Virginie Orange, une habitante de Mahébourg, a été la première femme à Maurice à exercer le métier de skippeur. Elle avait fait ses débuts en 2000 à Blue-Bay, à bord du bateau de son père Jocelyn, baptisé « Totoff », un bateau en fond de verre. Depuis, père et fille font balader quotidiennement Mauriciens et étrangers qui souhaitent découvrir l’un des plus beaux sites de “snorkelling” de l’île Maurice. Selon elle, « on aurait pu éviter l’échouage ».
Virginie Orange explique que « le métier de skippeur est passionnant. Je découvre chaque jour des espaces marins. J’ai beaucoup appris avec les touristes, des océanologues et des botanistes que j’ai rencontrés pendant toutes ces années ». Elle dit en garder beaucoup de souvenirs, précisant que le plus dur, après 20 ans dans le métier, c’était le jour où elle avait appris que le MV Wakashio avait fait naufrage au large de Pointe-d’Esny. « Nous étions mobilisés, skippeurs, pêcheurs, plaisanciers, les gens de la mer, pour essayer de protéger notre lagon touché par la marée noire dès le début de la catastrophe. Nous n’avions pas le choix. La mer, c’est l’endroit où nous allons chercher chaque jour notre pain quotidien », dit-elle.
Virginie ne travaille pas depuis le déversement de l’huile lourde dans le lagon et elle fait part de son inquiétude quant à son avenir. « J’ai appris le métier de skippeur seulement depuis mon enfance. Rien d’autre », souligne-t-elle. Elle ajoute : « Je ne dirais pas que l’échouage de Wakashio est dû à la négligence, mais je dirais qu’on aurait pu l’éviter si les autorités avaient réagi plus tôt. »
Depuis la catastrophe, Virginie a rejoint le Comité Plaisanciers Sud-Est Wakashio (CPSEW), qui regroupe que des plaisanciers du sud-est et dont le président est Tony Apolon. L’objectif est de négocier avec Soodeer Maudhoo, le ministre de la Pêche, pour l’obtention d’une Wakashio Survival Allowance (WSA). « Nous avons appris qu’une somme de Rs 10 200 nous sera proposée comme salaire. Personne n’est venu nous rencontrer pour discuter et voir comment on gagne notre vie chaque jour. Personnellement, je suis très intéressée à connaître les conclusions du rapport du naufrage dus Wakashio et sur quels critères se basent les autorités pour avancer ce chiffre de Rs 10 200 dans le cas des plaisanciers. Nous payons la Tourism Authority (TA) et la taxe. J’ai travaillé pendant 20 ans et ce n’est que l’année dernière que j’ai pu faire l’acquisition à crédit d’un véhicule pour ramener mon bateau lorsqu’il y a un mauvais temps », explique-t-elle.
Selon certains experts, dit-elle, il faudra compter jusqu’à cinq ou dix ans pour compléter les travaux de réhabilitation du lagon. « Que se passera-t-il en attendant ? Sans compter la période de confinement où nous n’avons pas travaillé », poursuit-elle. Virginie estime que les autorités doivent impérativement rencontrer les membres du CPSEW pour négocier et trouver des alternatives en attendant les jours meilleurs. « Il y a trop de flous autour de cette situation. Dans mon cas, par exemple, il n’y a que le métier de skippeur que j’ai appris depuis mon enfance, et ce sera difficile pour moi de me recycler », soutient-elle.
Notre interlocutrice suggère donc aux autorités de « veiller scrupuleusement » sur le parc marin de Blue-Bay qui, selon elle, « pourrait être affecté » malgré les barrages additionnels. « Bann finn tras idrokarbir ti aparet Parc Marin », insiste Virginie, qui, pendant de longues années, a travaillé dans ce lagon. « Pa pou kapav ena kontrol lor lanatir a 100%. Li pou repran so drwa », soutient-elle.
Pour rappel, des techniciens grecs, spécialistes dans la pose de barrages, étaient à l’œuvre mercredi dernier dans le lagon du parc marin. Ils ont placé des barrages additionnels pour empêcher la propagation de l’hydrocarbure, mais des traces d’huile ont quand même été enregistrées dans le lagon, alors que des analyses effectuées « ont révélé qu’il n’y a aucune trace d’hydrocarbure ». Autre préoccupation de Virginie, c’est la partie de sable, remuée dans le lagon, et les effets que l’hydrocarbure. « Les experts ne doivent en aucun cas négliger cet aspect », suggère-t-elle.
Une bouteille à la mer
En 2004, Virginie avait écrit à Tony Goodyear, un Sud-Africain, pour lui annoncer qu’elle avait découvert son message dans une bouteille. Le message se lisait ainsi : « If anybody finds this note in the bottle, please get into contact with me, telling me the date and where you find it. » Quelques jours plus tard, Virginie avait répondu à Tony en ayant en tête que cette démarche pouvait être l’œuvre d’un plaisantin., mais elle s’était trompée. Sa lettre avait bel et bien atterri dans la boîte aux lettres de Tony, qui l’avait fait savoir qu’il avait bien reçu sa lettre. « Many thanks for your letter, saying you received my note in the bottle and replying to it », avait-il répondu. Virginie fervente écologiste fait de son mieux pour conscientiser les jeunes à garder propre et protéger le parc marin.