VIH et IST : l’Océan Indien face à une remontée

Il y a certes eu des avancées, mais depuis quelques années, une reprise des infections au VIH et des Infections Sexuellement Transmissibles (IST) est observée au sein des îles de l’Océan Indien. Ensemble, les experts de la région étudient la situation pour tenter d’y apporter des réponses en considérant les nouvelles méthodes et moyens disponibles. Ils sont réunis à Tana, Madagascar, du 22 au 24 octobre, dans le cadre de la vingtième édition du Colloque VIH Océan Indien, qui a pour thème : « Le VIH dans l’océan Indien : résilience, collaboration régionale et innovation dans la lutte. »

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Les représentants de Maurice, Rodrigues, Seychelles, Madagascar et La Réunion, qui ont présenté les situations et tendances épidémiologiques, arrivent au même constat. La région a connu des avancées significatives dans la lutte et dans la prise en charge des patients. Mais les courbes qui étaient descendantes tendent désormais à remonter, indiquant une hausse des nouveaux cas de VIH et d’IST dans leurs pays respectifs. À Maurice, la tendance se confirme, avec 274 nouveaux cas de VIH enregistrés de janvier à juin 2024. En 2023, 61,3 % des infections étaient liées à des rapports sexuels non protégés chez les hétérosexuels. Par ailleurs, 28,3 % des infections provenaient du partage de seringues. À Rodrigues, où l’on enregistre 10 à 15 nouveaux cas par an, 59 % des infections sont d’origine sexuelle. À La Réunion, ce chiffre s’élève à 74 %.

Les Seychelles et Madagascar font des observations similaires. La résilience, la collaboration régionale et les innovations doivent permettre à la région d’avancer d’un pas commun pour renverser la tendance et atteindre les objectifs fixés pour 2030 afin de mettre fin à l’épidémie. Cependant, la majorité des pays restent loin du compte, car plusieurs personnes infectées ne sont toujours pas dépistées. De plus, parmi celles qui le sont, beaucoup n’intègrent pas les systèmes de santé, et d’autres ne suivent pas leur traitement correctement. Ces sujets seront discutés lors du colloque qui réunit des scientifiques, des politiciens, des organisations civiles de la région dont PILS, CUT et AILES, pour Maurice. Leurs représentants feront aussi des présentations pour parler de la situation et contribuer à la réponse. « Les mauvaises politiques et la stupidité tuent plus que le VIH. Le VIH n’est pas uniquement une question de santé, c’est avant tout un enjeu de développement », déclare le Dr Jude Padayachy, directeur pays de l’ONUSIDA pour les îles de la région. Pour le Dr Catherine Gaud, initiatrice du colloque et de la coopération régionale dans la lutte : « Beaucoup a été fait, mais il reste encore beaucoup à faire. Il y a encore des femmes enceintes dans la région qui donnent naissance à des enfants positifs.

Certaines zones et certains enfants n’ont toujours pas accès au traitement. Il existe aussi un grave problème d’addiction qu’il faut aborder pour réduire les risques. » Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’ONUSIDA, souligne : « On observe dans la région un retour des nouvelles infections au sein de la population générale. Il faut reprendre le dessus, sinon la situation nous échappera. En plus de la prévention, du dépistage et du traitement, nous devons investir davantage dans la lutte contre le VIH et dans les systèmes de santé. » L’appel au soutien financier des bailleurs a été largement relayé lors de l’ouverture du colloque à Ivato. Mialy Rajoelina, Première Dame de Madagascar, l’a également mentionné dans son discours : « Le VIH n’est pas un sujet honteux. Nos cultures sont souvent des barrières à la lutte. Il faut adopter un esprit ouvert pour en parler, y compris dans les écoles. Sinon, cela alimentera la peur et la stigmatisation. »

La discrimination est encore une source de souffrance importante, comme l’a rappelé Isabelle Marie, représentante des personnes vivant avec le VIH dans la région et présidente du regroupement Ravanne+, qui célèbre ses 10 ans cette année : « Il faut rester vigilant sur la question des droits humains et lutter contre les tabous ainsi que la discrimination qui perdurent envers les PVVIH (personnes vivant avec le VIH) et les populations les plus exposées. »

Elle a aussi rappelé la contribution des personnes infectées dans la région, qui a permis de créer une réponse plus efficace au fil des années. D’où son appel pour que les PVVIH soient systématiquement incluses dans les décisions : « Rien pour nous sans nous. » Les injections préventives de longue durée et des systèmes de prise en charge plus efficaces sont des moyens que la région peut envisager pour renforcer son arsenal. Cependant, il faudra être ambitieux, faire preuve de leadership fort et afficher une volonté réelle de progrès. L’appel est lancé collectivement et résumé par les propos du Dr Catherine Gaud : « Tant que nous ne serons pas satisfaits, il ne faudra pas s’arrêter. Nous avons le devoir de mettre en place une aide régionale parce que nous nous connaissons et nous nous comprenons. »

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