WK – Fondé le 26 septembre 1966 : Les premiers combats de Jacques Rivet pour « son bébé »

Le journal que vous tenez entre les mains a paru pour la première fois le 26 septembre 1966 au retour de Jacques Rivet de l’Institut de Journalisme de Berlin Ouest. Il a créé ce premier numéro novateur pour l’époque avec comme première page des informations internationales accompagnées d’une chronique d’André Masson, rédacteur en chef du Mauricien à l’époque et déjà de la pub en une. Le journal était au prix de 15 sous. Avec la mort de Jacques Rivet, il ne reste plus grand monde à pouvoir raconter les premiers pas de ce journal. Il y a ses nombreux écrits pour s’en faire une idée. Récit des premiers pas, mais surtout des premiers combats qui sont toujours d’actualité.

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Jacques Rivet parle d’emblée d’avoir ressenti un besoin pour la presse locale d’une nouvelle impulsion qu’il lui a été inspirée lors de ses études en Allemagne et à ses stages à France Soir et au Figaro. Si les papiers d’actualité locale et internationale et les opinions étaient une force de frappe certaine, Jacques Rivet lançait à l’époque un concours inédit dans la presse hebdomadaire avec Cherchez la boule patronnée par Rogers puis par Kalachand, ce qui a largement contribué à élargir la base du lectorat avec des prix variant de Rs 25 à une voiture de Rs 10,000 en quelques semaines.

Dans un flash-back à l’occasion des 30 ans du journal, on arrive à en savoir un peu plus. Jacques Rivet écrit que, peu après sa fondation, malgré une nette vocation de vouloir se démarquer, ne serait que par pure stratégie, de ce qui se faisait encore traditionnellement dans la presse, Week-End a eu « très vite à rectifier le tir, à ranger dans les tiroirs beaucoup de concepts qui se voulaient novateurs, face à l’implacable réalité des chiffres ». Bref, « à revenir tout bonnement sur les sentiers battus, en attendant d’avoir des ailes plus larges ».

En effet, Week-End se voulait, avant tout, être le rendez-vous hebdomadaire relaxe, privilégiant, avec une nouvelle approche, des rubriques de loisirs, de culture et de détente, tout en souhaitant, certes, aller un peu plus loin dans la recherche de cette symbiose latente qui habitait discrètement l’île Maurice des années ‘60. Jacques Rivet avoue avoir trouvé en 1966 que la grande presse était trop étroite dans son approche pour cerner l’évolution silencieuse que connaissait alors le pays et qu’elle était trop centrée sur les mêmes débats.

De tous les combats sur tous les fronts

À cette époque, la presse souffrait d’un renouvellement de ses cadres face à un lectorat plus jeune et plus demandeur dans un contexte où une émigration massive frappait le pays et emportait avec elle les plumes les plus prometteuses du pays. Pour pallier cela, il fallait « des volontaires, des fous presque ! Tant les cachets proposés alors aux collaborateurs étaient dérisoires », raconte Jacques Rivet qui écrit « sollicités, quelques amis acceptèrent ».

Dès que Week-End pénétra le terrain politique, il fut « de tous les combats et sur tous les fronts ». La fougue et la passion des journalistes et la progression des ventes du journal en fit une plateforme incontournable dans le paysage journalistique, d’autant que moins d’un an après son lancement, il était déjà devenu le plus gros tirage de la presse hebdomadaire et quotidienne confondus. Ce succès allait lui donner plus de crédibilité dans l’opinion publique, ce qui obligea le journal à aller plus haut et plus loin dans le débat qui entoura la campagne de 1987 – qui fut une aubaine rare pour un journal qui faisait ses premiers pas. « La confrontation électorale qui allait conduire le pays à un bouleversement constitutionnel majeur avec l’avènement de l’indépendance fut aussi un moment exaltant », raconte Jacques Rivet

« Notre force, notre vraie force était la rue »

Malheureusement, ce fut aussi « le prélude à une période de répression brutale et aveugle ». L’action de Week-End était contestée dans beaucoup de milieux, comme c’est encore le cas aujourd’hui, 56 ans après. Les mêmes réflexes hier et aujourd’hui, ceux du repli de la part des politiques lorsque la colère de la rue monte et que les dérapages de la gestion étatique sont révélés et condamnés. Et puis, ce sont les procès qui pullulent pour faire peur et des pressions économiques pour tarir les sources de revenus de Week-End, comme souvent dans l’histoire de la presse à Maurice.

Sur cette problématique économique qui a traversé la vie de Week-End, Jacques Rivet explique : « Rien, cependant, nous fit fléchir. Notre force, notre vraie force était la rue. Et chacun de ces milliers de Mauriciens, du Nord au Sud, d’Est en Ouest, chaque dimanche, par leur soutien, nous offrait le témoignage que notre cause était juste, que notre cause était leur cause. Et au fil des années, au-dessus des considérations politiques, Week-End a su faire l’unanimité sur son but premier : servir l’opinion publique, avec l’objectivité la plus absolue dans la plus complète indépendance. Et c’est cette indépendance, si jalousement préservée, qui nous vaut encore aujourd’hui des foudres tous azimuts… ».

En septembre ‘70, Week-End publia le tout premier sondage politique pour une partielle à Triolet/Pamplemousses. Des pressions étaient exercées « dans l’intérêt général », selon le commissaire de police, mais Week-End passa outre cette pression insoutenable et publia le sondage à une semaine du scrutin. Les résultats confirmèrent les prévisions à 5% près et, depuis, Week-End était devenu la bête noire politique du gouvernement.

Jacques Rivet montra toujours autant de verve pour défendre la liberté d’informer à cette époque qui fut marquée par la censure de la presse où Week-End détient « le triste record d’avoir été le journal le plus censuré ».

Le miracle de la presse sauvée

Terminons ce survol des héros des premiers temps de Week-End avec la fameuse histoire dramatique de l’incendie qui ravagea les bureaux en bois du Mauricien Ltee, ce fameux 8 février 1978. Quelques mois plus tôt, Le Mauricien avait vécu un changement majeur avec le passage à l’offset, qui donna surtout un plus dans la présentation et la conception du journal. Huit jours seulement après la mise en branle de ce tout nouveau système, un incendie ravagea les locaux du Mauricien.

De précieuses archives qui représentaient la mémoire de notre entreprise mais aussi celle de la presse mauricienne étaient parties en fumée, de même que tout le matériel de bureau. Jacques Rivet, témoin privilégié et meurtri de ce moment-là, raconte qu’il ne restait que « cette institution qu’était devenue le n° 8 de rue St-Georges et le souvenir de 70 ans d’histoire. Seule rescapée, miraculeusement sauvée des flammes, la rotative toute neuve qui avait imprimé le journal la veille ».

Nous pourrions écrire encore des kilomètres d’anecdotes que Jacques Rivet et Week-End ont partagées.

Mais il faut se rappeler que c’est ce miracle qui allait permettre à l’entreprise de rebondir après à peine deux semaines de repli forcé. Week-End s’est, depuis, forgé une nouvelle dimension au fil des années que les générations suivantes de journalistes et d’autres employés, sous l’impulsion magique et le génie de Jacques Rivet et d’autres, à qui il a confié «son bébé», ont jusqu’ici porté toujours très haut le drapeau, celui de la liberté d’expression, de l’indépendance absolue du journal et des principes de base du journalisme. Sont également gardés intact l’esprit de ses combats et sa rigueur à toute épreuve, au même titre que la philosophie et la mission que lui avait confiées son père Raoul, dans un environnement contraignant qu’il faudra absolument surmonter pour traverser les épreuves qui se présentent devant nous.

Jacques Rivet a créé une œuvre, il a fondé Week-End, il a montré la voie. À ses successeurs de la poursuivre ! Pour que Vive Week-End !

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