– Les petits établissements affirment éprouver des difficultés à remonter la pente
– Certains gros hôtels affichent des taux de remplissage supérieurs à la barre des 70%
– Manque de personnel dans le secteur de l’hôtellerie
La basse saison sera sans nul doute différente cette année. Après deux ans de pandémie, les données ont évolué. La reprise se fait lentement pour certains opérateurs et rapidement pour d’autres. Certains sont inquiets, d’autres confiants, arguant que la demande est là et que la destination démontre sa résilience. Mais là où tout le monde est d’accord, c’est sur l’aérien. Tous s’attendent que l’accès aérien soit amélioré dans les prochains mois pour atteindre la barre d’un million de touristes.
Mai à octobre ont toujours été les mois les plus durs pour le secteur touristique, avec la basse saison. Pendant cette période, le flux de clients étrangers chute et les hôteliers profitent d’ailleurs souvent de cette période pour effectuer des réaménagements ou rénovations, ou former leur personnel. Daniel Saramandif, président de l’Association of Tourism Professionals (ATP), explique : « pendant la basse saison, la majorité des Européens tendent à rester en Europe, où c’est l’été. C’est pour cela que nous devons miser à fond sur la clientèle régionale, notamment les Réunionnais. »
Toutefois, il souligne que cette année, il y a déjà un certain retard au niveau du marketing de la destination. « Depuis février, on avait parlé de One Mauritius pour soi-disant être plus agressif au niveau marketing. La MTPA essaie de faire son maximum, mais il n’y a pas de stratégie pour les court et moyen termes. On est déjà en juillet, est-ce maintenant qu’on va courir chercher des clients ? » se demande-t-il.
Le président de l’ATP déplore au passage le traitement réservé à l’association. « Jusqu’à l’heure, j’ai l’impression que le ministre de tutelle et la MTPA croient que parce que nous évoluons dans le domaine des petits et moyens hôtels, que notre esprit aussi est petit, que nous ne sommes pas en mesure de discuter du développement du secteur et qu’on ne peut pas apporter notre opinion », dit-il. Il soutient que les autorités ne doivent pas négliger les petits et moyens opérateurs, car ces opérateurs investissent leur argent et doivent être inclus dans les consultations au sujet de l’avenir de ce secteur.
Marketing plus agressif
Il s’inquiète en outre que de janvier à mai de cette année, le pays n’ait accueilli que 12 000 Réunionnais, alors qu’avant le Covid-19, « on en avait 40 à 45 000 ». Pour lui, le pays doit adopter une approche marketing plus agressive, notamment sur le marché réunionnais, un des plus importants marchés pour Maurice.
« Le gouvernement a alloué plus d’argent pour faire le marketing, et c’est bien. Ils ont parlé de stratégie à long terme, c’est bien aussi. Mais le marché est très volatil, et donc il faut aussi penser aux court et moyen termes. Voyons l’exemple des Seychelles et des Maldives; ils ont pu capitaliser sur le court terme et ils ont eu des touristes », fait-il comprendre.
Il note aussi que les membres de l’ATP « n’ont travaillé que 10 à 25% depuis la réouverture » et qu’ils sont encore en difficulté. « C’est plus difficile parce que le premier trimestre a été plus compliqué avec une reprise lente. On aurait dû faire plus d’efforts pour avoir davantage de clients. On nous dit ne pas nous comparer aux Maldives ou aux Seychelles, mais ce sont nos concurrents directs. Madagascar aussi fait des efforts, avec un marketing agressif, mais Maurice tourne en rond avec trois ou quatre personnes qui se réunissent pour prendre des décisions », regrette-t-il.
Un « boom » en basse saison
En revanche, pour d’autres opérateurs, la situation paraît plus clémente. « La reprise n’est pas si lente que cela. Pour tout redémarrage, on redémarre de zéro, et cela monte graduellement. Le nombre d’arrivées paraît lent, mais la croissance est assez forte, sachant que nous partons de zéro. Le taux de remplissage chez nous varie autour de 70% en moyenne depuis le début de l’année », explique un hôtelier.
Dans un autre hôtel de la côte Est, les signaux sont également positifs. « La basse saison n’est pas si mal à ce stade. Je dois dire qu’en termes de réservations, on n’est pas en retard par rapport à 2019. On revient Back to Normal, mais pour atteindre un chiffre global d’un million de touristes pour l’année, ce sera une autre histoire… Il faudra un meilleur accès aérien et davantage de sièges-avion sur les destinations stratégiques », avoue un haut cadre de cet établissement.
D’autres hôteliers contactés indiquent également ne pas être mécontents de la basse saison à ce stade. « Pour les mois de juin à août, nous sommes presque au même niveau que 2019. Nous ne pouvons pas nous plaindre que comparé aux Seychelles ou aux Maldives, nous avons rouvert nos frontières bien plus tard. »
Le challenge sera pour 2023
Mieux, dans certains hôtels, comme en témoigne le représentant d’un groupe, on relève un réel engouement de la part de la clientèle, et malgré la basse saison, ces établissements sont en plein boom, avec des taux d’occupation supérieurs à 80%, voire 90%, pour les trois à quatre prochains mois. Cette tendance est-elle temporaire ou va-t-elle durer ? Difficile à dire…
Tous les opérateurs plaident cependant en faveur d’un meilleur accès aérien, clé de voûte pour relancer véritablement le secteur après deux années de vaches maigres. « On sait qu’Air Mauritius opère moins d’avions, et donc il faut plus de vols des autres lignes aériennes, comme Emirates, Air France et British Airways » dit-on. « Il faut aussi une dynamique aérienne pour assurer une croissance soutenue. Avec le nouveau vol d’Emirates début juillet, on voit déjà que les réservations sont en hausse pour le mois de juillet. Ce deuxième vol augmente le volume de touristes sur Maurice, car la force de frappe commerciale d’Emirates est puissante », rajoute-t-on.
« À ce stade, je dois dire qu’on est en train d’avoir un bon Ramp up, et d’ici la fin année, on ne sera pas loin du million de touristes. Le véritable challenge sera pour 2023, car il y aura plus de pays concurrents, comme ceux d’Asie, et nous devrons tout faire pour rester sur une tendance haussière. Cette année, beaucoup de personnes veulent voyager, car ils ne l’ont pas fait pendant deux ans. Et donc, la reprise est là. Mais l’année prochaine sera un autre cas de figure qu’il faudra affronter, d’autant que nous ne savons pas ce que nous réservera l’économie mondiale », affirme-t-on.
Ne pas attendre la demande
Les observateurs reconnaissent cependant que la situation est plus compliquée actuellement dans les plus petits établissements, contrairement aux hôtels 5 étoiles – où la reprise s’est faite plus rapidement, et aux 3 et 4 étoiles, où la reprise se fait actuellement très clairement. « C’est vrai que les plus petits établissements et les Airbnb, etc., font face à des difficultés pour remonter la pente, sans doute à cause de la baisse du pouvoir d’achat de certaines catégories de clients. Et le gouvernement pourrait leur donner un coup de main », dit un spécialiste du secteur.
Quoi qu’il en soit, tous les opérateurs sont dans le même bateau et veulent qu’Air Mauritius reprenne du poil de la bête, car la ligne nationale a un avantage certain comparé à Emirates grâce à ses vols directs, même si la ligne nationale pratique des tarifs « un peu plus cher » qu’Emirates. « Si on veut atteindre un million de visiteurs, il ne faut pas attendre que la demande soit là. Il faut que la capacité aérienne soit là, les lignes aériennes doivent jouer le jeu et augmenter leur capacité. Les sièges d’avion doivent être là pour que les touristes viennent » , maintient-on.
« Nous n’arrivons pas à remplir les postes vacants »
Divers opérateurs contactés disent la même chose : ils notent un désintéressement de la part des jeunes pour les métiers de l’hôtellerie, et aussi des employés qui recherchent une meilleure qualité de vie à travers une meilleure Work Life Balance”.
« Je pense que c’est une problématique mondiale, et Maurice est aussi affectée. Nous recherchons en permanence du personnel et nous n’arrivons pas à remplir tous nos postes vacants. Les bateaux de croisière ont aussi repris leurs opérations et, avec cela, leurs recrutements en masse. Nous nous devons de revoir notre offre et notre manière d’opérer. Nous essayons donc d’offrir plus de flexibilité aux jeunes à travers de la formation et des offres à temps partiel afin d’être le plus attrayant possible », déclare un hôtelier. Il estime cependant que le gouvernement doit faciliter le recrutement de la main-d’œuvre étrangère dans certains corps de métiers où l’on peine à recruter.
Même son de cloche du côté d’un directeur d’établissement situé dans le nord du pays. « Il y a un gros manque de main-d’œuvre qualifiée actuellement. Tous les hôtels ressentent cet impact, car de plus en plus, les jeunes partent pour les croisières, qui sont plus lucratives. Le travail dans les hôtels n’attire pas les jeunes actuellement. Ils ne veulent pas faire de longues heures de travail et veulent une grosse rémunération. Cela va devenir un gros problème si rien n’est fait pour eux », dit-il.
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De janvier à juin, 500 775 passagers débarquent au SSRIA
Le décompte officiel des passagers débarquant au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport donne 500 775 pour la période de janvier à juin de cette année.
Ces données se répartissent comme suit
janvier: 53 560
février: 63 636
mars 84 398
avril: 108 543
mai: 100 177
juin: 90 371 (chiffres préliminaires)