Mettre en pratique la dignité pour tous. Le thème 2022 de la Journée mondiale de l’élimination de la pauvreté nous amène à ce constat : la difficulté accrue pour les plus pauvres de voir leurs droits fondamentaux respectés en ces temps difficiles appelle à davantage d’efforts de part et d’autre, que ce soit de l’État, des Ong ou des instances religieuses. Cassam Uteem, ex-président de la République, connu pour son engagement dans la lutte contre la pauvreté, et ancien président du mouvement ATD Quart Monde, rappelle que « le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté se chiffrait à près de 720 millions à la fin de l’année 2020, soit 70 millions de plus en une année ». Ce qui rend, dit-il, quasi impossible le premier objectif des ODD pour l’élimination de la grande pauvreté d’ici 2030. L’ancien président ne joue pas dans l’euphémisme : « La réalité sur le terrain est effarante. Le nombre de SDF dormant à la belle étoile ou dans des abris de fortune est en hausse, de même que ceux qui mendient dans les rues du centre-ville ou la nuit près des restaurants. » Tout en soulignant que la manière dont les familles en situation de pauvreté sont traitées « est un indicateur du respect de la dignité humaine dans une société », il fait ressortir que pour réduire les inégalités sociales, il faut surtout de la bonne volonté politique.
Gérard Mongelard, prêtre et membre de Drwa A Enn Lakaz, dresse un constat « alarmant » de la pauvreté dans le pays. « Quand je vois comment les personnes pauvres sont traitées, je me dis que leur dignité est niée et non respectée. » Il se désole de voir « tous ces développements qui défilent sous nos yeux et la grande pauvreté des familles qui luttent depuis des années pour avoir ne serait-ce qu’un toit décent sur leur tête ». Il s’attriste que certains se « remplissent les poches à tout prix alors que les pauvres n’ont même pas des miettes… » Et de nous bousculer ainsi : « Allez voir comment des personnes vivent avec l’augmentation du coût de la vie ! Pendant ce temps, certains vivent dans l’opulence avec de l’argent sale. » Le prêtre ajoute : « Nous avons tous un cœur, et si ce cœur pouvait ressentir la souffrance des laissés-pour-compte et se laisser attendrir, la face du monde changerait. »
Reaz Chuttoo, de la CTSP, syndicat affilié à l’ATD Quart Monde, met en relief la nouvelle réalité en Angleterre : « Le nombre de banques alimentaires a dépassé le nombre de succursales de Mac Donald’s. Il serait irréaliste de dire qu’on pourra éliminer la pauvreté. » Pour le syndicaliste, la crise économique est une raison de plus pour le gouvernement d’être davantage présent, « car nous subirons une dégradation qualitative de l’emploi ». La situation, prévoit-il, s’aggravera à Maurice, « parce que la demande pour employer les étrangers augmente, au détriment des employés mauriciens ». Et l’exploitation de travailleurs étrangers est pour lui la source principale de l’appauvrissement de la population. « Une récession profite aux capitalistes, car la demande pour l’emploi augmente. Les entreprises ont ainsi tendance à licencier pour recruter sur le salaire minimum. »
CASSAM UTEEM (Engagé contre la pauvreté) :
« La réalité sur le terrain est effarante »
Le 17 octobre sera célébrée la Journée mondiale pour l’élimination de la pauvreté. Votre constat sur la pauvreté à Maurice depuis la pandémie ?
Comme partout à travers le monde, à Maurice aussi la pauvreté a augmenté suite à la pandémie. La grande pauvreté également. La Banque mondiale n’a pas manqué de tirer la sonnette d’alarme devant le constat accablant du nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté, qui se chiffrait à près de 720 millions fin 2020, soit 70 millions de plus en une année. La guerre en Ukraine, après la pandémie, pourrait encore renforcer la grande pauvreté. Avec pour résultat qu’il serait quasiment impossible d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés en 2015 lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment l’élimination de la grande pauvreté d’ici 2030.
La Banque mondiale, dans un rapport en date du 9 mai 2022, annonce qu’à Maurice, en raison de la contraction spectaculaire du PIB en 2020, « la pauvreté aurait augmenté de plus de cinq points en 2020, avant de baisser de plus d’un point en 2021 ».
Au-delà des chiffres, la réalité sur le terrain est effarante. Les demandes d’aide alimentaire auprès des associations caritatives affluent et ne peuvent toutes être satisfaites. La distribution des repas aux familles vivant dans la pauvreté dans certains quartiers populaires, grâce au bénévolat et à l’apport de quelques mécènes, est devenue un élément de la vie quotidienne de ces quartiers. Le nombre de SDF dormant à la belle étoile ou dans des abris de fortune est en hausse, de même que ceux qui mendient dans les rues du centre-ville ou, la nuit, près des restaurants. Le constat est somme toute affligeant.
Le thème de la Journée 2022 est “Mettre en pratique la dignité pour tous”. De quelle manière ce thème vous interpelle-t-il ?
La manière dont les familles en situation de pauvreté sont traitées est un indicateur du respect de la dignité humaine dans une société. Celles qui souffrent de l’exclusion, et dont les enfants font souvent l’objet de discrimination en milieu scolaire, éprouvent de la honte et se sentent humiliées. Leurs droits sont bafoués et leur dignité piétinée. Prenons un exemple : celui du traitement accordé aux familles victimes de cyclones ou d’inondations, qui doivent chercher abri dans des centres de refuge. Pour pouvoir bénéficier d’une allocation, à laquelle elles ont droit, quelle humiliation n’ont-elles pas à subir ? Des attentes interminables aux postes de police, avec des bébés souvent allongés à même le sol, pour prouver leur situation de sinistrés, due soit au cyclone ou à l’inondation, et obtenir le “voucher” que le préposé à la sécurité sociale exige avant de leur remettre, au bout d’une pénible journée, une allocation qui ne représente qu’une bouchée de pain. Ce traitement humiliant infligé à ces familles est indigne d’une société civilisée, et le thème de la Journée mondiale du refus de la misère, cette année, exige de nous d’y mettre fin immédiatement.
L’Onu note que depuis la pandémie, « alors que des millions de personnes luttent contre l’érosion des droits des travailleurs et de la qualité de l’emploi, le pouvoir des entreprises et la richesse de la classe des milliardaires ont enregistré une augmentation sans précédent ». Que faut-il pour réduire ces inégalités ? De la bonne volonté et de bonnes décisions ?
Les deux, mais surtout une volonté politique. Le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, lors de la présentation du 3e rapport du Global Crisis Response Group, le 3 août , nous a indiqué la voie à suivre. Il n’a d’ailleurs pas mâché ses mots à l’encontre des compagnies pétrolières, qui font des “excessive profits” au détriment des peuples et des communautés les plus pauvres. Selon le rapport, les profits réalisés par les grosses entreprises énergétiques y compris les grandes compagnies pétrolières, au cours du premier trimestre de cette année sont de l’ordre de USD 100 milliards. Antonio Guterres en a profité pour faire un appel pressant à tous les gouvernements pour prélever une taxe sur ces “excessive profits” afin de venir en aide aux peuples les plus vulnérables, au moment où ils traversent des moments difficiles.
La pandémie a-t-elle entraîné une nouvelle configuration de la pauvreté, les pauvres basculant dans l’extrême pauvreté et une partie de la classe moyenne devenant de nouveaux pauvres ?
En effet. La dépréciation constante de la roupie a accentué l’inflation, rendant les produits de base hors de portée des familles aux revenus modestes et celles au seuil de la pauvreté. Celles-ci ont vu leur pouvoir d’achat diminuer drastiquement, et elles ont, comme vous dites, basculé dans l’extrême pauvreté. La classe moyenne, elle, ne sait où donner de la tête, surtout ceux qui, comme ces employés d’Air Mauritius, ont été forcés à la retraite anticipée, avec une maigre pension. Ou ces parents qui ont des enfants qui, étudiant à l’étranger, et ceux devant rembourser des dettes. Sans la solidarité familiale chez les uns et l’esprit de débrouillardise et d’initiative chez les autres, nous aurions vécu des drames humains sans précédent.
Les pauvres sont confrontés à un autre problème aujourd’hui : le changement climatique les rend encore plus vulnérables, car étant plus exposés aux catastrophes naturelles…
Le changement climatique accentuera davantage la crise, qui fera basculer, selon des experts, plus de 130 millions de personnes dans la pauvreté au cours des dix prochaines années. Cette crise est profondément injuste, car les personnes les plus pauvres contribuent le moins au changement climatique, mais sont les plus durement touchées. Le changement climatique complique donc la lutte contre la pauvreté, car les inondations, ici, ou la sécheresse ailleurs engendrent des dégradations irréversibles des ressources naturelles et des écosystèmes. Chez nous, une des mesures prioritaires devrait être la construction de logements convenables, de préférence en dur, pour les familles en situation de pauvreté hors des zones sujettes aux inondations.
Le mot de la fin…
La pauvreté est un phénomène global à plusieurs dimensions – visibles et cachées – et pour pouvoir l‘éradiquer et ainsi atteindre l’objectif No 1 des ODD, il faudrait d’abord comprendre pour mieux appréhender son caractère pluridimensionnel et initier ensuite des politiques appropriées. L’approche fragmentaire n’aboutira à rien !
GERARD MONGELARD (Prêtre) :
« Si nos cœurs ressentaient leurs souffrances,
la face du monde changerait »
Le 17 octobre sera célébrée la Journée mondiale pour l’élimination de la pauvreté. Votre constat sur la pauvreté à Maurice depuis la pandémie. Avance-t-on vers son élimination ou la situation s’est-elle aggravée ?
J’aime bien le thème proposé cette année pour marquer cette journée : Mettre en pratique la dignité pour tous. Je dois dire que ce mot, dignité, résonne très fort en moi quand on parle des pauvres. La dignité de l’être humain est un aspect sur lequel on ne peut pas fermer les yeux. En pensant aux trois T (Terre, Toit et Travail) dont parle le pape François, mon constat sur la situation à Maurice, concernant la pauvreté, est alarmant. Quand je vois comment les personnes pauvres sont traitées, je me dis que leur dignité est niée et non respectée.
L’Onu note que depuis la pandémie, « alors que des millions de personnes luttent contre l’érosion des droits des travailleurs et de la qualité de l’emploi, le pouvoir des entreprises et la richesse de la classe des milliardaires ont enregistré une augmentation sans précédent ». Comment réduire ces inégalités ?
Nous n’arrêtons pas de dire que l’écart entre les riches et les pauvres se creuse de jour en jour. Quand je vois tous ces sentiers et ce développement qui défilent sous nos yeux et la grande pauvreté des familles qui luttent depuis des années pour avoir ne serait-ce qu’un toit décent sur leur tête, je me dis que la base même est faussée pour ces familles. Quand la drogue fait des ravages dans la vie des jeunes et des familles, cela m’interpelle et me révolte. Quand l’école, qui doit être le lieu pour éduquer, devient un lieu où on fabrique des analphabètes il y a de quoi se poser des questions. Selon l’Onu, le pouvoir des entreprises et la classe des milliardaires ont enregistré une augmentation sans précédent.
Le grand Mahatma Gandhi disait qu’il y a assez de nourriture pour nourrir la planète entière, mais pas assez d’argent pour satisfaire l’appétit de certains. Se remplir les poches à tout prix, alors que les pauvres n’ont même pas des miettes… Regardez la façon dont des travailleurs étrangers sont traités ! Regardez comment les plus pauvres sont souvent traités quand ils se présentent dans un bureau pour des démarches administratives ! Allez voir comment des personnes vivent avec l’augmentation du coût de la vie ! Allez voir le calvaire que vivent les familles avec le problème de la drogue ! Pendant ce temps, certains vivent dans l’opulence avec de l’argent sale.
La pandémie a-t-elle entraîné une nouvelle configuration de la pauvreté, les pauvres basculant dans l’extrême pauvreté et une partie de la classe moyenne devenant de nouveaux pauvres ?
Est-ce que nous sommes en train de vivre un nouvel exode avec de nombreux jeunes et familles qui ne pensent qu’à émigrer ? Il faut faire attention à ne pas tout mettre sur le dos de la pandémie. Certes, elle a quelque chose à voir, mais n’est-il pas temps de nous remettre en question et de se dire sérieusement comment nous pouvons travailler ensemble pour réduire les inégalités ? Pour la journée de l’habitat, le 4 octobre dernier, lors de la 77e session de l’Assemblée générale des Nations unies, il était dit qu’un toit sur la tête n’est pas suffisant. C’est vrai que quelques familles, qui ont vécu pendant des années dans des conditions déplorables, vont être relogées avec le nouveau plan logement, mais avons-nous pensé aux traumatismes que ces nombreuses personnes ont subis ? Avons-nous pensé comment les accompagner ?
Quelle est l’importance d’un tel accompagnement ?
Quand on regarde la situation dans laquelle toutes ces familles ont vécu, dans des logements de fortune, certains pendant plus de 38 ans, il y a des traumatismes qu’elles ont vécus : inondations, logement sans électricité, sans eau, des enfants grandissant dans la promiscuité, etc. Tout cela laisse des séquelles. L’Onu le dit très bien : il ne suffit pas de donner un toit à ces familles, mais il faut aussi considérer ces séquelles. C’est pourquoi je dis qu’il faut accompagner ces personnes, tant au niveau psychologique que spirituel et moral. Il y a un travail à faire pour qu’elles puissent avancer. Autrement, elles auront un toit, mais n’arriveront pas à dépasser ces vécus et à travailler comme il faut. Après, on va dire toutes sortes de choses, comme : « Ils sont paresseux et ne veulent pas travailler ». Il faut panser toutes ces blessures.
Les pauvres sont confrontés à un autre problème aujourd’hui : le changement climatique les rend encore plus vulnérables, car étant plus exposés aux catastrophes naturelles…
Qui sont les plus affectés quand il y a des catastrophes naturelles ? La misère est souvent cachée. Il faut aller dans des endroits retirés, où il n’y a pas les structures nécessaires la plupart du temps. Quand des familles pauvres construisent sur le flanc des montagnes, en temps de grosses pluies, l’eau passe par la porte arrière, traverse le taudis et trouve son chemin par la porte de devant. La déforestation et le bétonnage, au nom du développement, affecteront encore les plus vulnérables.
Comment les autorités peuvent-elles mieux répondre aux besoins des pauvres ?
La pauvreté n’est pas l’affaire des gouvernements successifs. C’est l’affaire de tous. C’est l’affaire de l’État, de l’Église, de tout le monde. Aider ces pauvres à avoir ne serait-ce qu’un logement, un travail, une terre, etc. Au niveau de Caritas, nous avons l’expérience de l’accompagnement des personnes. Nous, on n’a pas les moyens pour construire de maisons. Nous sommes des collaborateurs. Il faut ensemble collaborer pour surmonter le problème de la pauvreté.
Le mot de la fin…
Nous pouvons réduire les inégalités si la volonté est là. Je lance un appel à ce qu’il y a de plus noble en chaque personne : nous avons tous un cœur, et si ce cœur pouvait ressentir la souffrance des laissés-pour-compte et se laisser attendrir, la face du monde changerait. Respectons la dignité de chaque être humain et développons une grande solidarité pour répondre à l’invitation que ce 30e anniversaire de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté nous lance.
REAZ CHUTTOO (CTSP):
« L’exploitation des étrangers est la source principale de l’appauvrissement »
Le 17 octobre sera célébrée la Journée mondiale pour l’élimination de la pauvreté. Votre constat sur la pauvreté à Maurice depuis la pandémie. Avance-t-on vers son élimination ou la situation s’est-elle aggravée ?
Nous n’avançons définitivement pas vers l’élimination de la pauvreté, et cela pas seulement à Maurice. Je participe d’ailleurs à un forum international actuellement, où on n’a de cesse d’en parler. La Banque mondiale a souligné le risque que le monde soit en récession en 2023. On ne pourra donc éliminer la pauvreté. Beaucoup de personnes basculeront même dans l’extrême pauvreté. Le nombre de banques alimentaires en Angleterre a dépassé le nombre de succursales de Mac Donald’s. Il serait irréaliste de dire qu’on pourra éliminer la pauvreté.
Le gouvernement doit être encore plus présent, car nous subirons une dégradation qualitative de l’emploi. À Maurice, la situation s’aggravera parce que la demande pour employer des étrangers augmente, au détriment des employés mauriciens. Il n’y a pas vraiment de cadre réglementaire pour empêcher la surexploitation des travailleurs étrangers.
Pour éliminer la pauvreté, il faut s’assurer qu’une personne ait un travail qui soit durable sur le plan économique, social et environnemental. Le fait que nous faisons face à une crise climatique aussi, on met l’accent ces jours-ci sur l’empreinte carbone des entreprises, alors que les droits des travailleurs et les droits sociaux sont négligés.
Le thème de la Journée 2022 est “Mettre en pratique la dignité pour tous”. De quelle manière ce thème vous interpelle-t-il ?
Nous allons aujourd’hui vers une justification de la surexploitation des employés. Si, aujourd’hui, une personne veut avoir un emploi, elle doit s’attendre à être surexploitée comme les travailleurs étrangers. Or, tout être humain a une dignité. Quand on lit notre Workers’ Rights Act, à aucun endroit y a-t-il une loi spéciale pour les étrangers. Sous prétexte que les temps sont durs, les Mauriciens, de même, doivent accepter que leur dignité soit bafouée pour pouvoir gagner leur vie. Quand les Mauriciens n’acceptent pas, on brandit l’urgence du recrutement d’étrangers.
Ce problème affecte davantage les jeunes sortant de l’université. Ils se voient dans l’obligation d’accepter un emploi précaire et un maigre salaire, qui ne leur permet même pas souvent de rembourser le prêt contracté pour leurs études. Ce qui fait qu’on voit une fuite des cerveaux. Des jeunes préfèrent partir pour le Canada. Cela ne semble pas affecter le secteur privé. Au contraire, c’est pour eux une occasion de recruter davantage d’étrangers. Comme l’hôtellerie, qui se plaint que beaucoup de jeunes optent pour les croisières. Mais ne le savait-on pas ? Pourquoi n’a-t-on pas formé davantage de jeunes ?
L’Onu note en effet que depuis la pandémie, « alors que des millions de personnes luttent contre l’érosion des droits des travailleurs et la qualité de l’emploi, le pouvoir des entreprises et la richesse de la classe des milliardaires ont enregistré une augmentation sans précédent ». Comment réduire ces inégalités ?
C’est pourquoi je dis qu’on voit une dégradation qualitative de l’emploi. Une récession profite aux capitalistes, car la demande pour l’emploi augmente. Les entreprises ont ainsi tendance à licencier pour recruter sur le salaire minimum. À Maurice, nous avons eu une décision, poussée par les syndicats, pour empêcher de licencier pendant la pandémie. Cela s’étend d’ailleurs jusqu’à décembre 2022. Cela n’a toutefois pas empêché des entreprises à déclarer faillite ou à entrer en administration volontaire juste pour licencier avec des raisons aberrantes à partir d’une vidéo filmée. Pour un procès équitable, il faut le témoignage de la personne. Comment ai-je la garantie que la vidéo n’a pas été trafiquée ? La surveillance électronique devient aujourd’hui un nouveau fléau pour licencier et engraisser les riches patrons en recrutant sur le salaire minimum. Nous vivons cela pleinement à Maurice. Selon l’Onu, chaque 30 heures dans le monde, il y a un nouveau millionnaire.
Comment réduire ces inégalités ?
Avant qu’un employeur n’ait le droit de retourner un travailleur dans son pays, il faut un Clearance des autorités : Sécurité sociale pour assurer que la personne a eu ses contributions, ministère du Travail pour assurer qu’elle ait eu son salaire… Ensuite, il faut arrêter un crime constitutionnel contre les travailleurs étrangers. Selon la section 16 de notre Constitution, il ne peut y avoir de discrimination “on the basis of place of origin”. La section 36 de la Workers Rights Act stipule qu’à travail égal, il faut un salaire égal. Or, lorsqu’un travailleur étranger arrive à Maurice, le ministère du Travail lui donne un contrat sans même vérifier quel salaire lui est payé par l’entreprise. L’employeur lui donne un salaire selon le Remuneration Order, qui n’a pas été revu depuis des années. Le ministère du Travail participe ainsi dans un crime constitutionnel.
De grandes compagnies ont recours à cette pratique. Ce sont des réalités dont le ministère du Travail est courant. La CTSP a demandé une réunion tripartite à laquelle ont participé le ministère et le Mexa. On a demandé un One Stop Shop. Ainsi, quand le travailleur étranger a un problème, il n’a qu’un lieu où se rendre. Or, aujourd’hui, il doit aller à plusieurs endroits : ministère du Travail, de la Sécurité sociale, de la Santé, etc. Cette question d’exploitation de travailleurs étrangers est à la source principale de l’appauvrissement de la population.
Les pauvres sont confrontés à un autre problème aujourd’hui : le changement climatique les rend encore plus vulnérables aux catastrophes naturelles…
Il y a des certes des victimes climatiques : les pauvres qui ont un problème de logement. On parle de construction de 12 000 logements pour les pauvres. J’espère qu’on fera de cela une priorité. Il ne faut pas oublier qu’on subit une inflation galopante. Beaucoup sont contraints de consommer des aliments de qualité moindre à cause de la cherté de la vie. Le ciblage n’est pas la solution, car le pauvre doit aller s’humilier, en s’affichant comme tel, pour avoir un bon d’achat. Il faut plutôt introduire des subsides et augmenter la taxe de 0,05% pour les plus aisés.