventuel projet pour prévenir l’accumulation d’eau à résidence Richelieu, le député travailliste Arvin Boolell veut savoir si Maurice a déjà soumis à l’ONU sa revendication d’un plateau continental élargi. Le même député changera complètement de registre pour réclamer de Pravind Jugnauth le coût du démantèlement de British American Investment. Son collègue Osman Mahomed veut prendre connaissance, lui, de la liste des projets réalisés par la NDU dans chacune des circonscriptions depuis 2015.
Pour les autres ministres, les questions sur le secteur hôtelier et touristique de Soodesh Rughoobur, le projet de ferme solaire que le député Osman Mahomed adressera à Ivan Collendavelloo et celle portant sur les appels internationaux, destinée au ministre Yogida Sawmynaden.
Rajesh Bhagwan tentera, pour sa part, d’en obtenir un peu plus auprès de Nando Bodha sur les projets de terminaux urbains de Curepipe, Rose-Hill, Victoria et la gare du Nord, et Bashir Jahangeer sur l’aménagement de six sous-stations par le CEB, les manuels scolaires destinés aux élèves de Grade 8 et le projet d’abattoir de La Vigie.
Les chiffres du Metro Express
Agaléga et les projets qui y sont entrepris seront au coeur d’une question d’Aadil Ameer Meea qui veut aussi avoir des informations sur les comptes audités non déposés du CEB pour les années 2016, 2017 et 2018 et, par ailleurs sur le Metro Express, l’étendu des travaux déjà réalisés, les dépenses déjà effectuées et le nombre d’emplois créés. Deux questions aussi sur le projet d’affermage de la CWA si cher au Premier ministre adjoint, Ivan Collendavelloo, l’une de Reza Uteem et, l’autre, d’Alan Ganoo. Le député mauve aura aussi une interpellation sur le nombre d’accidents dans lesquels des touristes ont été impliqués pour ces dernières années et une autre sur les écoles ZEP.
Son collègue Franco Quirin s’intéresse, pour sa part, à l’Educational Support Scheme et à la rénovation de l’hôtel de ville de Curepipe. Après les questions très locales d’Aurore Perraud, Ezra Jhuboo va, tour à tour, interroger les ministres sur la main-d’oeuvre étrangère dans la construction, l’hôtellerie et le textile, les licences délivrées aux tours opérateurs et aux plaisanciers et aux difficultés de la circulation qui découleraient du transport des cannes de Médine à Omnicane.
Du côté du PMSD, il y a Salim Abbas Mamode qui évoquera la présence de téléphones dans les prisons, les agences immobilières et l’utilisation de DT Oil par les motocyclistes. Malini Sewocksingh s’intéresse aux drains à Curepipe/Midlands, Dan Baboo au budget de l’intégration sociale au centre d’oncologie de Solférino, Thierry Henry aux problèmes de sa circonscription du No 12.
Adrien Duval, lui, aura des questions sur les contrats de WWMA, sur la nouvelle Cour suprême, sur la Law Practitioners Act et le Deep Ocean Water Project, Patrice Armance sur les régions sinistrées, l’Empowerment Support Scheme et le CSR.
Les questions du travailliste Ritesh Ramful porteront sur l’industrie de substitution, l’inflation et l’admission en Grade 10, celles d’Alan Ganoo sur les projets de logement au No 14, l’Acquisitive Prescription Act de 2018 et celle de Arvin Boolell sur les chenilles d’automne.
Un retard inexpliqué
Ce n’est que tard dans la nuit du vendredi 12 avril que ceux qui s’intéressent à l’ordre du jour des travaux ont pu le consulter sur le site de l’Assemblée nationale. Ce retard inexpliqué est d’autant moins compréhensible que le secrétariat ne pouvait, comme on pouvait le supposer, être débordé dans la mesure où il n’y a pas eu de séance le mardi 9 avril et que le Conseil des ministres, qui approuve les projets de loi à être présentés au Parlement, s’est tenu un jour plus tôt, le jeudi 11 avril, plutôt que le traditionnel vendredi. Mystère donc sur ce retard qui, en plus, devient un peu trop fréquent ces derniers temps.