La Colombie suspend les négociations de paix avec l'ELN après deux journées meurtrières
Le président colombien Gustavo Petro a annoncé vendredi suspendre les négociations de paix avec la guérilla de l'Armée de libération nationale (ELN), impliquée dans la mort de près de 40 personnes en deux jours.
Rappelant les pires heures du conflit armé en Colombie, les guérilleros de l'ELN ont attaqué jeudi la population civile et affronté les dissidents de l'ancienne guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) dans la région du Catatumbo (nord-est), selon des sources officielles.
Vendredi, c'est dans le nord du pays, dans le département de Cordoba, que l'ELN a été impliqué dans des violences cette fois avec le cartel du Clan del Golfo qui ont fait au moins neuf morts. Les corps ont été transportés dans des sacs en plastique jusqu'à Montelibano, a déclaré le maire de cette localité, Gabriel Calle, dans une vidéo.
"Ce qu'a fait l'ELN (...) ce sont des crimes de guerre. C'est pourquoi nous suspendons le dialogue avec ce groupe", réactivé en 2022, "car l'ELN ne démontre aucune volonté de faire la paix", a réagi le président de gauche Gustavo Petro sur X.
Dans le Catatumbo, zone frontalière avec le Venezuela aux plus de 52.000 hectares de coca, "au moins 30 personnes tuées et de plus de 20 blessés", a indiqué le gouverneur du département de Norte de Santander, William Villamizar, à Blu Radio.
Selon lui, les affrontements dans plusieurs villages proches de la ville de Tibu sont dus à "une dispute territoriale" pour le contrôle du trafic de drogue dans la région.
Plusieurs blessés ont été transportés dans des hôpitaux voisins et des dizaines de familles ont été déplacées, selon les autorités.
- "Revenus illégaux" -
La médiatrice pour les droits humains en Colombie, Iris Marin, a accusé l'ELN de s'en prendre "directement à la population civile" et d'aller "de maison en maison" pour assassiner des personnes que l'ELN considère comme proches des dissidences des FARC.
"C'est une dispute pour les revenus illégaux, pour le contrôle de la population et pour le contrôle de la frontière avec le Venezuela", a-t-elle estimé, en précisant qu'environ 20 personnes étaient portées disparues.
Des membres de l'ELN sont venus "démolir les maisons", a témoigné dans un entretien téléphonique avec l'AFP José del Carmen Abril, un représentant de cultivateurs de coca de Catatumbo.
Le Catatumbo a connu un conflit sanglant au début des années 2000, opposant la guérilla de l'ELN à des groupes paramilitaires d'extrême droite tentant de prendre le contrôle de ce territoire.
- "Campagne militaire" -
Les attaques de l'ELN constituent "une crise très grave", souligne Elizabeth Dickinson, de l'International Crisis Group.
"La situation en matière de sécurité se détériore rapidement" et "il ne s'agit pas d'une action ponctuelle, mais d'une campagne militaire" menée par l'ELN, estime l'experte.
Les guérilleros de l'ELN "semblent chercher à créer un nouveau cycle de conflit" après une trêve de deux ans entre l'ELN et les dissidents des FARC dans la zone, à la fois pour des raisons économiques -- contrôler l'ensemble du corridor frontalier avec le Venezuela -- et stratégiques -- unifier l'organisation.
Gustavo Petro, lui-même ancien membre dans sa jeunesse d'une guérilla d'extrême gauche (le M-19) et premier président colombien de gauche, s'est engagé à sortir par le dialogue de six décennies de conflit armé et négocie depuis avec la plupart des organisations armées du pays: dissidents des FARC, ELN et Clan del Golfo, entre autres groupes armés.
Toutefois, peu d'avancées ont été enregistrées, en raison de la poursuite d'attaques par les rebelles et de divergences à la table des négociations. En septembre, les pourparlers avec l'ELN avaient déjà été suspendus, avant de reprendre en novembre.
L'accord de paix de 2016 avec la guérilla marxiste des FARC, alors la plus puissante guérilla d'Amérique latine, avait permis de réduire un temps la violence en Colombie, premier producteur de cocaïne. Mais le conflit interne s'est de nouveau intensifié ces dernières années.
L'ELN, qui a pris les armes en 1964, compte quelque 5.800 membres dans le pays, selon les services de renseignement militaire.