(Transparency International) Corruption : déficit de 13 points à combler pour Maurice

La note pourrait se révéler encore plus salée pour le prochain indice vu le poids de la St-Louis Gate et des Kistnen's Papers, pas comptabilisés pour l'indice de 53 obtenu par Maurice en 2020

L’analyse de Transparency International (TI) de l’indice de la perception de la corruption à Maurice pour 2020 n’est guère complaisante. Et ce, même si avec un score de 53, Maurice grimpe de la 56e à la 52e place. Et pour cause, la pratique veut que pour établir le classement d’une année à l’autre, Transparency International ne tient pas en ligne de compte les affaires ou les révélations des dessous corrupteurs survenus au cours du deuxième trimestre. Ainsi, le classement de Maurice pour 2020 ne tient nullement en considération les séquelles de la St-Louis Gate ou encore des Kistnen’s Papers portant sur des dépenses électorales illicites de L’Alliance Morisien dans la circonscription de Quartier-Militaire/Moka (No 8), avec le Premier ministre, Pravind Jugnauth comme un des trois candidats élus. D’ailleurs, le volet du financement des partis politiques fait partie des critiques formulées à la publication de l’indice de perception de la corruption pour 2020 en fin de semaine. Le communiqué ajoute également que « les événements des deux derniers trimestres de 2020 ne sont pas pris en compte dans la formulation de l’indice. Les affaires qui défraient l’actualité locale actuellement devront avoir des répercussions l’année prochaine ».

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Un premier constat de Transparency International est que Maurice accuse encore un déficit de 13 points par rapport à ce qui est présenté comme « l’objectif avoué du gouvernement, notamment que Maurice atteigne un indice de 66 ». À ce sujet, mention est faite officiellement qu’« il reste du travail à accomplir. Il est à noter que les récents évènements, dont l’affaire St-Louis, ne sont pas comptabilisés lors de cet exercice ». À ce jour,  Maurice occupe la cinquième place en Afrique sur l’indice de perception de Transparency International derrière les Seychelles, le Botswana, le Cap Verde et le Rwanda.

Pour les besoins de cette évaluation annuelle, Transparency International s’est appuyée sur six sources indépendantes, dont les indicateurs des conditions économiques et de risque 2019 de Global Insight, l’indice de transformation 2020 de Bertelsmann Stiftung, le service des risques 2020 de l’Economist Intelligence Unit, l’indice de l’État de droit de 2020 de World Justice Project, le Projet Variétés de démocraties (V-Dem v.10) de 2020 et l’enquête d’opinion 2019 auprès de cadres dirigeants du Forum économique mondial.

Eu égard à la situation dans le pays avec la sortie du confinement vers la fin du premier semestre de l’année dernière, Transparency International maintient que « le pays est actuellement à la croisée des chemins en ce qu’il s’agit de la gouvernance institutionnelle ». Indépendamment du fait si certains indicateurs internationaux, tels le World Bank Ease of Doing Business, le Global Competitiveness Index, l’indice de la gouvernance Mo Ibrahim ou le Forbes Survey of Best Countries for Business octroient de bonnes notes à Maurice, l’inclusion de Maurice sur la Grey List de la Financial Action Task Force (FATF) et de la Black List de l’Union européenne en matière de lutte contre le blanchiment de fonds et le financement du terrorisme est présentée comme un coup de semonce avec les autorités mauriciennes appelées à se ressaisir.

« On se dit qu’un pays ayant le rayonnement de Maurice, avec son niveau élevé d’alphabétisation et de connaissance académique et technique, n’aurait pas dû se retrouver sur cette liste. Les gouvernements successifs auraient dû adresser ces manquements depuis longtemps au lieu de se contenter de cocher des cases de façon béate. Et parlant d’une des faiblesses soulignées par le GAFI en ce qui concerne le Due Diligence par rapport au financement de la société civile, il est désespérant de voir que Maurice n’a pas cru nécessaire de légiférer par rapport au financement des partis politiques et politiciens ainsi que des associations socioculturelles », concède le communiqué officiel.

Poursuivant son analyse, Transparency International, qui suit la situation de près, n’y va pas de main-morte. Elle note que « la situation est préoccupante » et ajoute avec force que « la République fait face, aujourd’hui, à un déficit institutionnel du fait d’un népotisme désespérant mais parfaitement légal si l’on s’arrête à l’aspect procédural ». Le plein pouvoir accordé au Premier ministre et aux ministres de nommer au sein ou à la tête des institutions des personnes de leurs choix, sans aucune obligation de motiver leurs décisions est « singled out », tout en dénonçant la pratique des nominations politiques. « Le système démocratique avec les élections générales qui permet au peuple de choisir ses représentants a un objectif noble. Il ne faut pas qu’il soit instrumentalisé à des fins partisanes », déclare Transparency International.

Le recours des membres du gouvernement, avec le Premier ministre en tête, des plateformes socioculturelles pour répondre aux critiques ou pour donner leurs points de vue est pointé du doigt. « Qu’il s’agisse d’un réflexe défensif, d’une manoeuvre ou manipulation politique partisane ou un mauvais jugement, il ne faut pas oublier que les organisations socioculturelles sont grandement financées par le gouvernement. »

Un autre manquement d’envergure demeure l’absence d’une Freedom of Information Act en dépit du fait que Maurice a ratifié la Convention des Nations unies contre la Corruption, instance qui demande, entre autres, que les pays signataires légifèrent pour un ‘Freedom of Information Act’ et pour la criminalisation de la corruption au sein du secteur privé.

En conclusion, Transparency International ajoute que « pour que Maurice puisse réellement progresser, la recette est simple. Prendre une série de mesures courageuses dans le sens de la bonne gouvernance et laisser les institutions opérer en toute indépendance avec des personnes compétentes et passer des lois qui s’adressent à la libre circulation de l’information avec le principe du gouvernement ouvert, la protection des lanceurs d’alerte, le financement des partis politiques, la dotation de ressources et d’un pouvoir réel à l’Electoral Supervisory Commission et revoir le principe de nominations au sein des institutions et les corps para-étatiques ».

180 pays sont répertoriés dans la liste de Transparency International. En tête de la liste, on retrouve le Danemark et en dernière position se trouve le Soudan du Sud. Au niveau international, Transparency International met actuellement l’accent sur la corruption liée à la pandémie de la COVID. TI prône un renforcement des organes de surveillance; de garantir la transparence de la passation de marchés, de défendre la démocratie, et promouvoir l’espace civique, la publication des données pertinentes et de veiller à garantir leur accès. Il y a eu une hausse de la corruption et un recul de la démocratie dans plusieurs pays.

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