Le Guide - Législatives 2024

Une semaine après : les Mauriciens qui fuient la guerre

Plus d’une semaine après le début des attaques russes sur l’Ukraine, des millions de réfugiés de guerre fuient encore. Week-End racontait la semaine dernière le périple de Mauriciens en zone de guerre. Et si aujourd’hui quelques-uns ont pu traverser la frontière ukrainienne et sont en route vers l’île Maurice, d’autres sont toujours coincés dans l’épicentre du conflit, notamment Shabnam, étudiante mauricienne en soins vétérinaires à Sumy, bloquée sur le campus avec ses deux animaux de compagnie qu’elle refuse d’abandonner.

- Publicité -

À la Sumy National Agrarian University (Ukraine)

Une étudiante mauricienne coincée sur le campus

« This night was the hardest in the entire history of our university. All infrastructure was blocked due to the lack of water, heat and light caused by the bombing of CHP and power plants. »

Elle a décidé de rester, car c’est en étant sur le campus, entourée de ses professeurs et de ses collègues qu’elle se sent le plus en sécurité. Shabnam est une étudiante mauricienne de dernière année en soins vétérinaires, à la Sumy National Agrarian University, en Ukraine. Elle fait partie des nombreux étudiants étrangers coincés dans la ville ukrainienne, à 40 km de la frontière nord-est actuellement encerclée par les troupes russes. Comme elle, les milliers d’étudiants coincés dans l’université demandent que les autorités mettent à leur disposition des transports sécurisés pour les évacuer, car à ce jour, il n’y a aucun transport disponible dans la région.

Jeudi, la ville de Sumy est encerclée par le bruit d’assourdissant de bombardements des forces russes. À la Sumy National Agrarian University, les professeurs et les étudiants se sont mobilisés pour se mettre à l’abri. Dans une publication sur Facebook que nous a transmise la mère de Shabnam, la direction de l’université où se trouve la jeune Mauricienne écrit un message poignant : « This night was or may not have been the hardest in the entire history of our university. All infrastructure was blocked due to the lack of water, heat and light caused by the bombing of CHP and power plants. Luckily we were able to get back up generators running and at least manage the water flow. In this war, animals suffer no less than us. »

L’université ukrainienne a publié sur Facebook les photos à l’intérieur du campus où tous se serrent les coudes pour préparer à manger et aider les étudiants étrangers qui ne peuvent aller nulle part

Elle remercie ainsi tous ceux qui, en ce moment, aident l’université à joindre les deux bouts. «We would like to thank the true patriots of the university who are keeping it working in this terrible time : cooking for our students, standing in line with them in bomb shelters, arranging grocery pickup, patrolling the buildings at night, helping with problems with electricity and water, milk cows and pinch chickens, support children psychologically… and still do a lot of things. Low bow to you all from Techpracívnik to Prorektora, from assistant to professor ! So proud of you guys ! Proud of our team ! Proud of our university ! »

La ville de Sumy, qui abrite quatre universités, a aussi fait l’objet d’un article sur le site d’information britannique The Guardian à cause des nombreux étudiants étrangers qui sont restés coincés sur le campus sur place, dont Shabnam. « Je ne peux pas décrire ce que je ressens en ce moment », nous confie la mère de Shabnam. Depuis une semaine, elle essaie de convaincre sa fille de rentrer, mais en vain. « Comme je vous l’avais dit la semaine dernière, elle ne veut pas abandonner ses animaux de compagnie et elle est persuadée qu’elle est le plus en sécurité en restant sur le campus », confie-t-elle la gorge nouée. L’étudiante en soins vétérinaires est en contact permanent avec ses parents à Maurice, et les rassure du mieux qu’elle peut. « On s’est parlé ce matin, elle je sentais à sa voix, qu’elle était plus sereine », nous confie la maman.

En effet, comme dit plus haut, jeudi, la ville du Sumy est témoin de bombardements des forces russes. « Les étudiants sont alors descendus au sous-sol dans les bunkers et il n’y avait pas d’électricité. Je n’avais aucun contact avec ma fille et j’étais vraiment inquiète », confie cette dernière. Plus de peur que de mal, Shabnam finit par reprendre contact avec ses parents le lendemain, après que le courant a été rétabli. « Nous essayons de la convaincre de rentrer, mais elle insiste pour rester. Peut-être que nous ne comprenons pas bien ce qui se passe là-bas, et qu’elle, elle sait ce qui est mieux pour elle. »

Les étudiants sont pris en charge par les professeurs de l’université qui ont décidé de rester sur place

Shabnam est pour l’heure en sécurité à l’intérieur du campus, et a le soutien de tous les professeurs ukrainiens qui ont décidé de rester sur place. « Je demanderai aux Mauriciens de prier pour les Mauriciens là-bas, et pour que la situation s’améliore, car beaucoup de personnes y perdent la vie », nous confie la mère, qui lance aussi un appel à solidarité. « Je pense que cela aurait aussi pu aider les étudiants de la Sumy University si les autorités publiques et privées mauriciennes pouvaient aider d’une manière ou d’une autre, car nourrir toutes ces personnes, tous les jours, n’est pas une mince affaire. »


Kevin Allagapen et sa famille bientôt rapatriés

Le Mauricien Kevin Allagapen, sa partenaire d’origine ukrainienne et leur enfant seront bientôt rapatriés. C’est ce qu’a annoncé le ministre des Affaires étrangères, Alan Ganoo, vendredi, lors d’une conférence de presse. Il a aussi annoncé que les touristes ukrainiens bloqués à Maurice seront pris en charge et que leur visa sera étendu, jusqu’à ce que la situation se décante en Ukraine.

Sa vidéo avait ému les Mauriciens. Kevin Allagapen et sa famille pourront rentrer à Maurice, sains et saufs. Actuellement en Pologne chez des Mauriciens, ils ont passé ces derniers jours à fuir la guerre. « On a reçu la famille de Kevin Allagapen pour entamer les démarches de rapatriement et le billet d’avion a été validé pour lui. Pour sa partenaire d’origine ukrainienne et son fils, le Premier ministre a décidé de les laisser entrer », a déclaré Alan Ganoo. Il a aussi fait le point sur la situation des Mauriciens bloqués en Ukraine, dont les quatre étudiants : deux ayant pu aller en Angleterre avant le début des affrontements, l’une ayant décidé de rester sur le campus à Sumy et finalement Comal Luchun qui rentre aujourd’hui au pays.

Alan Ganoo a aussi indiqué qu’une dizaine de Mauriciens sont entrés en contact avec l’ambassadeur de Maurice en Russie, Chandan Jankee, qui est en contact permanent avec eux. Il y aurait ainsi une famille avec trois enfants, ainsi qu’un enfant de trois ans vivant avec sa grand-mère, et qui font des démarches pour rejoindre la frontière roumaine avant d’être rapatriés. Ses parents sont actuellement à Maurice. Alan Ganoo s’est voulu rassurant, rappelant que les autorités mauriciennes ici, en Russie et en Allemagne, font tout pour rapatrier les Mauriciens. En outre, concernant les touristes ukrainiens bloqués à Maurice, le ministre a confirmé que leur visa sera étendu compte tenu des circonstances, et que le gouvernement cherche en ce moment un logement décent pour les accommoder.


Kristina Prinko (Ukrainienne bloquée à Maurice) :

« Ma famille en Ukraine est toujours en vie et tient bon ! »

Kristina Prinko est originaire de Kiev, soit l’épicentre de la guerre. À Maurice depuis le 21 février, avec sa mère, sa tante et son petit frère de 4 ans, elle nous partage son histoire. « Nous sommes actuellement à Maurice et travaillons comme volontaires en ligne. Ma famille en Ukraine est toujours en vie et tient bon. Nos braves militaires font de leur mieux, mais il y a toujours des bombardements et les Russes sont partout, donc, tout le monde essaie de se réfugier à la maison. Je souhaite que tout cela soit bientôt fini », nous confie-t-elle. Actuellement à Pereybère, elle fait partie des touristes ukrainiens qui se sont retrouvés du jour au lendemain bloqués à Maurice. Avec l’aide de résidents ukrainiens, dont Liubov Harel, elle garde aujourd’hui espoir. « I would like to pass the message : Thank you very much for support. It’s really important that you help our Ukrainians here and support Ukraine. We all really appreciate your actions and your emotional support ! »


« Tout ce que vous avez entendu sur les cas de violence, c’est vrai ! »

Passer la frontière est une chose, mais encore faudrait-il avoir la bonne nationalité. Le monde est resté pantois devant les images de violence à l’égard des étudiants étrangers qui tentaient de passer la frontière. Des récits glaçants, notamment sur le site d’information franceinfo, qui publie les témoignages d’étudiants étrangers s’étant fait agresser ou recaler par le service des garde-frontières ukrainiens. D’ailleurs, Comal Luchun les confirme tous. Le jeune Mauricien a été témoin de ces actes inhumains, dans un contexte de guerre si difficile. « Tout ce que vous avez entendu et vu sur le racisme et les cas de violence, c’est vrai ! », confiait le Mauricien. « Si les étrangers interrogés n’ont pas tous eu de problèmes à traverser la frontière en raison de leur nationalité, plusieurs récits ont émergé de la part d’étudiants bloqués du côté ukrainien de la frontière. L’Union africaine a même dénoncé un traitement “inacceptable” et “raciste” pour les Africains. Certaines ambassades, comme celle de Côte-d’Ivoire, d’Afrique du Sud ou du Nigeria, ont envoyé des représentants sur place », indique l’article de presse de franceinfo.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -