L'Ukraine accuse Moscou de l'avoir frappée avec un missile stratégique sans charge nucléaire, une première
L'Ukraine a accusé jeudi la Russie de l'avoir frappée à l'aide d'un missile balistique conçu pour emporter des têtes nucléaires, un premier usage de ce type d'armement en conflit dans l'Histoire et qui, même sans charge atomique, constituerait une escalade sans précédent de la guerre et des tensions russo-occidentales.
Aucun pays occidental n'a toutefois confirmé le type de missile tiré, tout en exprimant leur inquiétude. Le Kremlin n'a pas démenti l'usage d'une telle arme, d'une portée de plusieurs milliers de kilomètres.
Le président Volodymyr Zelensky et la diplomatie ukrainienne ont affirmé qu'une expertise était en cours, mais que le tir avait "toutes" les caractéristiques d'un missile balistique intercontinental (ICBM), qui a une portée de plus de 5.500 km.
Volodymyr Zelensky a estimé que ce tir était en tout cas l'acte d'un "voisin fou" qui utilise l'Ukraine comme "terrain d'essai" militaire.
Les experts militaires débattent de la nature précise du missile utilisé, de sa portée exacte et notent qu'il est difficile de donner une réponse définitive sans l'analyse des débris.
Moscou utilise depuis plusieurs jours une rhétorique de plus en plus belliqueuse, évoquant l'arme atomique en raison de l'utilisation par l'Ukraine de missiles américains contre le territoire russe.
L'armée de l'air ukrainienne a affirmé dans la matinée qu'un "missile balistique intercontinental" avait été lancé depuis le sud de la Russie vers la ville ukrainienne de Dnipro, dans le centre-est.
Ce type de missile, qui n'a jamais été utilisé en conflit mais que la Russie teste régulièrement sur son territoire, sont conçus pour transporter des ogives nucléaires et frapper à des milliers de kilomètres de distance.
Une source au sein de l'armée ukrainienne a précisé à l'AFP qu'il s'agissait de la "première fois" qu'un missile de ce type était utilisé, ajoutant qu'il était "évident" que celui-ci ne portait pas de charge nucléaire.
Une vidéo, diffusée sur les réseaux sociaux et non vérifiée, montre six puissants flashs dans le ciel.
- "Extrêmement grave" -
Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Christophe Lemoine, a affirmé qu'il s'agissait un événement "extrêmement grave" s'il est avéré.
L'Union européenne et Londres, également prudents sur la véracité de ces informations, ont déclaré que cela constituerait "une escalade" de la part de Moscou.
L'étendue des dégâts n'était pas claire dans l'immédiat. Deux personnes ont été blessées par des frappes russes à Dnipro jeudi, selon le gouverneur régional Serguiï Lyssak.
Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, interrogé par des médias lors d'un briefing quotidien, a dit n'avoir "rien à dire" sur ce tir supposé.
La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a quant à elle été sommée de ne pas s'exprimer à ce sujet. Elle a été interrompue en plein briefing diffusé en direct par un appel téléphonique, son interlocuteur lui demandant de "ne pas commenter" la frappe "de missiles balistiques" sur l'usine de fabrication de satellites Pivdenmach, située dans le centre de Dnipro.
Selon la chaîne Telegram Rybar, proche de l'armée russe, c'est justement cette usine, autrefois appelée "Ioujmach", qui "pourrait" avoir été ciblée par un missile intercontinental de type RS-26 Rubezh. Cela serait un "signal" envoyé à l'Ukraine, estime-t-elle.
Un expert de l'université d'Oslo interrogé par l'AFP, Fabian Hoffmann, a lui estimé qu'une telle frappe avait pour Moscou une valeur "politique" davantage que militaire.
- Mises en garde nucléaires -
L'attaque se produit au moment où les tensions sont au plus haut entre Moscou et les Occidentaux, à l'approche du retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier anticipé comme un tournant.
La Russie, qui a envahi l'Ukraine il y a bientôt trois ans, a multiplié ces derniers jours les frappes d'ampleur en Ukraine et les avertissements à l'encontre des alliés de Kiev.
Le ministère russe de la Défense a annoncé jeudi avoir abattu "deux missiles de croisière +Storm Shadow+ de fabrication britannique" tirés par l'Ukraine et qui visaient son territoire, sans préciser le lieu ni le moment de cette interception.
Cela confirme la première utilisation par Kiev de ces armements contre le territoire russe.
Plus tôt dans la semaine, l'Ukraine avait utilisé pour la première fois des missiles américains ATACMS contre une installation militaire dans la région russe de Briansk, après avoir reçu l'autorisation de Washington.
Plusieurs pays occidentaux fournissaient des missiles à longue portée à l'Ukraine mais ne permettaient pas leur usage en territoire russe, craignant la réaction de Moscou.
La Russie a renforcé ces derniers jours ses mises en garde nucléaire.
Selon sa nouvelle doctrine sur l'emploi de l'arme nucléaire, officialisée mardi, la Russie peut désormais y recourir en cas d'attaque "massive" par un pays non nucléaire mais soutenu par une puissance nucléaire, référence claire à l'Ukraine et aux États-Unis.
Le Kremlin a toutefois assuré jeudi que la Russie fera "le maximum d'efforts" pour éviter un conflit nucléaire.
Ailleurs en Ukraine, 26 personnes ont été blessées lors de frappes à Kryvyï Rig, une ville située à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Dnipro, d'après le gouverneur Serguiï Lyssak.
L'armée russe continue parallèlement de progresser dans l'est de l'Ukraine. Le ministère russe de la Défense a revendiqué jeudi la prise d'une petite localité près de la ville de Kourakhové, dans l'est de l'Ukraine.
Les avancées russes sont particulièrement inquiétantes pour Kiev, qui craint d'être poussé à la table des négociations en position défavorable.