Ils sont 400 pêcheurs sans carte à avoir bénéficié du Wakashio Solidarity Grant. C’était aussi l’occasion de caser les petits copains et autres personnes, pourtant étrangères au métier de la mer. Les gardes-pêche montent aujourd’hui au créneau et dénoncent les abus avec des fonds du Wakashio. De plus, se demandent-ils, comment le ministère va-t-il faire pour donner 500 nouvelles cartes de pêcheurs à travers l’île alors qu’il a déjà reconnu qu’il y en avait 400 enregistrés rien que sur la côte Sud-Est ?
« Pe aste peser ek kas Wakashio. » C’est le sentiment qui se dégage sur la côte Sud-Est, après les dernières distributions de fonds, provenant des Japonais. En décembre dernier, le ministre de la Pêche, Sudhir Maudhoo;, entouré de ses collègues ministres et députés des circonscriptions Nos 11 et 12, avait annoncé le paiement d’une somme de Rs 112 000 à 825 pêcheurs et 174 banians de la région.
Ce montant représentait le manque à gagner de leurs activités, en sus de l’allocation de Rs 10 200 qu’ils avaient déjà perçue pendant presqu’un an, sous la Wakashio Solidarity Grant. Ce montant aurait été calculé, selon le ministre, sur les prises enregistrées des pêcheurs. Initialement, Sudheer Maudhoo avait annoncé une somme de Rs 134 000, qui a été revue à la baisse, devant les réticences de l’assureur, Japan P&I.
Le formulaire de quittance que l’assureur a fait signer aux bénéficiaires indique un montant total de Rs 194 600 a été versé à chaque pêcheur. Soit Rs 81 600 sous le Wakashio Solidarity Grant et Rs 113 000 (soit Rs 1 000 de plus que ce que le ministre avait annoncé), comme montant restant. Il est aussi précisé que les bénéficiaires ne feront pas d’autres réclamations après avoir accepté cet argent.
Des questions se posent aujourd’hui sur la manière dont cet exercice a été mené. Des gardes-pêche avancent que le ministre a dit que ses officiers ont fait leurs calculs selon les prises enregistrées. « Or, cela fait longtemps qu’on ne peut plus enregistrer les prises, par manque de personnel. De quelles prises parle-t-il donc ? »
La question se pose d’autant plus pour les pêcheurs sans carte. On sait qu’ils sont 400, de la région allant de Trou-d’Eau-Douce à Mahébourg, à avoir bénéficié de la Wakashio Solidarity Grant. Encore une fois, les gardes-pêche se posent la question de savoir comment on a procédé pour déterminer s’il s’agissait de Genuine Fishermen, puisqu’il n’y avait pas de Monitoring.
Au terme des procédures d’usage, relatent-ils, chaque pêcheur qui sort en mer doit déclarer ses prises au débarcadère de la localité lorsqu’il rentre. « Là, on procède à la pesée, que ce soit pour les pêcheurs avec ou sans carte. Il y a une Top List qui est faite pour les pêcheurs sans carte. Ceux qui ont enregistré le plus de sorties et le plus de prises, pendant une période de six mois au moins, sont généralement les premiers à obtenir une carte lors de la distribution. Mais une fois de plus, cela n’avait pas été fait. Comment donc a-t-on fait pour décider qu’il y avait 400 pêcheurs sans carte qui méritaient d’avoir l’allocation du Wakashio ? » se demande-t-on.
Alors que les demandes avaient été faites dans les différents postes de fisheries de la région Sud-Rst, c’est le ministère qui a décidé qui devait être sur la liste ou pas. Les gardes-pêche ne passent pas par quatre chemins pour dire qu’il y a bien eu des abus à ce sujet. « En principe, c’est nous qui devons dire si la personne est un Genuine Fisherman ou pas. Mais nous n’avons pas eu notre mot à dire. »
Ce manque de contrôle amène les gardes-pêche à dire : « il y a des gens qui travaillent comme chauffeur de van, comme Attendant à l’école primaire ou même policier qui ont bénéficié de l’argent du Wakashio. Ce qui se passe, c’est que ces personnes avaient un permis de banian, mais ils n’opéraient plus en tant que tel. Il y a même des familles avec plusieurs membres parmi les bénéficiaires. »
Ces gardes-pêche se demandent maintenant comment le ministère va procéder pour distribuer les 500 cartes promises à de nouveaux pêcheurs. « On a annoncé 500 cartes pour toute l’île. Étant donné qu’il y a déjà 400 pêcheurs amateurs qui ont été reconnus dans le Sud-Est, cela voudra-t-il dire qu’il n’en restera que 100 pour les autres régions ? » Ils avancent également : « Nous laissons le soin à cette haute personnalité de dire combien de fois elle est intervenue pour faire ajouter des noms sur la liste. Un jour, il y a un officier des fisheries de la région Est qui a dû se déranger pour aller déposer un formulaire à Port-Louis.»
Ils parlent également de la facilité avec laquelle on peut obtenir un permis de banian. « On peut en faire une demande à n’importe quel moment et les conditions sont obsolètes. À titre d’exemple, il faut la signature de trois pêcheurs qui confirment qu’ils vont vendre leurs prises avec le banian. Or, il y a des pêcheurs qui ont signé pour dix banians… » De plus, ajoutent-ils, le permis ne coûte que Rs 200 par an et est donc abordable à tous. « Il y a des gens qui ont obtenu le permis de banian en 2020 et ont bénéficié de l’argent du Wakashio en 2021. »
Les pêcheurs et les banians ne sont pas les seuls à avoir touché gros suivant la marée noire du Wakashio. Certains propriétaires de bateaux ont bénéficié de contrat pour ramasser les déchets, lors du nettoyage. Selon les gardes-pêche, le coût est de Rs 10 000 par jour. Un habitant de la région est, lui, a bénéficié du contrat pour nettoyer les bouées qui délimitent les zones dans la mer. « Y a-t-il eu des tenders pour cela ? »
La situation est telle, aujourd’hui, ajoutent les gardes-pêche, qu’il y a même des personnes qui demandent, quand on aura un autre Wakashio. Les Fisheries Protection Officers, qui ont été au four et au moulin pendant tout ce temps pour assurer toutes les procédures, souvent sous pression, n’ont pas reçu un sou de plus. Pourtant, disent-ils, lors du naufrage du MV Benita, ils avaient bien été récompensés pour leur contribution dans la gestion de la catastrophe.