Le couple Singh, Mavendra (Sherry) et Varsha, a été débouté en Cour suprême vendredi. Dans deux jugements séparés rendus par les juges Karuna Gunesh-Balaghee et Sulakshna Beekarry-Sunassee, mari et femme ont vu leur demande de judicial review être rejetée. Les juges ont statué qu’une demande d’information de la Mauritius Revenue Authority (MRA) en prélude d’une « tax assessment » d’un individu n’est qu’une étape dans la procédure sous l’Income Tax Act et ne peut être contestée par voie de judicial review, n’étant pas une décision finale. Ils ont aussi trouvé que le couple Singh n’avait pas d’arguable case.
Les demandes d’information concernent les périodes 1er juillet 2020-30 juin 2021, 1er juillet 2021-30 juin 2022 et 1er juillet 2022-30 juin 2023 pour Sherry Singh et les périodes s’étalant de 2019-2020 à 2022-2023 pour Varsha Singh. Dans une correspondance datée le 21 août 2023, la MRA voulait savoir de Sherry Singh et de la société Kingston View — société fondée par le couple Singh en mars 2016 et qui est propriétaire de leur luxueuse résidence qui se trouve au Bout du Monde à Ébène —, des informations par rapport notamment (a) aux comptes bancaires qu’ils détiennent à Maurice et à l’étranger ; (b) les intérêts que pourraient avoir Sherry Singh dans différentes entités, dont Gandora Consultancy FZ-LLC, domiciliée aux Émirats Arabes Unis et pour laquelle la MRA soupçonne l’ex-CEO de Mauritius Telecom d’être l’Ultimate Beneficiary Owner (UBO) et (c) les imports et exports effectués par l’ex-blue eyed boy et membre influent de Lakwisinn du MSM. Quant à Varsha Singh, la MRA voulait savoir (a) le nombre de comptes bancaires qu’elle détient à Maurice et à l’étranger ; (b) les biens immobiliers qui ont été acquis par elle ; et (c) le montant des dividendes qu’elle a perçus dans Gandora Consultancy FZ-LLC en tant qu’actionnaire de cette société.Les époux Singh avaient déclaré dans leur affidavit respectif que ces demandes d’information étaient illégales, irrationnelles, déraisonnables et enfreignaient les principes de justice naturelle.
UBO de Gandora Consultancy FZ-LLC
Par la voix de leurs hommes de loi, Me Urmila Boolell, SC, pour Sherry Singh, et Me Satyajit Boolell, SC, pour Varsha Singh, ils avaient demandé à la cour d’émettre plusieurs ordres, dont un annulant la décision de la MRA de leur demander lesdites informations. Sherry Singh était même allé jusqu’à déclarer que la MRA s’était embarquée sur une « far-reaching fishing expedition », alors que, dit-il, il faisait l’objet d’une chasse aux sorcières après avoir démissionné de son poste de CEO de Mauritius Telecom en juin 2022 et être tombé en disgrâce auprès du l’ancien régime de qui il était proche. Il avait qualifié la démarche de la MRA « d’oppressante ».
Quant à Varsha Singh, elle avait déclaré que son époux et elle ont fait l’objet de harcèlement de la part de l’ancien gouvernement depuis que ce dernier a quitté son poste de CEO de MT et critiqué ouvertement le pouvoir d’alors, dont le Premier ministre, Pravind Jugnauth. Elle en tient pour preuve une question de ce dernier lors d’une sortie publique, qui voulait savoir si Richmond Capital, une société qu’elle a incorporée en juillet 2009, avait utilisé des fonds d’origine douteuse pour l’acquisition d’une propriété qui appartenait à son épouse Kobita Jugnauth et à son beau-frère Sanjeev Ramdenee. Varsha Singh avait aussi relaté comment la Special Striking Team avait fait une descente à sa résidence au Bout du Monde et qui avait conduit à son arrestation et celle de son époux.
« No arguable case »
Après avoir écouté les arguments de la partie adverse, dont Me Shakeel Bhoyroo, Principal State Counsel, pour la MRA, les juges sont arrivées à la conclusion que non seulement le recours à une judicial review pour contester la demande d’information de la MRA était prématurée à ce stade — n’étant qu’une étape dans la procédure de « tax assessment » d’un individu et, donc, pas une décision finale qui peut être contestée par voie de révision judiciaire —, mais aussi que le couple Singh n’avait pas d’arguable case. Concernant Sherry Singh, la juges ont noté, par rapport à ses comptes bancaires, qu’il a omis de disclose deux comptes que la MRA affirme il détient à la banque Crédit Suisse et à la DBS de Singapour. Par rapport à ses intérêts dans différentes entités dont Gandora Consultancy FZ-LLC, dont il a déclaré n’avoir jamais entendu parler, les juges ont trouvé que cela ne pouvait être possible vu que son épouse, dans un échange de correspondance avec la MRA, avait déclaré percevoir des dividendes de cette société dubaïote en sa capacité d’actionnaire. En ce qu’il s’agit de ses imports et exports, la MRA relève des importations pour un montant de Rs 13M, chiffre que conteste Sherry Singh.
Quant à Varsha Singh, la MRA l’avait informée qu’elle n’était pas satisfaite de ses income tax returns pour les années mentionnées plus haut et que selon les informations à la disposition de l’institution, elle fait l’objet d’un assessment d’un montant total de Rs 40, 778, 618 réparti comme suit : Rs 8, 229, 464 (2019/2020), Rs 12, 627, 892 (2020/2021), Rs 11, 705, 643 (2021/2022) et Rs 8, 215, 619 (2022/2023). Elle avait aussi été informée que la MRA détient des informations qu’elle avait acquis une propriété située dans la Marina de Dubaï au coût de 3, 900, 000 de dirhams le 2 octobre 2019 qu’elle a par la suite revendue trois ans plus tard, soit le 17 octobre 2022.
Importantes sommes d’argent
La MRA l’avait enjointe de fournir des détails sur cette transaction et ses sources of funds.
De plus, des détails étaient recherchés sur d’importantes sommes d’argent déposées sur ses comptes dans différentes banques mauriciennes dont : 2, 590, 183 dirhams (≈ Rs 24, 632, 636 pour la période se terminant au 30 juin 2019) ; 5, 426, 618 dirhams (≈ Rs 58, 199, 073 pour la période se terminant au 30 juin 2020) ; 3, 090, 482 dirhams (≈ Rs 35, 200, 583 pour la période se terminant au 30 juin 2021) et 663, 091 dirhams (≈ Rs 8, 063, 183 pour la période se terminant au 30 juin 2022). L’attention de Varsha Singh avait aussi été attirée sur le fait qu’elle n’avait pas disclosed deux comptes bancaires que la MRA affirme elle détient à la DBS de Singapour et à la Ras Al Khaimah de Dubaï. Par ailleurs, le couple Singh avait plaidé que ces demandes d’informations étaient time-barred sous l’Income Tax Act, argument que la Cour suprême n’a pas retenu.
Pour toutes ses raisons, les juges ont rejeté la demande de judicial review de Sherry et Varsha Singh, ce qui signifie que, théoriquement, ils n’en ont pas fini avec leurs tracasseries avec la MRA, qui devrait continuer à les traquer. À moins que des forces occultes ne viennent à leur rescousse, Sherry Singh ayant ouvertement fait campagne pour l’Alliance du Changement aux dernières élections…