À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, célébrée le 25 novembre, Le-Mauricien a rencontré Harsh Dakshesh Dabidin, qui a assumé le rôle de Premier ministre du National Youth Parliament 2023. Ce jeune Mauricien engagé livre ses réflexions, teintées d’espoir et de lucidité, sur le rôle fondamental que chacun peut jouer dans ce combat vital à Maurice.
« La violence envers les femmes transcende les individus ; elle ébranle notre humanité même. Qu’il est déchirant de voir celles qui insufflent la vie, ces piliers de l’existence, subir la violence de ceux qu’elles ont aimés ! », déplore Harsh Dabidin.
« Nous nous trouvons à un moment crucial dans l’éradication de ce fléau. Selon l’Organisation des Nations unies, près d’une femme sur trois subit des violences au cours de sa vie. Plus alarmant encore : en 2023, toutes les dix minutes, une femme a été assassinée par un partenaire ou un membre de sa famille. Ces chiffres révèlent l’ampleur de l’horreur dans un monde qui se prétend civilisé », déclare Harsh. Certaines, prisonnières de relations abusives, demeurent liées à leur agresseur par une dépendance financière, ou paralysées par la crainte du jugement ou du rejet de leur entourage.
« L’indifférence de la société, et parfois même celle des proches, contribue largement à la perpétuation des violences faites aux femmes », affirme Harsh. « Lorsque l’abus survient, le silence et le jugement qu’elle subit brisent davantage la victime. Ceux qui devraient être son refuge – famille, amis, collègues – ignorent souvent sa souffrance ou, pire, la culpabilisent. »
Harsh Dabidin met en lumière la détresse des victimes abandonnées après avoir osé dénoncer les abus : « C’est une double peine. Non seulement elles subissent la violence, mais elles se heurtent aussi à un système souvent lent, défaillant et incapable de leur offrir le soutien essentiel dont elles ont besoin. Les blessures profondes infligées à une femme vont bien au-delà des atteintes physiques, ébranlant souvent le cœur même de son identité et de son âme », confie Harsh.
« Lorsqu’une mère souffre dans le mutisme, les répercussions émotionnelles et psychologiques ne s’arrêtent pas à elle », ajoute Harsh. « Les enfants qui grandissent dans un tel climat sont exposés à la peur, à la tension et à l’absence de soutien affectif, ce qui freine leur développement émotionnel et leur bien-être. Le traumatisme s’inscrit dans une spirale intergénérationnelle : les enfants portent le poids émotionnel de la souffrance de leur mère, affectant leur croissance, leurs performances scolaires et leurs interactions futures. Ces jeunes âmes sont marquées par cette violence latente. »
Harsh Dabidin attire également l’attention sur une dimension souvent négligée de la violence envers les femmes : son impact économique. « Au-delà des ravages humains et sociaux, ces violences laissent une empreinte financière considérable », explique-t-il. « Les coûts directs incluent les soins médicaux, les services juridiques et les dépenses liées à l’application de la loi. Mais les répercussions indirectes, comme la perte de productivité et les conséquences économiques à long terme pour les survivantes, amplifient encore le poids de ce fléau. Selon une étude menée en 2015, la violence envers les femmes représente environ un coût de 1% du Produit intérieur brut annuel d’une économie. Ce chiffre illustre une vérité incontournable : combattre ces violences n’est pas seulement une question de droits humains, mais aussi une nécessité économique, une pierre angulaire pour assurer le développement et la prospérité des sociétés. »
Pour de nombreuses survivantes, la police reste souvent leur unique recours. « Cela ne suffit pas », insiste Harsh. Il critique également les refuges temporaires, qu’il estime être une réponse incomplète : « Les refuges ne sont pas une solution durable. Ce sont les agresseurs qui doivent être punis. L’impunité ne doit jamais être tolérée, car sans une justice ferme, les lois perdent leur effet dissuasif. Il est impératif que nous donnions aux femmes, dès le plus jeune âge, les moyens de se protéger et de se construire. »
Harsh Dabidin met en avant des propositions concrètes. La prévention, selon lui, repose avant tout sur l’éducation et la socialisation. Dès l’enfance, il est essentiel d’apprendre le respect mutuel et de reconnaître les comportements inacceptables. « En instaurant l’empathie et le respect au sein du foyer. » Il faut aussi rendre accessibles des cours d’autodéfense dès l’enfance, afin que les jeunes filles acquièrent des outils pour se protéger et une confiance qui peut transformer leur quotidien. On peut mettre sur pied des groupes de soutien dédiés aux survivantes de violences psychologiques, souvent ignorées. Et des programmes d’aide financière, afin de permettre aux survivantes de retrouver leur autonomie et de reconstruire leur avenir.
« Les lois existent, mais leur application reste trop souvent lente et inefficace », dira Harsh. Ce dernier insiste sur la nécessité d’accélérer les processus judiciaires et de renforcer les sanctions contre les agresseurs afin de garantir « une justice véritable et dissuasive ». Selon lui, la lutte contre la violence nécessite une mobilisation collective et des actions concrètes pour garantir un réel changement sociétal. « La violence contre les femmes est une trahison de notre humanité », conclut Harsh.