Le décès d’un jeune travailleur indien en fin de semaine dernière, et l’opposition cette semaine du gouvernement à la demande de certains hôteliers d’engager de la main-d’œuvre étrangère, font sortir le syndicaliste Fayzal Ally Beegun de ses gonds.
« Ce gouvernement a comme priorité le développement du pays. Soit. Et pour ce faire, il ne peut compter que sur la main-d’œuvre locale, car dans la plupart des sphères prioritaires (construction, métro, boulangerie et pâtisserie, seafoods & alimentation, et même dans la santé, dans nos hôpitaux et cliniques), ce sont essentiellement des étrangers qui sont recrutés pour travailler. De plus, la majorité des jeunes Mauriciens ne veulent pas faire ces métiers : il faut donc se rabattre sur les étrangers. Si le gouvernement de Pravind Jugnauth veut réaliser ses projets et faire avancer le pays, il faut donc absolument qu’il revoie sa copie. »
De prime abord, estime le syndicaliste, « le gouvernement doit imposer le barème salarial minimal de Rs 18 000 à Rs 20 000 pour inciter un plus grand nombre de travailleurs étrangers, et arrêter avec le salaire de misère qui est proposé ».
Faisant remarquer que « ces travailleurs étrangers subissent eux aussi la cherté de la vie, et peut-être plus durement que nous », il dira : « Avec leurs maigres sous, quand ils ont enlevé ce qu’ils doivent contribuer pour leur logement et leur nourriture, qu’est-ce qui leur reste ? Quand nous allons faire nos courses, un billet de Rs 1 000 ne suffit pas à prendre ce qu’il faut. Maintenant, imaginez pour ces pauvres diables ! »
Dans le même esprit, il importe de « revoir toutes les conditions attachées avec leur venue au pays, à commencer par leur logement », dit-il.
« Mo krwar enn kantite Morisyen bliye enn zafer inportan : ces personnes font des sacrifices énormes. Elles quittent leurs familles et leur confort pour venir travailler ici, qu’il pleuve ou que le soleil de plomb leur brûle la peau. Oui, bien entendu, parce que les agents recruteurs et les employeurs leur promettent des salaires conséquents qu’ils n’auront pas dans leur pays. Mais ce n’est pas une raison pour les exploiter de la sorte ! »
Dans nombre de cas, ajoute le syndicaliste, « ceux qui sont employés pour le métro, dans les hôpitaux et les cliniques, les usines d’alimentation comme le Seafood, ainsi que dans les boulangeries, les heures de travail ne sont pas classiques », soit de 8h à 17h.
« Certains travaillent même “round the clock” ! Quant aux conditions de logement, les dortoirs sont dans la majeure partie des cas insalubres. Il n’y a que quelques-uns qui respectent comme il le faut les critères et où ces étrangers ne sont pas les uns sur les autres, comme dans des boîtes de sardines. »
Pour Fayzal Ally Beegun, « soit le gouvernement donne de bonnes conditions décentes à tous les travailleurs étrangers, en usant de son pouvoir auprès des employeurs du privé pour que ces critères soient respectés à la lettre, soit il continue d’agir comme “complice” de ceux qui, ici, pratiquent le trafic humain ».
Les rapports récurrents de Washington font état de ce fait, dit-il. Ajoutant : « Chaque fois, c’est le même refrain : le ministre du Travail en poste, quel que soit le régime en place, vient à la télé, explique que le gouvernement va changer les choses. Et puis, deux jours après, tout est oublié ! »
De même, note-t-il, « des employeurs et des agents recruteurs abusent de la confiance des travailleurs » et bafouent leurs droits. « Par exemple, en confisquant leur passeport. En ne leur donnant pas une copie de leur Work Permit et leur Resident Permit, pour qu’ils aient ces documents sur eux. Et plus important, aucune autorité n’avise ces travailleurs qu’il existe une Special Migrants Unit au ministère du Travail, où ils peuvent venir consigner des plaintes et demander des informations sur leurs droits, entre autres. » Fayzal Ally Beegun est d’avis que « ce détail devrait être noté sur le contrat de travail de la personne, au même titre que des numéros importants, comme la police, l’ambulance… »
Le syndicaliste n’épargne pas non plus les ambassadeurs : « Zot rol, se pa zis lev pavyon zour lindepandans zot pei ! Combien d’entre eux, représentant l’Inde, le Bangladesh et Madagascar, pour citer les pays qui comptent le plus d’ouvriers chez nous, se déplacent et vont rendre visite à ces travailleurs dans leurs dortoirs ? Combien interviennent quand ils entendent que des ressortissants de leurs pays ont été malmenés, maltraités et menacés de déportation ? »