Avec la sévère crise économique, une nouvelle réalité se dessine. Le niveau de vie devient précaire chez un nombre grandissant d’enfants. L’alimentation devient alors rare, l’éducation passe au second plan, la santé est négligée, l’équilibre familial est perturbé et le manque de loisirs attire vers les fléaux sociaux. Quel avenir pour ces adultes de demain ? Quelle pierre seront-ils susceptibles d’apporter à l’édifice national s’ils sont aujourd’hui laissés pour compte, sans aucune formation ? De quel poids leurs multiples manques pèseront-ils sur notre économie demain ?
Ibrahim Koodoruth, sociologue, observe qu’au-delà des enfants touchés par la pauvreté matérielle, le décrochage dans l’éducation « mènera vers une marginalisation d’une grande proportion de nos jeunes ». Il décrit des enfants perdus qui au gré de la décision du ministère sont appelés à suivre des cours « en ligne un jour, en présentiel l’autre jour et deux fois par semaine une autre fois ». Il pointe, d’autre part, l’allégement du syllabus. « Aura-t-on formé ces jeunes pour faire face demain aux défis de la société ? » se demande-t-il.
Pour lui, la pauvreté infantile est un des gros défis majeurs qui guette la société aujourd’hui. « Qu’adviendra toute cette génération dépourvue de compétences et de repères dans un monde de plus en plus exigeant ? » Il regrette fortement que « l’Éducation ne considère pas ce qui se passe sur le terrain ». Selon lui, chaque ville, campagne et cité a sa réalité. « Il faut cesser avec un Curriculum uniforme pour tous. Il faut partir des compétences de l’enfant. »
Geerish Bucktowonsing, observateur socio-économique et ex-président du Macoss, estime que s’il y a une diminution de l’offre matérielle chez les enfants. « Il ne faudrait pas qu’il y ait une diminution au niveau de l’amour et de l’affection que nous donnons à ces enfants ». Un des moyens d’aider les enfants en précarité est de prévoir pour eux des couloirs. « Il faut donner bien plus d’importance à la formation technique qui existait autrefois pour ceux qui ne réussissaient au CPE. Il ne faut plus regarder ces métiers comme des métiers de deuxième grade. Au contraire, il faut les valoriser car on a besoin de ces personnes. » On ne peut accepter, à Maurice, insiste-t-il, « qu’un enfant ne mange pas à sa faim ». Face à la hausse des prix, il faut, selon lui, « soulager ces familles au niveau des produits de base pour les enfants, jeunes et étudiants ». Et proposer un plan pour toutes les catégories d’enfant.
Pour Jonathan Ravat, anthropologue et chef des Études sociales et économiques à l’ICJM, « ceux qui subissent la pauvreté depuis la plus tendre enfance et qui ne reçoivent pas un peu d’aide matérielle seront plus susceptibles d’entrer sur le marché du travail avec plus de vulnérabilité ». Il précise que la pauvreté se conjugue au pluriel. « Il y a la pauvreté dite monétaire mais il y a d’autres pauvretés : affective, intellectuelle, etc. Parfois, des personnes peuvent souffrir de plusieurs pauvretés à la fois. »
À côté de l’aide sociale qui est indispensable, reconnaît-il, « il faut repenser le système économique ». Il est d’avis que c’est le développement lui-même d’un point de vue politique qu’il convient de repenser. « Seulement, cela demande un courage des acteurs divers, incluant les acteurs économiques et politiques. »
IBRAHIM KOODORUTH (SOCIOLOGUE) : « Une grande proportion des jeunes marginalisée »
La cherté de la vie fait qu’un nombre grandissant d’enfants se retrouvent en situation de précarité dans notre société, faisant face à un manque cruel sur plusieurs plans : alimentation, éducation, santé physique, loisirs, stabilité familiale et donc émotionnel… Des études ont montré que la pauvreté vécue dans l’enfance accroît les risques d’une réplique à l’âge adulte. Face à tous ces manques, ces futurs adultes seront-ils à même d’intégrer le marché du travail ?
Il y a plusieurs manières de voir la question. Ils auront définitivement beaucoup plus de difficultés à intégrer le marché du travail. Pas seulement les enfants mais chaque humain a besoin de repères dans la vie : il doit savoir à quelle heure il se lève, à quelle heure il se couche, quand avoir un temps de loisir, etc. Or, aujourd’hui, il y a une déstructuration de ces repères chez l’enfant. Au gré de la décision du ministère, les cours sont en ligne un jour, en présentiel l’autre jour et deux fois par semaine une autre fois. L’enfant est finalement perdu. Il ne sait plus quand il doit aller à l’école.
C’est très important de structurer notre temps. Cette déstructuration affecte la santé psychique de l’enfant. On est en train de créer un phénomène d’anomie, désarroi qui découle de l’absence de normes et d’organisation stable. La personne ne sait pas ce qu’elle faut faire dans la vie. Avec la politique éducative aujourd’hui, on a des enfants perdus.
Une fois adultes, seront-ils prêts à intégrer le marché du travail ?
Il y a beaucoup plus que cela. Aujourd’hui, on ne sait pas à quel âge ces jeunes vont être admis à l’université !
C’est donc une pauvreté qui prend plusieurs formes et qui ne touche pas uniquement les enfants en situation de pauvreté matérielle…
Tous les enfants sont affectés mais le problème affecte encore plus les enfants pauvres, certainement ! En effet, ceux dont les parents ont des moyens auront des moyens de lutte pour s’adapter. Mais les enfants pauvres n’ont pas de moyen pour faire face aux défis et cela sera pire pour eux. Les autres pays n’ont-ils pas maintenu leur calendrier scolaire ? Ils ont trouvé un moyen pour que les enfants ne perdent pas leur année scolaire. À Maurice, malheureusement, il y a toute une génération qui n’aura pas les mêmes capacités que celles d’autres pays.
Au-delà de la pauvreté en termes d’argent, c’est donc un problème de société à ne pas négliger au risque de voir demain de nombreux adultes sans grand bagage académique, ayant des problèmes émotionnels, de comportement…
Tout à fait. Soit qu’on est complaisant, soit qu’on ferme les yeux, mais il y a un problème aujourd’hui. On décide du jour au lendemain de faire les classes en ligne ou à la télé. On apaise sa conscience en se disant que l’éducation continue. Mais combien d’enfants ont-ils accès à ces cours en ligne ? Avoir accès est une chose mais quand l’enfant n’est pas en classe, il est perturbé.
Quand je fais mes cours en ligne, j’entends toutes sortes de bruits, des bruits de cuisine, etc. Le jeune ne peut travailler ainsi. D’où le décrochage. Je le vois déjà au niveau de la performance des étudiants. Il faut pourchasser les étudiants pour qu’ils soumettent les dissertations. Si on était sur le campus une ou deux fois, cela aurait été bien plus facile.
Ce décrochage mènera vers la marginalisation d’une grande proportion de nos jeunes, que ce soit au primaire, secondaire et en enseignement supérieur. On joue avec le Pass Mark pour se donner bonne conscience alors que le jeune n’a pu maîtriser une série de Skills. On allège le syllabus mais aura-t-on formé ces jeunes pour faire face demain aux défis de la société ?
Comment lutter contre ce problème ?
Il faut plus de constance dans la politique éducative. On ne peut dire « j’étais prof, je sais tout ». Oui, vous étiez prof à votre époque. Peut-être étiez-vous un super prof mais les conditions ont aujourd’hui changé. Il faut écouter ce que les acteurs disent. Il faut un dialogue avec les personnes qui sont sur le terrain et non pas prendre des décisions de manière unilatérale.
Ensuite, il faut privilégier le travail en réseau au niveau des quartiers. Nous avons une Top-Down Approach où le ministère décide. Or, on ne considère pas ce qui se passe sur le terrain. Chaque ville, campagne et cité a sa réalité. C’est impossible d’avoir une politique uniforme.
Il faut donner le pouvoir aux acteurs locaux, aux maîtres d’école, ceux-ci connaissent mieux les besoins et sont mieux à même d’assurer que ces enfants aient une bonne éducation. En effet, la pauvreté infantile est un des gros défis majeurs qui nous guette aujourd’hui. Qu’adviendra toute cette génération dépourvue de compétences et de repères dans un monde de plus en plus exigeant ?
Cette pauvreté infantile s’étend avec la crise économique…
J’ai l’impression que c’est un peu voulu par le pouvoir public. Quand vous appauvrissez une population, vous garantissez en quelque sorte que vous serez élu. Quand les gens n’ont rien, ils sont prêts à tout prendre. À l’approche des élections, vous devenez le sauveur, vous êtes réélus. Je me demande donc s’il n’y a pas cette stratégie.
Quelles mesures pour contenir ce problème de pauvreté matérielle chez les enfants et éviter plus tard un coût énorme sur notre économie ?
Il faut cesser avec un Curriculum uniforme pour tous. Il faut partir des compétences de l’enfant. Si dans une région, il y a une prédisposition pour l’art, les travaux de menuiserie, etc., travaillons ces filières. Ne demandons pas à tout le monde d’avoir le SC/HSC. Il s’agit de développer les talents des enfants. Il faut introduire des cours de musique, de plomberie, etc., dès le bas âge. L’enfant, s’il sent qu’il aime une filière, s’y tournera. Il faut aussi un programme alimentaire.
Quand j’étais élève dans les années 70, il y avait le programme alimentaire mondial. Le gouvernement doit introduire la distribution alimentaire dans toutes les écoles tout en laissant le soin aux écoles de voir quels sont les besoins de leurs élèves. En effet, ventre affamé n’a point d’oreilles. Quelles seront les conséquences de la pauvreté infantile ? Ne parlons pas de droits des enfants. Avec la politique actuelle, les enfants seront encore plus exploités.
GEERISH BUCKTOWONSING (OBSERVATEUR SOCIO-ÉCONOMIQUE) : « Prévoir des couloirs pour les plus précaires »
La cherté de la vie fait qu’un nombre grandissant d’enfants se retrouvent en situation de précarité dans notre société, faisant face à un manque cruel sur plusieurs plans : alimentation, éducation, santé physique, loisirs, stabilité familiale et donc émotionnel… Des études ont montré que la pauvreté vécue dans l’enfance accroît les risques d’une réplique à l’âge adulte. Face à tous ces manques, ces futurs adultes seront-ils à même d’intégrer le marché du travail ?
En effet, la pandémie et la guerre en Ukraine affectent les quatre coins du monde et ont des répercussions directes sur les coûts. Maintenant, quand il s’agit de l’enfant, l’accent doit être mis sur leur formation. Prenons les familles de classe moyenne.
Que se passe-t-il quand l’enfant se trouve dans une situation où il y a une diminution en rentrée d’argent ? Il y a une diminution au niveau de l’offre matérielle mais il ne faudrait pas que dans les foyers il y ait une diminution au niveau de l’amour et de l’affection que nous donnons à ces enfants. Il ne faut pas négliger le côté émotionnel. Il faut savoir leur expliquer la réalité.
Par ailleurs, il faut rappeler que quand le pays a déjà traversé par des moments difficiles dans le passé. Il y avait des moments où les enfants accompagnaient leurs parents aux champs pour aider à subvenir aux besoins de la famille. Il y avait la participation de tout le monde. On peut être modeste mais vivre heureux. On passe par un moment difficile. Il faut savoir le comprendre.
Quid des enfants issus de familles vulnérables ?
Il y a des enfants dans cette situation qui ne réussissent pas à leur PSAC ou leur SC. Il faut prévoir pour eux des couloirs. Il faut donner bien plus d’importance à la formation technique qui existait autrefois pour ceux qui ne réussissaient pas au CPE. On a un déficit de personnes ayant le savoir-faire dans le domaine. Il ne faut plus regarder ces métiers comme des métiers de deuxième grade. Au contraire, il faut les valoriser car on a besoin de ces personnes.
On a vu l’Europe de l’Ouest recruter des personnes de l’Europe de l’Est. Aujourd’hui, nous avons des étrangers comme serveurs au restaurant alors qu’il y a des Mauriciens qui sont au chômage. Il faut changer notre regard. Je suis président d’honneur de la Fédération mauricienne de boxe française, très présente dans les poches de pauvreté. D’ailleurs notre slogan est : Tombez dans la boxe française, pas dans la drogue. Les jeunes aiment le sport, il faut pouvoir leur donner une option, surtout ceux qui n’ont pas réussi à leur PSAC. Il faut donner l’option sports/études qui les aidera à développer un esprit sain dans un corps sain. C’est cela la vraie éducation : former de bons citoyens qui sachent écouter, analyser et guider.
Avec les divers créneaux que nous avons à Maurice, nous avons besoin du savoir-faire technique aussi. Dans n’importe quelle économie, il y aura des hauts et des bas. Lorsqu’on est en bas, il faut savoir prendre le taureau par les cornes pour remonter la pente.
Vous conviendrez quand même que le problème de pauvreté infantile qui ira croissant ne doit pas être négligé…
Bien sûr. Il s’agit de porter un regard sur le futur, comment on veut que l’enfant d’aujourd’hui soit demain.
Justement, s’il peut être difficile en temps de crise d’introduire des politiques de soulagement pour cette partie grandissante de la population qui bascule dans la pauvreté, il sera plus coûteux pour le pays plus tard de « réparer » tout ce qui aura été brisé chez ces personnes…
Définitivement, il faut que nous ayons plus de politiques pour préparer l’avenir. Il faut avoir une vision sur le long terme et ne pas attendre un problème pour trouver des solutions. Quelle est la plus grande ressource que nous avons à Maurice ? C’est la ressource humaine. Il faut exploiter cette ressource au maximum, que ce soit en termes de matière grise, de connaissances techniques ou de débrouillardise…
Si j’avais un projet à lancer, ce serait Smart Mauritius. Ce n’est pas seulement académique mais ça consisterait à exploiter au maximum tous les talents qu’on a. C’est ce que j’appelle le Smart Mauritian de demain qui doit prendre le relais, les responsabilités de ce PEID face aux grands défis comme le changement climatique, la pandémie de Covid-19, pour continuer à faire rayonner Maurice.
Compte tenu du pouvoir d’achat réduit à presque néant chez les plus pauvres, par quelle mesure commencer pour éviter que les enfants souffrent ?
On ne peut accepter à Maurice qu’un enfant ne mange pas à sa faim. Face à la hausse des prix, il faut soulager ces familles au niveau des produits de base pour les enfants, jeunes et étudiants. Deuxièmement, il faut un plan pour toutes les catégories d’enfant. Par exemple, les plus brillants ne peuvent continuer à quitter le pays. Le pays, les parents ont investi en eux.
De l’autre côté, l’enfant moyen ou faible ne sait pas quel chemin emprunter. D’où l’importance de l’accompagnement scolaire, comme l’ont montré les Ong. Il faut un plan pour chaque type d’enfant : académique, technique, sports, etc., en vue de l’obtention d’un emploi. On aura alors des jeunes formés à un métier.
Parfois, il y a des gens qui sont vraiment brillants qui ont décroché des bourses. Plusieurs de la classe moyenne ou inférieure à la classe moyenne qui ont réussi et qui auraient souhaité continuer leur formation n’ont pu le faire. Au Canada, par exemple, on peut avoir un prêt en ce sens avec zéro intérêt et qu’on rembourse une fois employé. Cela encouragerait à des formations poussées.
En définitive ?
C’est clair que le monde passe par une situation difficile alors même que l’on est en train de reconstruire le New Normal. La manière de faire du business et de travailler change avec beaucoup de focus sur la numérisation, l’énergie verte, etc. Il faut se préparer à affronter les défis de demain, ce qui passe par les formations qui seront nécessaires pour le monde demain. Maurice est un petit pays et a besoin de toutes ses personnes et même plus. Et la jeunesse est très importante. On doit pouvoir la former, la connecter avec les secteurs phares de demain et la retenir.
JONATHAN RAVAT (ANTHROPOLOGUE) : « Il faut repenser le système économique »
La cherté de la vie fait qu’un nombre grandissant d’enfants se retrouvent en situation de précarité dans notre société, faisant face à un manque cruel sur plusieurs plans : alimentation, éducation, santé physique, loisirs, stabilité familiale et donc émotionnel… Des études ont montré que la pauvreté vécue dans l’enfance accroît les risques d’une réplique à l’âge adulte. Face à tous ces manques, ces futurs adultes seront-ils à même d’intégrer le marché du travail ?
La pauvreté subie dès la tendre enfance peut avoir un impact considérable sur le développement de l’enfant. Ce n’est toutefois pas inamovible ou irréversible, mais c’est clair qu’il y a un impact. Ces adultes de demain pourront-ils intégrer le marché du travail ? Oui, parce que l’humain a une faculté d’adaptation.
La question à se poser davantage, toutefois, est quel type de travail auront-ils. Le marché du travail est multisectoriel. Ceux qui subissent la pauvreté depuis la plus tendre enfance et qui ne reçoivent pas un peu d’aide matérielle pour faire face à la pauvreté – et s’ils n’ont pas d’autres chances à diverses étapes de leur vie de suivre un autre parcours – seront plus vulnérables sur le marché du travail.
C’est important d’en parler car je peux être sur le marché de l’emploi et être en situation de précarité – un travail très fragile -, et je peux basculer demain dans une condition d’insécurité. Ce qu’on appelle les Working Poor. Ils ont un métier mais sont extrêmement fragiles. On peut être pauvre tout en ayant un emploi. Le danger, c’est de croire que ceux qui ont un emploi ne sont pas pauvres.
Au-delà de la pauvreté en termes d’argent, il est donc question d’un problème de société à ne pas négliger au risque de voir demain de nombreux adultes ne sachant ni lire ni écrire, ayant des problèmes émotionnels, de comportement, etc. N’est-ce pas ?
Absolument, c’est capital. La pauvreté se conjugue au pluriel. Il y a la pauvreté dite monétaire mais il y a d’autres pauvretés : affective, intellectuelle, etc. Parfois, des personnes peuvent souffrir de plusieurs pauvretés à la fois. Le danger serait de renforcer l’aide sociale – ce qui est indispensable – sans poser un regard sur le système de société lui-même. À côté de l’aide sociale, qui est indispensable, il faut repenser le système économique.
Il faut aller à la racine du problème…
Exactement. Aujourd’hui, par exemple, à travers le secteur associatif, le secteur privé et le système public (la Sécurité sociale et la NSIF, par exemple), il y a vraiment un effort multisectoriel qui est déployé. Toutefois, cela a un coût et un poids sur l’économie. On est appelé à voir que tous ces secteurs dans le service social ne sont pas des à-côtés . Il ne s’agit pas d’aider les inadaptés du développement comme cela a été le grand slogan dans les années 70-90. Aujourd’hui, c’est le développement lui-même d’un point de vue politique qu’il convient de repenser. Seulement, cela demande du courage des acteurs divers incluant les acteurs économiques et politiques. On n’est pas prêt à changer de système lorsque pendant des décennies on a connu le système capitaliste.
Quelles mesures de lutte mettre en place pour contenir efficacement cette pauvreté grandissante ?
Il y a une action qui est déjà menée par les trois secteurs susmentionnés. Il faut la poursuivre et la consolider. Il ne faut pas que cela soit du Business As Usual. Il y a aussi toute une réflexion qui arrive. Il faut repenser le système économico-politique. Il y a des chercheurs comme Gaël Giraud, Kate Raworth qui essayent de dessiner un horizon alternatif au système. Ils préconisent une refonte de la taxe sur l’héritage et sur le patrimoine. Il faut donc une refonte fiscale.
Il convient, en outre, de redessiner la démocratie locale, qui consisterait à soutenir au niveau local les entreprises TPE (Très petites entreprises) et PME. C’est pourquoi il est question d’économie et de politique en même temps. Il est capital de continuer à réformer le système éducatif pour permettre le développement des intelligences multiples chez chaque enfant (pour qu’on n’ait pas des êtres seulement along the traditional lines) et les intelligences collectives chez les enfants (qui permettent de favoriser davantage le travail de groupe). Cela est capital dans notre pays quand on connaît notre réalité intercommunautaire. L’accès à la terre et au logement est aussi essentiel pour le développement.
Il faut, d’autre part, toute une redéfinition de toute la filière préprofessionnelle afin qu’elle aussi soit emboîtée dans cette vision de l’éducation comme étant le développement de l’intelligence multiple chez chacun. Et, non pas juste un « à-côté ». Il faut aussi revoir certainement toute la question de soutien du pouvoir d’achat. Il faut que les gens puissent avoir de l’argent pour survivre. Il faut qu’on puisse aujourd’hui penser à une fiscalité qui permettrait de récolter des taxes sur l’héritage et le patrimoine. Ce qui suppose aussi que, si je parle de taxe, j’ai besoin de consolider l’Etat comme celui qui reçoit les taxes pour ensuite mieux répartir.
Ce qui impliquerait de continuer à consolider les institutions de l’Etat afin que ce dernier soit visiblement et réellement crédible. C’est une question d’image à regagner aux yeux de certains. Mais ce n’est pas seulement pour l’image, mais aussi une question vitale qui doit se réaliser dans le concret.