Des milliers de Syriens alaouites dans la rue, un manifestant tué selon une ONG

Des milliers de Syriens de la minorité alaouite dont est issu le président déchu Bachar al-Assad ont manifesté mercredi dans plusieurs villes de Syrie après une vidéo montrant une attaque contre l'un de leurs sanctuaires, une ONG faisant état d'un manifestant tué par balle.

Par ailleurs, des accrochages entre des hommes armés et des forces de sécurité qui tentaient d'arrêter un officier du pouvoir déchu de Bachar al-Assad à Tartous (ouest), ont fait 17 morts, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Pendant ces affrontements, "quatorze membres du ministère de l'Intérieur ont été tués et 10 autres blessés", a de son côté écrit le nouveau ministre de l'Intérieur Mohammed Abdel Rahman, dans un communiqué.

Les manifestations de Syriens alaouites sont les premières depuis le renversement de M. Assad par une coalition de rebelles menée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), entrée à Damas le 8 décembre après s'être emparée en 11 jours d'une grande partie du pays.

Selon des témoins et l'OSDH, des milliers de Syriens ont manifesté à Tartous, Banias, Jableh, et Lattaquié dans l'ouest du pays, où est très implantée la communauté alaouite, une branche de l'islam chiite, ainsi qu'à Homs (centre).

"Un manifestant a été tué et cinq blessés après que les forces de sécurité à Homs ont ouvert le feu pour disperser les protestataires", a indiqué à l'AFP Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'OSDH.

Un couvre-feu nocturne a été décrété à Homs et Jableh.

La colère des alaouites a éclaté après la diffusion d'une vidéo sur les réseaux sociaux montrant "une attaque de combattants" contre un sanctuaire qui a été incendié à Alep (nord), selon l'OSDH. Cinq employés du sanctuaire ont péri, d'après l'Observatoire.

- "Semer la discorde" -

A Damas, le ministère de l'Intérieur a assuré que la vidéo était "ancienne" et datait de la prise d'Alep par les rebelles le 1er décembre.

"Le but de faire circuler à nouveau de telles images est de semer la discorde parmi le peuple syrien (...)", a-t-il ajouté en accusant des "groupes inconnus" de l'attaque.

Les nouvelles autorités ont multiplié les gestes d'assurance envers toutes les minorités d'un pays traumatisé par 13 ans d'une guerre dévastatrice, déclenchée en 2011 par la répression brutale de manifestations prodémocratie, et qui a fait plus de 500.000 morts.

A Jableh, les manifestants ont scandé "Alaouites, Sunnites, nous voulons la paix", a indiqué un manifestant, Ali Daoud, à l'AFP, appelant à "punir les assaillants".

Des images ont montré une foule défilant dans cette localité, brandissant le drapeau des rebelles datant de l'ère de l'indépendance.

"Non à l'incendie des lieux saints et à la discrimination religieuse, oui à une Syrie libre", pouvait-on lire sur une pancarte.

A Lattaquié, les manifestants ont dénoncé "les violations contre la communauté alaouite", selon Ghidak Mayya, un manifestant de 30 ans. "Pour le moment nous écoutons les appels au calme (...) Mais la situation peut exploser."

Après la fuite à Moscou de Bachar al-Assad dans la foulée de l'offensive rebelle, des membres de la minorité alaouite se sont réjouis de sa chute mais ont dit craindre la marginalisation ou des représailles.

Selon le politologue Fabrice Balanche, "les alaouites étaient très proches du régime de Bachar", dont ils constituaient la "garde prétorienne". Il estime à 1,7 million leur nombre aujourd'hui, soit environ 9% de la population.

- Accrochages à Tartous -

Dans la province de Tartous, des forces de sécurité ont tenté d'arrêter un responsable du pouvoir déchu, lié aux "crimes perpétrés (contre les détenus) à la prison de Saydnaya" près de Damas, a précisé l'OSDH. Le frère de l'officier recherché et des hommes armés ont intercepté les forces de sécurité et les accrochages ont coûté la vie à quatorze membres des forces de sécurité et à trois hommes armés, d'après la même source.

Ailleurs en Syrie, un secouriste et un militant ont indiqué avoir mis au jour un probable charnier renfermant les ossements de détenus emprisonnés par l'ex-pouvoir ou de combattants tués pendant le conflit.

Une équipe de l'AFP a vu sur un terrain vague au nord-est de Damas, des fosses alignées les unes à côté des autres, formant une tranchée de plus d'un mètre de profondeur.

Plusieurs sacs étaient visibles dans une fosse. Dans l'un, une journaliste de l'AFP a vu un crâne humain et des ossements.

"Nous pensons que c'est une fosse commune. Nous avons trouvé un caveau ouvert avec sept sacs remplis d'ossements", a précisé à l'AFP le secouriste Abdel Rahmane Mawas.

- Destruction de drogues -

Sur un autre plan, les nouvelles autorités ont mis le feu à Damas à des stocks de cannabis, des boîtes de Tramadol et une cinquantaine de petits sacs contenant un million de pilules de captagon, une amphétamine produite à une échelle industrielle sous Assad, selon deux membres des forces de sécurité.

Le pouvoir déchu était connu pour produire du captagon, transformant son pays en narco-Etat et inondant les marchés au Moyen-Orient.