N’ayant pu prendre leur envol aux dernières législatives, les partis politiques alternatifs semblent reprendre du poil de la bête s’alimentant des scandales politiques qu’ils ne manquent pas d’égrener un à un pour mieux rallier le citoyen électeur à leur idéal politique pour le changement d’un système qui n’a que trop duré.
Face à l’échéance électorale en vue et à la situation d’une grande partie de la population ne pouvant plus mener une vie décente dans un contexte économique en berne, ces nouvelles voix ne cessent de gagner du poids. Mais, les retrouver au pouvoir, ne serait-ce qu’une illusion dans un pays où ce sont toujours les mêmes qui ont été à la barre ?
Dev Sunnasy, co-leader de Linion Pep Morisien (LPM), est réaliste. Il se dit conscient qu’une équipe 100% novice ne fonctionnera pas. C’est pourquoi il se dit pour un gouvernement de transition, comportant les meilleurs de tous les partis politiques, sans népotisme, sans papa, piti, bofrer…On n’a pas le choix. L’important, précise-t-il, c’est « de rompre avec un système. Quand il y a granper, papa, piti, il n’y a pas de démocratie. Si les gens de bonne volonté veulent réellement un changement, c’est aux prochaines élections ». Dev Sunnasy dit constater un ras-le-bol chez la majorité parce que personne n’arrive à proposer des solutions concrètes pour changer leur vie. Pour lui, donc, un parti alternatif au pouvoir n’est pas une illusion mais il faut des campagnes d’éducation.
Faizal Jeeroburkhan, observateur politique, trouve que ces nouveaux partis ont le vent en poupe vu l’usure des deux dynasties qui ont dominé la scène politique pendant les 54 années d’indépendance, avec pour résultat la dégradation continue de l’économie, l’aggravation des problèmes sociaux, le nombre grandissant de scandales politiques, les atteintes à la démocratie, à la méritocratie, à la bonne gouvernance etc. Il faut, dit-il, faire confiance à cette nouvelle génération de politiciens « parce que l’île Maurice de demain leur appartient. Avec le soutien de quelques politiciens de valeur, surtout ceux qui ne traînent pas de casseroles et qui ont démontré leur engagement et leur patriotisme, ils pourront prendre en charge la destinée du pays ».
Padma Utchanah, présidente du Ralliement Citoyens pour la Patrie (RCP), regrette qu’alors que des pays font la promotion des meilleurs en politique, Maurice celle des médiocres. Pour elle, c’est l’absence d’une vraie démocratie au sein des partis mainstream qui a conduit « à la déchéance de notre pays ». Elle ajoute que « l’ignorance et la zombification des partisans empêchent l’épanouissement des partis alternatifs ». De plus, « le bribe électoral est une triste réalité qui existe bel et bien dans le paysage politique. La perversion de l’esprit se fait très souvent avec de l’argent sonnant et trébuchant ou à coup de promesses d’embauches pour les votants ». N’empêche, ce qui fait son espoir, ce sont « certains esprits éclairés qui se rebellent contre les dinosaures. Le combat sera long et difficile mais moi je crois à un avenir possible ».
DEV SUNNASY (LPM) :
« Savoir rompre avec un système »
L’échéance électorale en vue et lesscandales politiques stimulent les partis politiques alternatifs qui voient là l’occasion de revendiquer du sang neuf pour diriger le pays en vue d’un meilleur avenir. Serait-il naïf de croire dans le potentiel de tels partis dans un pays où ce sont toujours les mêmes qui ont été au pouvoir ?
Excellente question ! Linion Pep Morisien (LPM) vient d’avoir sept mois. Nous continuons à grandir et à faire différentes propositions. Nous avons présenté plusieurs réformes sur la Constitution, le budget alternatif et une vision économique pour sortir le pays du marasme. Nous avons préparé un document détaillé sur l’industrie du cannabis dont le cannabis médical. Il y a encore le projet de Freedom of Information. Sur sept ans, aucun parti politique n’a présenté un dixième de ce que nous avons proposé en sept mois.
Pour l’instant, nous n’avons rien entendu comme proposition de changement d’aucun parti sauf qu’il faut une rupture et un Premier ministre de transition.
Sans programme véritable, cela se joue sur une affaire de personne : Pravind/Navin/Navin/Pravind. Que proposent-ils ? Nous, nous rencontrons des gens. Si nous n’avions pas travaillé tout ce programme, nous n’aurions rien à dire aux gens.
En septembre dernier, j’étais le premier à parler d’un gouvernement de transition. Le 18 décembre, sur une radio, j’étais le premier à parler d’un gouvernement de transition : un Premier ministre et députés en transit. J’avais rajouté que ce gouvernement de transition doit comporter les meilleurs de tous les partis politiques, sans népotisme, sans papa piti bofrer… En transition, c’est aussi venir avec un projet de transition constitutionnelle, car tout ce monde ensemble ne sera jamais d’accord pour un vrai changement fondamental et global.
Mais, au moins l’essentiel pour sauver la société devrait être fait pour le prochain gouvernement. C’est dessus que nous travaillons. Nous avons commencé les discussions avec d’autres partis. L’objectif est de travailler avec les divers partis politiques qui veulent réellement apporter un changement de système.
Quel est ce changement ?
Nous avons une fiche de 40 points sur le thème de la corruption. Par exemple: to fote to tase. Nous en avons assez de slogans qui ne veulent rien dire. Il faut un changement fondamental de la société. Que faut-il faire dans le détail ? Comment créer une administration transparente et redevable ? Que faut-il faire pour relever l’économie, pour réveiller la démocratie etc. Ce sont des questions que nous nous apprêtons à discuter avec divers partis politiques.
Avant les élections 2019, ceux en faveur d’un renouveau en politique avaient cru dans le potentiel des partis alternatifs mais il n’en a rien été. Quel est l’élément qui pourrait cette fois changer la donne ?
En 2019, nous mêmes, à 100% Citoyens, nous étions le seul parti à avoir des propositions plus concrètes. Ce qu’il n’y avait pas en 2019, c’est ce qui se passe actuellement en politique comme un Emergency Procurement bancal, des gaspillages etc. La situation est bien plus grave. En 2019, il n’y avait pas de regroupement de partis pour discuter ensemble. Il n’y a jamais eu de réunion avec tous les partis politiques y compris les citoyens.
Pensez-vous être mieux armés cette fois avec certains politiciens d’expérience comme le Dr Bunwaree qui a rejoint votre parti ?
Oui, avec Rama Valayden, Bunwaree, José Moirt, etc. Nous n’avons pas le choix. Il nous faut l’expérience, la nouveauté et l’innovation. Une équipe 100% novice ne fonctionnera pas. Mais, il faut aussi savoir réfléchir pour rompre avec un système. Ceux qui ont toujours été dans un système qui fonctionne de travers auront du mal à avoir un regard extérieur.
Depuis quelques années, nous voyons du sang neuf diriger des pays comme Trudeau (Cananda), Macron (France), Zelensky (Ukraine), Sanna Marin (Finlande), Jacinda Andern (Nouvelle Zélande) et plus récemment Rishi Sunak (Angleterre). Est-il permis de voir une tendance comparable à Maurice?
Ce n’est pas pareil. Ce sont les mêmes partis. Le changement est venu dans les partis tandis qu’à Maurice, le changement ne vient pas dans les partis mais c’est le fonctionnement des partis politiques qui doit changer. Quand il y a granper, papa, piti, il n’y a pas de démocratie.
Si les gens de bonne volonté veulent réellement un changement, c’est aux prochaines élections. Si les gens capables, intègres, mettent leur ego de côté, pour un mandat de cinq ans, il faudrait tomber d’accord sur qui serait ce Premier ministre de gouvernement de transition. Le programme vient d’abord, ensuite on voit qui est le Premier ministre qui mènera à exécution ce projet.
Pour qu’il y ait ce changement, il faut que cela vienne des citoyens électeurs eux-mêmes. Diriez-vous qu’aujourd’hui les citoyens sont à la recherche d’alternatives aux partis politiques ?
Je vois une grosse masse silencieuse qui a été confirmée par les sondages. Chacun essaie de s’approprier cette masse silencieuse. Mais, ce que je vois, c’est que la majorité en a marre parce que personne n’arrive à proposer des solutions concrètes pour changer leur vie. Quand nous parlons de changer le système, il faut réfléchir comment cela va bénéficier à chaque personne ? Il faut que chaque personne se sente concernée.
Qu’attendent les citoyens aujourd’hui des élus?
Nous entendons très souvent : ki li pou fer pou mwa? Personnellement, je crois que ce modèle inculqué aux citoyens doit changer. Nous entendons parfois: « mo’nn al get tel depite parski la limyer pa alime dan mo lari « . Il faut je crois donner beaucoup plus de pouvoirs et de moyens aux municipalités et conseils de district pour résoudre les problèmes locaux.
Le maire doit être une personne compétente pour gérer une ville et non pas enn koler lafis. Une île Maurice moderne ne se résume pas à avoir une ligne de métro ! Les élus travaillent au niveau national, au Parlement, et non pas au niveau local. La manière dont la politique est organisée doit être revue dans son ensemble. Il faudrait 23-25 mairies.
Pour résumer, un parti alternatif au pouvoir n’est pas une illusion ?
Non, mais il faut des campagnes d’éducation dans divers endroits.
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FAIZAL JEEROBURKHAN (Observateur politique) :
« Il faut absolument
notre printemps mauricien »
L’échéance électorale en vue et les scandales politiques stimulent les partis politiques alternatifs qui voient là l’occasion de revendiquer du sang neuf pour diriger le pays en vue d’un meilleur avenir. Serait-il naïf de croire qu’un de ces partis puisse arriver au pouvoir un jour ?
Je ne pense pas que ce soit de la naïveté. Mais, effectivement, les partis politiques alternatifs, en ce moment, ont le vent en poupe vu l’usure des deux dynasties qui ont dominé la scène politique pendant les 54 années d’indépendance, avec pour résultat la dégradation continue de l’économie, l’aggravation des problèmes sociaux, le nombre grandissant de scandales politiques, les atteintes à la démocratie, à la méritocratie, à la bonne gouvernance etc.
Les partis alternatifs sont revigorés par tout cela. Et, avec l’échéance électorale en vue, le décor est bien planté pour ces jeunes partis pour qu’ils puissent revendiquer un changement politique en profondeur, avec des idées et des stratégies nouvelles. Je pense que nous devrions faire confiance à cette nouvelle génération de politiciens parce que l’île Maurice de demain leur appartient.
Bien souvent, dans ces partis alternatifs, il y a des jeunes qui ont bien plus de conviction et de dynamisme politiques. Ils ont une volonté de changement. Ils sont ouverts aux nouvelles technologies. Je trouve qu’ils ont quand même des atouts. Malheureusement, ils n’ont peut-être pas cette maturité politique requise ou le savoir-faire administratif nécessaire pour diriger et mener le pays à bon port. Mais, avec le support de quelques politiciens de valeur, surtout ceux qui ne traînent pas de casseroles et qui ont démontré leur engagement et leur patriotisme, ils pourront prendre en charge la destinée du pays.
Depuis quelques années, justement, nous voyons du sang neuf diriger des pays comme Trudeau (Cananda), Macron (France), Zelensky (Ukraine), Sanna Marin (Finlande), Jacinda Andern (Nouvelle Zélande) et plus récemment Rishi Sunak (Angleterre). Est-il permis de voir une tendance comparable à Maurice?
Maurice suit toujours la tendance mondiale mais avec un certain décalage. Je pense que nous verrons cette tendance dans le temps, peut-être pas aux prochaines élections mais c’est une question de temps dépendant de la maturité politique et de la réaction de l’électorat. Avec les réseaux sociaux et les autres technologies de communication, les citoyens sont mieux informés et moins aptes à se laisser berner par les politiciens véreux.
Aussi nous ne pourrons plus tolérer les partis politiques tels qu’ils sont maintenant, sans statut légal ou avec un leader dictateur indéboulonnable ; des partis aux financements occultes et incontrôlés venant de conglomérats économiques, de trafiquants de drogue. Quand ceux-ci financent les partis politiques, il y a toujours un retour d’ascenseur. Je pense qu’on ne pourra plus tolérer les techniques mafieuses pour éliminer les adversaires politiques. Même leurs propres agents sont éliminés par des moyens mafieux.
Nous ne pourrons tolérer les fraudes électorales, le communalisme, le castéisme, la complicité des sociétés soi-disant socio-culturelles. C’est pourquoi il faut absolument notre printemps mauricien à nous pour nous débarrasser de ces dinosaures politiques.
Avant les élections 2019, ceux en faveur d’un renouveau en politique avaient cru dans le potentiel des partis alternatifs mais il n’en a rien été. Quel est l’élément qui pourrait cette fois changer la donne et signer la fin d’une époque: la crise économique profonde, les « scandales politiques »?
Je pense que oui. Je pense que l’élément déclencheur est le pourrissement insupportable de la situation politique, sociale, économique et environnementale. Le pouvoir politique et économique à Maurice est cantonné entre les mains d’un petit groupe qui fait la pluie et le beau temps. Les institutions – peut-être à l’exception du judiciaire – sont cadenassées et utilisées comme levier politique pour se maintenir au pouvoir.
La démocratie et la méritocratie sont bafouées. Le népotisme, la mauvaise gouvernance, la fraude et la corruption sont devenus la norme. La pauvreté est en hausse avec son lot de problèmes sociaux. Les indicateurs économiques sont dangereusement dans le rouge. En voyant tout cela, c’est tout à fait normal qu’il y ait un changement car si on continue dans cette voie, ce sera la descente aux enfers qui débouchera sur une crise économique et sociale d’une envergure sans précédent. Il me semble néanmoins qu’il y a une prise de conscience de ce danger imminent dans la population, surtout chez les jeunes qui pourraient être à la source de ce changement.
Ce qui fait que ce sont toujours les mêmes qui dirigent le pays tour à tour, ce sont ironiquement les électeurs eux-mêmes qui s’en plaignent par la suite. Diriez-vous qu’aujourd’hui les citoyens sont à la recherche d’alternatives aux partis politiques ?
Je pense qu’il y a environ 30% de la population qui sont disposés à se laisser manipuler par le communalisme, le castéisme, les bribes électoraux, les fausses promesses. Eux voteront probablement pour les anciens politiciens même si ces derniers mènent le pays au bord du gouffre.
Mais, je pense qu’une majorité réagira avec plus d’intelligence et de clairvoyance. Cette majorité votera pour une équipe capable d’apporter des changements au niveau politique, économique et social qui répondront à leur besoin d’une meilleure qualité de vie. Une équipe qui fera grossir le gâteau national qui sera partagé plus équitablement avec une attention particulière pour les démunis de la société.
Qu’attendent les citoyens aujourd’hui des élus?
Ils veulent des élus intègres, disciplinés, patriotiques, capables d’inspirer les autres et surtout qui sont respectueux des institutions. Ils veulent voir des élus qui serviront le pays et non des élus qui seront servis. Des élus qui font passer l’intérêt du pays avec leur propre intérêt. Des élus proches et à l’écoute de leurs mandants ; défenseurs de la méritocratie et de la transparence.
Le dernier mot ?
Tout ce dont on a parlé est entre les mains des électeurs. Ils doivent voter avec plus d’intelligence pour l’avenir de leurs enfants et petits-enfants.
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Padma Utchanah (RCP) :
« À Maurice, nous faisons la promotion des médiocres »
L’échéance électorale en vue et les scandales politiques stimulent les partis politiques alternatifs qui voient là l’occasion de revendiquer du sang neuf pour diriger le pays en vue d’un meilleur avenir. Serait-ce naïf de croire dans le potentiel de ces partis alternatifs dans un pays où ce sont toujours les mêmes qui ont été au pouvoir ?
D’abord, nous devons nous interroger sur ce qui a conduit à avoir les mêmes têtes d’affiche au Parlement. Il y a un écrémage délibéré. Les fonctionnaires sont exclus de tout engagement politique. Les employés des entreprises publiques ne peuvent pas se positionner politiquement, même les employés du privé sont très limités dans leurs démarches politiques car leurs employeurs dépendent souvent des passe-droits avec le gouvernement.
Les représailles sont en toile de fond, de quoi refroidir les éventuels candidats. Donc, il ne nous reste que la profession libérale. Sans compter que l’élite mauricienne est expatriée dans le monde. Il y a des pays dont le système fait la promotion des meilleurs et d’autres, un pays comme Maurice, qui fait celle des médiocres en politique.
Dans la brèche d’un système qui s’essouffle, les partis politiques alternatifs ont trouvé un terrain propice pour proposer une reconstruction nouvelle. Par ailleurs, nous sommes un peuple boulimique de scandales, nous nous gavons de ces scandales sans jamais nous attaquer aux vrais problèmes. Nous constatons que les citoyens ne sont pas désireux d’entamer la voie de la guérison. Aux dernières élections 2019, le Ralliement Citoyen pour la Patrie (RCP) avait proposé un vrai protocole d’intervention chirurgicale, avec de vraies réformes en profondeur mais nous avons été presque inaudibles.
Depuis quelques années, nous voyons du sang neuf diriger des pays comme Trudeau (Canada), Macron (France), Zelensky (Ukraine), Sanna Marin (Finlande), Jacinda Andern (Nouvelle Zélande) et plus récemment Rishi Sunak (Angleterre). Est-il permis de voir une tendance comparable à Maurice ?
Il faut comparer ce qui est comparable. Nous sommes à des années-lumière de ces pays politiquement démocratiques. L’absence d’une vraie démocratie au sein des partis mainstream a conduit inexorablement à la déchéance de notre pays. Rishi Sunak devient Premier ministre par la volonté des dirigeants de son parti et non pas du peuple britannique, qui n’a pas voté pour qu’il soit chef du gouvernement. Voilà la différence avec les partis familiaux et dynastiques à Maurice. Son parti n’est pas otage d’un homme mais fonctionne de manière démocratique. Le chef du parti est choisi librement, démocratiquement.
Au Congrès indien, la dynastie Gandhi-Nehru a été renversée. À Maurice, tout d’un coup plus personne ne s’inspire de l’Inde ou du Royaume-Uni. Est-ce qu’un Shakeel Mohammed pourrait inspirer à devenir leader de son parti un jour ?
Avant les élections 2019, ceux en faveur d’un renouveau en politique avaient cru dans le potentiel des partis alternatifs, mais il n’en a rien été. Quel est l’élément qui pourrait cette fois changer la donne et signer la fin d’une époque : la crise économique profonde, les « scandales politiques » ?
Le grand bouleversement doit se faire à l’intérieur des partis de l’Establishment, il incombe aux militants, aux partisans, aux membres de faire une révolution interne. Ce sera là le premier d’une longue série de chamboulements qui sera salutaire pour notre République. Encore faut-il qu’il y ait des candidats suffisamment téméraires pour enclencher une mutinerie intellectuelle et démocratique en interne !
Ce qui fait que ce sont toujours les mêmes qui dirigent le pays tour à tour, ce sont ironiquement les électeurs eux-mêmes qui s’en plaignent par la suite. Diriez-vous qu’aujourd’hui les citoyens sont à la recherche d’alternatives aux partis politiques ?
L’odeur alléchante de l’argent facile, l’ignorance et la zombification des partisans empêchent l’épanouissement des partis alternatifs. En outre, les moyens financiers pour les partis extra-parlementaires sont maigres, pour ne pas dire infimes par rapport aux mastodontes qui brassent des millions.
Nous ne sommes pas à égalité sur le Starting Block. Le bribe électoral est une triste réalité qui existe bel et bien dans le paysage politique. La perversion de l’esprit se fait très souvent avec de l’argent sonnant et trébuchant ou à coup de promesses d’embauches pour les votants. Néanmoins, dans cette atmosphère délétère, il y a toutefois une lueur d’espoir. Certains esprits éclairés se rebellent contre les dinosaures. Le combat sera long et difficile mais moi je crois à un avenir possible.
Qu’attendent les citoyens aujourd’hui des élus ?
C’est là que les citoyens se trompent. Le citoyen n’a pas uniquement des droits mais il a surtout des devoirs envers la patrie. Avant de changer les élus, il faut d’abord parfaire sa propre éducation civique. Il doit commencer à penser différemment, à penser comme un citoyen d’une République.
Nous constatons que le peuple, las des magouilles du gouvernement ou des autres partis de l’opposition, attend une sorte de ‘Messie’, l’homme providentiel qui viendra le sauver. Or, c’est un leurre, il risque d’être très vite désenchanté. D’où la nécessité d’enseigner l’éducation civique dans nos écoles afin de préparer à ce que nos enfants deviennent des citoyens responsables et éclairés.
En conclusion?
Je suis la première politicienne à sonner le tocsin contre la surexploitation malsaine de la religion à des fins politiques. Il n’y a pas que le gouvernement qui use et abuse des faveurs de la religion. Certains membres de l’opposition et de l’opposition extra-parlementaire font de la religion leur fonds de commerce. Il ne suffit pas d’avoir du sang neuf, il faut avoir une vision progressiste, démocratique, républicaine et intègre.
Nous sommes en train de créer un genre hybride de ‘théocrature’. Ce fléau gagne du terrain, porté comme le Graal par nos politiciens de tous bords, en quête du pouvoir absolu. Si les citoyens ne réagissent pas maintenant, cette chimère de la sphère politico-religieuse répandra le feu de l’obscurantisme au sein de notre démocratie. Et comme le dit si bien Germaine Tillion, ethnologue et résistante : « Quel pompier génial pourra éteindre ce feu ? ».