Soudan: l'armée reprend le palais présidentiel, les paramilitaires contre-attaquent

L'armée soudanaise a repris vendredi le palais présidentiel aux Forces de soutien rapide (FSR), infligeant un coup dur aux paramilitaires qui ont riposté par un raid meurtrier de drones sur le bâtiment à Khartoum, près de deux ans après le début de la guerre.
Le chef de l'armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, a affirmé qu'il n'y aurait "pas de négociation" avec les paramilitaires tant qu'ils ne déposeraient pas les armes.
La télévision d'Etat a diffusé des images de combattants célébrant leur conquête du palais présidentiel, avant que trois de ses journalistes n'y soient tués par une frappe de drone, selon une source militaire.
Le porte-parole du gouvernement et ministre de l'Information, Khalid al-Aiser, a déclaré que figuraient un producteur, un vidéaste et un chauffeur de la télévision d'Etat.
"Ils couvraient la reprise du Palais républicain lorsqu'un drone des FSR a frappé le complexe, tuant et blessant également plusieurs militaires", a indiqué la source militaire à l'AFP sous couvert d'anonymat.
Dans un communiqué publié sur Telegram, les FSR ont indiqué avoir lancé une "opération éclair" sur le palais qui a "tué plus de 89 ennemis et détruit plusieurs véhicules militaires".
"La bataille pour le Palais républicain n'est pas terminée", ont-ils juré, affirmant que leurs combattants restaient dans les environs.
Des témoins ont signalé que plusieurs drones avaient ciblé la zone, où les soldats célébraient leur victoire dans des salles ravagées du palais.
Dans des vidéos diffusées par la télévision d'Etat, de jeunes volontaires ayant pris les armes aux côtés de l'armée, coiffés de bandanas jaunes, agitaient des drapeaux en hurlant sous les arcades noircies et les vitres brisées.
La guerre au Soudan a commencé le 15 avril 2023, lorsque Khartoum est tombée aux mains des FSR. Leurs combattants se sont emparés de l'aéroport, des ministères et des immeubles du centre de la capitale.
Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts, déraciné plus de 12 millions de personnes et provoqué la plus grande crise alimentaire et de déplacement de population au monde.
- "Tournant majeur" -
Après des mois de défaites humiliantes pour l'armée, le cours de la guerre s'est inversé fin 2024 lorsque l'armée a lancé une contre-offensive dans l'Etat agricole d'Al-Jazira (centre).
La reprise du palais présidentiel "est un coup dur pour les FSR, et une immense victoire symbolique pour les forces armées", a déclaré Alan Boswell, directeur de l'International Crisis Group pour la Corne de l'Afrique. "C'est un tournant majeur dans la guerre", a-t-il déclaré à l'AFP.
Le gouvernement soudanais, basé à Port-Soudan, sur la mer Rouge, et proche de l'armée, a salué la victoire.
Le ministre Khalid al-Aiser a salué les "héros" qui combattent aux côtés de l'armée, un groupe hétéroclite comprenant d'anciens révolutionnaires prodémocratie, des miliciens islamistes et des forces autrefois fidèles aux FSR.
L'armée va continuer à "progresser sur tous les fronts jusqu'à ce que la victoire soit complète", a assuré sur la télévision d'Etat un porte-parole de l'armée, le général Nabil Abdallah.
- "Ni mots ni paix" -
Vendredi, le chef de l'armée, Abdel Fattah al-Burhane, a lui-même déclaré que tant que les paramilitaires "porteront des armes, qu'ils occuperont les maisons des gens (...) qu'ils sèmeront la peur au quotidien, nous n'avons ni mots ni paix pour eux".

Depuis le 15 avril 2023, une guerre oppose Abdel Fattah al-Burhane à son ancien adjoint et commandant des FSR, Mohamed Hamdane Daglo.
Ces dernières semaines, l'armée a repris dans la capitale le secteur de Khartoum-Nord ainsi que celui du Nil Oriental à l'est. Les FSR tiennent toujours des positions à Khartoum et dans sa ville jumelle d'Omdourman, de l'autre côté du Nil Blanc.
Un expert militaire a déclaré à l'AFP que les FSR avaient perdu des combattants d'élite lors de la bataille pour le palais présidentiel.
"L'entrée dans le palais républicain signifie le contrôle par l'armée du centre de Khartoum, la milice a perdu ses forces d'élite", a déclaré l'expert, sous couvert d'anonymat.
L'armée a annoncé vendredi une opération visant à "nettoyer" le centre-ville des combattants des FSR encore présents.
La reprise du palais présidentiel par l'armée pourrait conduire à la reconquête du Grand Khartoum, mais la vaste région occidentale du Darfour et une grande partie du sud restent largement aux mains des FSR.