Dans la bande de Gaza, mise en scène et chaos pour la libération de huit otages
Les premiers en vert, à Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza. Les seconds en noir, à Khan Younès, dans le sud. Hamas et Jihad islamique ont libéré huit otages jeudi dans deux cérémonies distinctes, l'une soigneusement mise en scène et l'autre qui a tourné au chaos.
Les deux mouvements palestiniens alliés, en guerre contre Israël depuis le 7 octobre 2023, ont organisé la troisième série de libérations d'otages, dans le cadre de l'accord de trêve dans la bande de Gaza, rivalisant de symboles.
Dans le camp de réfugiés de Jabalia, les combattants portent le bandeau vert du Hamas et de sa branche armée, les Brigades Ezzedine Al-Qassam.
Le paysage est totalement dévasté.
A Khan Younès, les hommes armés et cagoulés sont vêtus de noir de la tête au pied: des combattants des Brigades Al-Qods, la branche armée du Jihad islamique.
Entre les bâtiments éventrés ont été tendus des ribambelles de drapeaux palestiniens. Atmosphère de fête sur un champs de ruines.
Sur les deux sites, les SUV du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), chargés de transférer les otages de leurs ravisseurs à l'arme israélienne, sont garés les uns à côté des autres.
- Le salut forcé -
La première libération se passe au nord.
Un podium a été installé par le Hamas, comme samedi dernier. Les délégués du CICR signent un formulaire de libération puis la soldate israélienne Agam Berger, en tenue kaki, émerge des décombres, escortée de combattants du mouvement islamiste.
La chorégraphie millimétrée se veut preuve de triomphe. N'en déplaise au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, le Hamas n'est pas mort.
Visage fermé, la jeune femme de 20 ans semble concentrée, comme si tout pouvait encore capoter à la dernière minute. Une esquisse de sourire pointe, contenu. Elle porte le désormais traditionnel sac en papier, cadeau "souvenir" des ravisseurs, aperçu à chaque libération d'otages.
Sur le podium, elle est filmée en gros plan par un combattant du Hamas, caméra de professionnel à l'épaule. Il lui intime l'ordre de saluer la foule avec la main, elle s'exécute sans enthousiasme.
Elle monte enfin dans un des quatre SUV de la Croix-Rouge, alors que des hommes se précipitent pour immortaliser l'instant sur leur téléphone. En direct, à Tel-Aviv, la foule hurle de joie. A peine vingt minutes après, l'armée envoie un communiqué annonçant qu'elle l'a prise en charge.
"Dieu merci, c'est un accord honorable et je regrette que Sinouar ne soit pas là pour voir cette joie", dit à l'AFP Umm Muhammad Ahmad, du camp de Jabalia, en référence à Yahia Sinouar, ex-chef du Hamas à Gaza.
- "Scènes choquantes" -
L'attention se porte vers le sud, à Khan Younès, devant ce qui reste de la maison où a grandi Yahia Sinouar. Considéré comme l'architecte de l'attaque du 7 octobre 2023, il a été tué par des soldats israéliens un an plus tard.
Une file de voitures blanches fend très lentement une foule compacte. Des badauds se sont hissés sur des murs branlants pour mieux voir la scène, une vingtaine se pressent sur un plaque de béton qui penche dangereusement.
Mais cette fois, le scénario se grippe: le convoi s'est arrêté, et une attente interminable commence, sans nouvelles de Gadi Moses, Israélo-Allemand de 80 ans, et Arbel Yehud, également Israélo-Allemande, 29 ans.
Elle finit par apparaître en larmes, escortée par ses ravisseurs, flanqués d'hommes du Hamas, au milieu d'une foule compacte et survoltée. Son premier contact avec le monde extérieur depuis octobre 2023. Son visage, émacié, est tendu, effrayé.
Sur la "place des otages" de Tel-Aviv, où la scène est suivie en direct, la foule est sidérée, beaucoup pleurent. La retransmission est coupée.
En début de matinée, le mouvement a pourtant diffusé une vidéo montrant les deux captifs se prenant dans les bras, avec cette fois des sourires sincères.
L'octogénaire finit par apparaître, lui aussi escorté par des combattants dans la bousculade et des mouvements de foule, selon des images de l'AFPTV.
Et peu avant 13h30 locales (11h30 GMT), un communiqué des autorités israéliennes confirme que les deux Israéliens, et cinq ressortissants thaïlandais également captifs à Gaza depuis le 7-Octobre "ont été transférés et sont en route" vers Israël.
Mais l'angoisse d'Arbel Yehud suscite une vive colère.
Benjamin Netanyahu dénonce des "scènes choquantes", et dans la foulée, la radio militaire israélienne annonce la suspension "jusqu'à nouvel ordre" de la sortie de prison de 110 détenus palestiniens, prévue en échange de ces libérations.