Au coeur d'une usine d'armement sud-coréenne qui pourrait approvisionner l'Ukraine

A Changwon, près du grand port sud-coréen de Busan, l'usine d'armement de Hanwha Aerospace tourne à plein régime. Des ouvriers mettent la dernière main à un nouveau système de défense anti-aérienne qui pourrait, à terme, servir en Ukraine.

La Corée du Sud s'est toujours interdit de livrer des armes dans des zones de conflit actives mais les choses pourraient changer depuis que la Corée du nord est suspectée par les renseignements sud-coréens d'avoir envoyé des troupes pour aider la Russie dans sa guerre en Ukraine.

En tête de la liste du matériel de fabrication sud-coréenne que l'Ukraine pourrait recevoir, figure le système "Cheongung", littéralement "flèche céleste", sorte de bouclier d'interception de type Dôme de fer, fabriqué à l'usine de Changwon qui a ouvert ses portes à des journalistes de l'AFP.

Sur les lignes du plus grand conglomérat de défense sud-coréen, des soudeurs travaillent avec en fond sonore "La Lettre à Elise de Beethoven. D'énormes cylindres feront partie de ce système d'interception de nature défensive de Hanwha, qui produit également une variante axée sur l'attaque.

"Le système Cheongung peut être considéré comme similaire au système de missiles américain Patriot" expose Jung Sung-young, un responsable de Hanwha Aerospace.

L'Ukraine est dépendante des systèmes de défense occidentaux, en particulier des missiles américains Patriot, et ne cesse de réclamer plus de livraisons. L'implication de la Corée du Sud pourrait faire la différence, estiment des experts.

Reste à savoir si -et comment- la Corée du Sud aidera l'Ukraine. La décision dépendra du "niveau d'implication de la Corée du Nord" dans le conflit, a déclaré début novembre le président sud-coréen Yoon Suk Yeol, ajoutant que Séoul n'"excluait pas la possibilité d'envoyer des armes".

Le premier lot serait dans tous les cas de nature défensive, a-t-il précisé.

Kiev a un besoin urgent de renforcer ses défenses aériennes, observe Han Kwon-hee de l'Association coréenne de l'industrie de défense.

"Elles aideront l'Ukraine à repousser les offensives russes en interceptant les drones et les missiles au dessus de leur territoire", dit-il. Un énorme coup de pouce après la récente décision des Etats-Unis d'autoriser l'armée ukrainienne à utiliser des missiles américains de longue portée contre des cibles à l'intérieur du territoire de la Russie.

La Corée du Sud reste encore officiellement en état de guerre avec la Corée du Nord depuis la fin des hostilités en 1953, qui n'ont été pas été conclues par un traité de paix.

Hanwha Aerospace, qui a longtemps donné la priorité à l'armement terrestre, voit sa production aujourd'hui en forte demande, avec notamment des contrats d'armements signés avec la Pologne et la Roumanie.

La montée des tensions géopolitiques en Europe bénéficie fortement au groupe sud-coréen, avec un bénéfice d'exploitation en hausse de 450% au troisième trimestre 2024 (juillet-septembre) à 343,3 millions de dollars.

Séoul nourrit depuis longtemps l'ambition de rejoindre les rangs des principaux pays exportateurs d'armes au monde, visant la quatrième place, derrière les États-Unis, la Russie et la France.

Des obus de 155 mm ont déjà été vendus à Washington, avec une clause réservant leur utilisation à l'armée américaine.

Un autre produit de Hanwha pourrait aussi servir en Ukraine, selon des experts sud-coréens, à savoir son système de missile guidé Chunmoo.

"L'Ukraine a un besoin urgent d'armes offensives comme les missiles Chunmoo et les obusiers K9, capables d'infliger des dommages importants à l'ennemi, pour retourner la situation en sa faveur", estime Choi Gi-il, professeur d'études militaires à l'université Sangji.

"Si l'implication directe de la Corée du Nord dans la guerre s'intensifie, Séoul pourrait envisager d'envoyer des armes létales, en plus des armes défensives", estime-t-il.