TRANSPORT EN COMMUN : Quelle direction prendre pour le Métro ?

Vers l’élaboration d’une feuille de route indiquant la batterie de mesures envisagées pour rentabiliser le projet

L’attention médiatique, au cours des prochains mois, ne sera pas uniquement focalisée sur les largesses dont ont bénéficiées certains proches de l’ancien régime et autres révélations glauques et croustillantes. Certains dossiers revêtant toute leur importance, à l’instar de la question de la destinée de Metro Express, devraient aussi défrayer la chronique. Les débats qui se sont développés au cours des dernières semaines, en partie par médias interposés, entre Osman Mahomed, ministre des Transports terrestres, et Georges Chung, l’un des initiateurs projet, autour de la rentabilité du métro ont été très instructifs, avec des points de vue divergents, laissant poindre la perspective d’une année très chargée pour le premier nommé, dont la déclaration faite à Week-End, selon laquelle l’extension du métro vers Côte-D’Or, La Vigie et le Nord de l’île ne sera pas d’actualité en 2025, a largement été commentée cette semaine sur la toile. Si de nombreux internautes sont d’avis qu’ « il n’est pas nécessaire que le métro soit rentable pour continuer à opérer », d’autres internautes penchent pour la fin de la gratuité pour les voyageurs étudiants et les personnes âgées, tout en augmentant le prix du ticket !

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Quel avenir pour le projet Metro Express, lancé officiellement en octobre 2019 ? La question demeure sur toutes les lèvres. Le sombre tableau brossé respectivement par le PM, Navin Ramgoolam, (dans son State of the Economy), son adjoint, Paul Bérenger, et le ministre de tutelle, Osman Mahomed, sur le bilan financier global des opérations, citant « un déficit annuel de Rs 300 millions, en sus des dettes s’élevant à Rs 17 milliards et une perte annuelle de Rs 65 millions en raison des voyageurs fraudeurs estimés entre 4 000 et 5 000 par jour », avait ouvert la boîte de pandore en ce qui a trait à la gestion des affaires sous l’ex-conseil d’administration de Metro Express Ltd (MEL), à laquelle s’est greffée la lettre anonyme adressée à la Financial Crime Commission (FCC) et au PMO, sur fond d’allégations de maldonnes financières au sein de l’entreprise. Ces éléments auraient valu leur pesant d’or dans la décision du gouvernement de confier au Public Sector Governance (OPSG) la prérogative de commanditer un audit financier et de gouvernance sous ladite administration et de mettre en veilleuse le projet d’extension de la ligne de chemin de fer vers les quatre coins de l’île.
Osman Mahomed devrait mettre à profit les prochaines semaines pour élaborer une feuille de route détaillée indiquant clairement les mesures envisagées pour rentabiliser le projet Metro Express en se fondant sur les ressources et potentialités financières disponibles, ainsi que les limites, obstacles et risques potentiels d’une entreprise dont les comptes n’ont pas été audités depuis 2021 ! Aucune information n’a cependant transpiré à ce stade quant au move du gouvernement s’agissant de l’une des 20 mesures phares de l’Alliance du Changement, à savoir la promesse du « Transport public gratuit pour tous », un item qui devrait intéresser les tandem Lesjongard-Duval à la rentrée parlementaire.

La question de la « rentabilité » revient en boucle dans ce dossier dont s’est emparé le PM adjoint, Paul Bérenger, qui avait affirmé, le 17 décembre, au Parlement, que « pour atteindre le seuil de rentabilité, le tarif maximal du Metro Express devrait être révisé à Rs 213, contre le tarif actuel de Rs 55 et qu’une telle augmentation ne pourra cependant être mise en œuvre, car cela signerait l’arrêt de mort du projet. » La parole des leaders de l’Alliance du Changement ainsi que celle d’Osman Mahomed, fondée sur des calculs et données chiffrées, a un poids considérable comme éclairage de la stratégie à adopter, sauf que Georges Chung, l’un des initiateurs projet, et l’ex-CEO de MEL, Dass Mootanah, qui avaient disparu des radars, ne l’entendent pas de cette oreille en contestant l’analyse faîtes par les deux premiers nommés. Dans une lettre ouverte adressée à Osman Mahomed, Georges Chung est catégorique : « MEL est déjà presque à la porte de la rentabilité opérationnelle, comme les Singapouriens l’avaient prévus. Seulement si elle pouvait se faire rembourser de juste manière et de se comporter comme les autres métros du monde par rapport à l’inflation de ses coûts. »

De quel remboursement parle Georges Chung ? Selon lui, « les dettes du Metro, qui n’auraient jamais dû se situer à Rs 17,2 milliards, car le ministère des Finances n’a jamais voulu pleinement rembourser la compagnie MEL suite aux diverses hausses de salaires que l’ancien gouvernement avait portant lui-même décidées. » Il ajoute que « malgré les nombreuses sollicitations de MEL, le ministère des Finances n’a jamais voulu rembourser dans la plénitude du coût du ticket par rapport au transport des étudiants et des seniors. Le manque à gagner se situe à plusieurs centaines de millions. MEL a emprunté du ministère des Finances ; ce qui aurait dû être un revenu ou un remboursement. C’est ajouter l’insulte à l’injure. Quant aux emprunts en capital, la dépréciation de la roupie a infligé une punition de plus de Rs 5 milliards dans les comptes de MEL par rapport à ces dettes. »

L’ex-CEO de MEL, Das Mootanah, qui a démissionné de ses fonctions le 26 juin 2024, assumant désormais le rôle de Director of Metro à la West Midlands Combined Authority (WMCA) en Angleterre, y est aussi allé de ses analyses sur sa page Facebook en soutenant que « la rentabilité ne pouvait être attendue immédiatement, surtout après la crise Covid-19 et l’inflation. Il n’est pas réaliste d’attendre qu’un tel projet soit autonome dès ses premières années d’exploitation. Le système atteint 80% de son point d’équilibre après un an de fonctionnement, un résultat jugé positif pour une infrastructure de cette envergure, en dépit de la gratuité offerte aux étudiants et aux personnes âgées »

Il ajoute que « malgré les difficultés financières, Metro Express représente un investissement à long terme pour le pays et ne doit pas être vu comme une simple dette à court terme. Tout le monde sait que les Rs 17 milliards représentent les dépenses en capital engagées pour construire l’infrastructure du métro et acquérir les véhicules légers. »
Sur les réseaux sociaux, où le pire côtoie le meilleur, la déferlante de réactions des internautes sur le site web du Mauricien en réponse aux propos du ministre Osman Mahomed liés au statu quo autour du prolongement des lignes est révélatrice de l’engouement que suscite ce moyen de transport depuis qu’il a été lancé il y a cinq ans. Si, à quelques exceptions près, tout le monde s’accorde à dire que « le métro est un moyen de locomotion qui facilite grandement la vie des Mauriciens », d’aucuns soulignent que toutes les rames qui se succèdent aux 19 stations jalonnant la ligne Curepipe/Port-Louis sont trop bondés aux heures de pointe et qu’« il serait grand temps d’obliger les retraités et les étudiants, voyageant gratuitement à leur guise, d’acheter un ticket aux heures de pointe. »

Une option qui devrait, ajoutent-ils, permettre à MEL de faire face au déficit opérationnel. Certains internautes proposent carrément de supprimer totalement la gratuité, voire d’augmenter le prix du ticket « pou fer fas ar realite ». L’option de la suppression de la gratuité tient-elle la corde ? Rien n’est moins sûr, même si elle devrait être au menu des discussions auxquelles pourrait prendre part le Dr Pradeep Mahesh Kumar Soonarane, nommé président à temps partiel du conseil de MEL, vendredi au Conseil des ministres, Ceux qui voyagent quotidiennement à bord des rames du métro savent pertinemment que les fraudeurs sont de plus en plus nombreux à déjouer le système de contrôle avant de voyager sans payer de ticket. « Ils sont partout, mais ils se fondent dans la masse. La forte promiscuité prévalant dans les rames aux heures de pointe est du pain béni pour les fraudeurs, dans la mesure où il est très compliqué pour les Ticketing Officers de se frayer un passage dans cette foule. D’ailleurs, je constate qu’ils sont de moins en moins présents, ce qui a donné le champ libre aux resquilleurs patentés », confie un passager. Osman Mahomed a lui-même dénoncé une « perte annuelle de Rs 65 millions en raison des voyageurs fraudeurs estimés entre 4 000 et 5 000 par jour. » Un tour de vis radical visant à mettre hors d’état de nuire ces fraudeurs patentés, parfois violents, est plus qu’urgent.

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