Tirs Croisés – le kreol en HSC : l’espoir est-il toujours permis  pour son entrée en 2024 ?

Déçus et pris au dépourvu. Telle a été la réaction des partenaires concernés de près ou de loin par l’introduction du Kreol Morisien (KM) en HSC mais aussi de tous ces parents dont les enfants ont choisi le KM comme matière examinable cette année en School Certificate (SC) et qui espéraient ainsi opter pour le KM en Higher School Certificate (HSC) en 2024. La déclaration de la vice-Première ministre et ministre de tutelle, Leela Devi Dookun-Lutchoomun, à l’effet que les conditions ne sont pas réunies pour sa réalisation, est venue prendre à contre-pied l’annonce faite par le chef du gouvernement l’an dernier.

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Arnaud Carpooran, doyen de la faculté des Sciences sociales et humaines à l’UoM, est convaincu que « les quatre conditions citées par la ministre peuvent être réglées très vite ». Répondant au problème que poserait la graphie, le sociolinguiste fait voir que la plupart des textes sortis depuis 2011 ont été publiés dans la graphie officielle.

« Quant à ceux publiés avant 2011, la plupart des auteurs sont favorables à une harmonisation graphique de leurs textes ». Pour lui, « permettre à cette matière d’arriver au dernier échelon bouclera la boucle au niveau de l’enseignement et apportera aux Mauriciens un sentiment de fierté. Une reconnaissace pour tous ceux qui travaillent pour sa promotion depuis de nombreuses années, dont Dev Virahsawmy. Ce serait hautement symbolique que ce soit le KM qui soit la matière permettant un début de décolonisation du système éducatif ».

Jimmy Harmon, directeur adjoint et responsable du secondaire au SeDEC, souhaite ardemment que « le bon sens prévale au ministère et qu’avant la fin de l’année, une circulaire soit transmise aux collèges pour informer les élèves qu’à partir de 2024, il y aura la possibilité de choisir le KM en HSC ». Il martèle que Maurice dispose de plus d’œuvres littéraires en kreol qu’il n’en faut. Quant à la question de différence dans la graphie, il établit un parallèle avec l’anglais où l’on peut très bien étudier Chaucer, dont la langue diffère de celle de Shakespeare et de celle d’autres auteurs plus modernes. La langue et la littérature kreol ont toutes les qualités requises pour être une matière d’étude en HSC . Ce qui l’induit à cette conclusion : « La décolonisation passe d’abord par la pensée ».

Pour Guilhem Florigny, linguiste, dont la thèse de doctorat était axée sur l’acquisition du français et du kreol par des enfants mauriciens, l’entrée du KM en HSC n’est qu’une suite logique puisque la langue est déjà enseignée jusqu’en SC et au niveau tertiaire. Apportant son éclairage sur la graphie du KM, le chargé de cours à l’UoM fait ressortir que si la langue est dans un processus de standardisation depuis 2012, « cela ne veut absolument pas dire que la façon dont on écrit le KM actuellement est la seule qui existe et qui existera à tout jamais. Les langues évoluent naturellement et l’écriture a tendance à évoluer aussi ». Face à cet obstacle auquel se heurte le KM, il interroge : « perpétuer les préjugés autour du KM ou avoir le courage de faire des changements bénéfiques pour la population, qu’est-ce qui est plus important ? ».

ARNAUD CARPOORAN (UoM) : « Les problèmes évoqués peuvent être réglés très vite »

Depuis 2012, le KM a graduellement connu son essor comme matière au programme scolaire jusqu’à figurer parmi les Examinable Subjects au NCE et au SC. L’espoir de tous ces élèves ayant tout misé depuis le primaire pour réaliser leur rêve d’embrasser un métier autour de cette langue était grand l’an dernier quand le PM a annoncé son inclusion au programme du HSC en 2024. Or, d’après la VPM et ministre de l’Éducation, les conditions ne sont pas réunies pour cela. Votre avis ?

Les explications de la ministre mettent en avant quatre éléments pour dire que les conditions ne sont pas réunies : littérature, orthographe, ressources humaines et évaluation. Or, il y a une solution à chacun de ces éléments. Toutes ces questions et bien d’autres ont déjà été largement discutées au cours de différentes réunions.

Et, je suis l’une des personnes à avoir attiré l’attention du ministère sur la nécessité de trouver des solutions à tous ces aspects. Depuis au moins un an et demi, le ministère est au courant de la nécessité que le Kreol soit enseigné en HSC à partir de 2024 parce que c’est la suite logique à partir de l’instant où on l’avait inscrit en primaire, qu’il a fait son entrée en secondaire jusqu’en Form V et qu’il est déjà enseigné au tertiaire. Il y a eu beaucoup de sessions de travail entre le MIE, le MES et l’UoM mais aussi avec les officiers du ministère de l’Éducation. Toutes ces questions ont bien été traitées en long et en large et il m’a semblé qu’il y avait des solutions à chacun de ces éléments.

Quant à l’aspect évaluation, ce n’est pas clair. Certains parlent d’évaluer le système d’enseignement alors que moi, j’ai compris qu’il s’agissait des résultats des candidats aux examens. Cela me paraît logique que seuls ceux ayant réussi aux examens seront admis en Lower VI. Maintenant, s’il s’agit d’évaluer le système, ce n’est pas logique d’évaluer le système avant la dernière étape pour décider de la dernière étape ! Si nous attendons que les élèves aient réussi pour décider, ce sera trop tard !

Les ressources humaines font défaut ?

À l’UoM, nous avions déjà pris les devants en montant un programme BA French and Creole Studies dès 2014, ce qui a permis au système de disposer des ressources académiques pour enseigner. Nous avons anticipé.

Le système doit être prêt pour enseigner. Ce n’est qu’après qu’on peut évaluer les résultats. Nous ne pouvons pas décider à l’avance de ne pas offrir la langue en HSC et dire que nous allons peut-être l’offrir si les résultats sont probants. C’est contraire à la pratique gouvernant les examens du MES.

Je ne comprends pas comment il peut manquer de ressources humaines juste pour le HSC quand le Kreol est enseigné dès le Grade 7. Le problème de manque d’enseignants existe dans plusieurs matières. Il incombait précisément au ministère d’anticiper cela depuis longtemps. Les élèves ne peuvent être victimes d’un manque de préparation au niveau du ministère.

Et le nombre insuffisant d’œuvres littéraires dans l’orthographe standard ?

Cela fait un an et demi que nus discutons de cette question.  Nous avons déjà identifié un certain nombre de textes. La plupart des textes publiés depuis 2011 ont été publiés dans la graphie officielle. Quant à ceux publiés avant 2011, nous avons déjà contacté les auteurs et éditeurs et la plupart sont favorables à une harmonisation graphique de leurs textes.

Il n’y a donc aucun problème de manque de textes – il y en a suffisamment et de bonne qualité ! La littérature créole existe en quantité et en qualité. La question de l’harmonisation graphique ne se pose pas. L’UoM, le MIE, la Creole Speaking Union et l’Akademi Kreol Repiblik Moris ont déjà tout fait pour faciliter ce transfert orthographique.

Donc, les quatre conditions citées par la ministre peuvent être réglées très vite.  Les résultats n’arrivent qu’en février. Nous avons amplement le temps de régler toutes ces questions.

Pour vous, expert impliqué dans tout ce processus, le KM est prêt pour être enseigné en HSC en 2024 ?

Tout à fait. Je ne suis pas le seul à le dire. Nous avons abattu tout un travail dans le but que le KM soit enseigné en HSC en 2024.  Par rapport aux arguments cités par la ministre, je trouve que l’enseignement du KM est tout à fait viable compte tenu du travail déjà réalisé et compte tenu de la volonté du personnel.

Je comprends que du côté des élèves et des parents il y a un grand découragement. Effectivement, l’espoir était là. La porte n’est pas fermée. Il est toujours possible pour le ministère de réunir toutes les institutions sous sa tutelle pour trouver une solution au plus vite.

Quels sont les avantages que déclencherait l’introduction du KM en HSC pour les jeunes Mauriciens ?

Le KM est la seule langue qui a pris racine à Maurice par opposition aux autres utilisées à Maurice. C’est la seule langue qui permet à un Mauricien de s’identifier en tant que Mauricien une fois hors de Maurice. C’est la seule langue qui met tous les Mauriciens à pied d’égalité quand ils communiquent et qui est comprise par tous les Mauriciens.

Permettre à cette matière d’arriver au dernier échelon bouclera la boucle au niveau de l’enseignement et apportera aux Mauriciens un sentiment de fierté. Une reconnaissance pour tous ces gens qui travaillent pour sa promotion depuis de nombreuses années comme Dev Virahsawmy.

Il n’y a pas meilleur hommage à l’égard de Dev Virahsamy que de permettre à cette langue d’être inscrite au programme de  HSC. Il ne se serait pas battu pour rien ! Il a contribué énormément au niveau de la création littéraire. À lui seul, il a plus d’un millier de poèmes. Nous ne pouvons dire qu’il manque de textes littéraires en kreol !

Le dernier mot ?

En tant que technicien ayant milité pour la promotion de cette langue depuis plus de vingt ans, je pense que ce serait hautement symbolique que ce soit le KM qui soit la matière permettant un début de décolonisation du système éducatif. Ce serait permettre à une institution mauricienne, l’UoM, d’entrer dans les souliers de Cambridge. Au gouvernement de permettre la réalisation d’un tel tournant.

JIMMY HARMON (SeDEC) : « La décolonisation passe d’abord par la pensée »

Depuis 2012, le KM a graduellement connu son essor comme matière au programme scolaire jusqu’à figurer parmi les Examinable Subjects au NCE et au SC. L’espoir de tous ces élèves ayant tout misé depuis le primaire pour réaliser leur rêve d’embrasser un métier autour de cette langue était grand l’an dernier quand le PM a annoncé son inclusion au programme du HSC en 2024. Or, d’après la ministre de l’Éducation, les conditions ne sont pas réunies pour cela. Votre avis ?

Nous savons très bien qu’il y a tout un travail qui a été abattu pour l’entrée du KM en HSC avec la participation de diverses institutions comme le MES, du ministère même et de l’Académie du KM. Il ne restait que l’approbation de la ministre.

La ministre soulève des points, déjà clarifiés lors de ces sessions de travail. Il y avait effectivement pas mal de questions à savoir par exemple si le KM sera une matière principale ou subsidiaire en HSC.

Au niveau du Sedec, cela ne pose pas problème qu’elle soit principale ou pas. Dès que c’est une matière principale, cela pourra aussi être pris comme matière subsidiaire. Ce sont des questions purement administratives. Nous avons donc déjà répondu à ces questions.

Pourquoi ne vous battez-vous pas pour que le KM soit une matière principale en HSC ?

Le plus grand combat pour l’heure, c’est son introduction au programme des examens de HSC, que le bon sens prévale au ministère et qu’avant la fin de l’année, une circulaire soit transmise aux collèges pour informer les élèves qu’à partir de 2024, il y aura la possibilité de choisir le KM en HSC au niveau principal ou subsidiaire. Au niveau principal, il y a plus de papiers qu’au niveau subsidiaire mais dans les deux cas, les élèves étudieront un texte littéraire.

D’après ce que nous avons compris, un des obstacles serait un nombre insuffisant d’œuvres littéraires dans l’orthographe standard. Pensez-vous que cela constitue vraiment un problème à l’introduction du KM au programme du HSC ?

Cet argument est inacceptable. Pour le grand public qui n’a pas été en contact avec cette question d’introduction du KM en HSC, ces questions sont légitimes mais pas pour le ministère. Nous avons une abondance de textes et une variété de publications qui remontent bien avant l’indépendance.

Nous avons toute l’œuvre de Dev Virahsawmy mais aussi bien d’autres de Henri Favory par exemple. Y a-t-il donc suffisamment de textes ? Oui, plus qu’il n’en faut dans tous les genres littéraires : roman, poésie, théâtre. Une compilation a été faite justement par le comité précité et une liste a été soumise.

Quant à la graphie standard, ce n’est pas un problème que tous les textes ne soient pas dans la même graphie. Tous ceux qui ont étudié la littérature savent que lorsque vous étudiez Molière, vous pouvez très bien étudier André Gide en même temps. Pourtant, le français de ces auteurs n’est pas le même. Idem pour la littérature anglaise, on peut très bien étudier Chaucer dont la langue diffère de celle de Shakespeare et d’autres auteurs plus modernes.

Une école de pensée estime que ce serait préférable que la graphie de tous les textes soit harmonisée. Nous ne ferons pas de difficulté là-dessus. Si la tendance est ainsi, nous irons dans cette direction. Même Dev Virahsawmy a donné son accord pour cela.

Moi, je pense toutefois que ce faisant, on gâcherait la valeur de la littérature car il ne s’agit pas que de la langue. Garder la graphie originale permet de retourner aux sources pour comprendre l’époque. C’est l’occasion pour les enseignants d’exploiter la partie historique de la langue. La langue et la littérature kreol ont toutes les qualités requises pour être une matière d’étude en HSC.

Vous considérez donc que le KM est prêt pour être enseigné en HSC en 2024 ?

Absolument. Les questions soulevées sont purement des prétextes. Si cela relève d’un manque d’informations comme pour le grand public, je peux comprendre mais quand la ministre vient de l’avant avec de tels arguments, c’est inacceptable.

Quels sont les avantages que déclencherait l’introduction du KM en HSC pour les jeunes Mauriciens ?

Avant 2012, déjà, il y a eu beaucoup d’objections pendant les 40 dernières années. Beaucoup se demandaient à quoi servirait la langue kreol, où elle nous mènerait et beaucoup étaient d’avis que cela apporterait une confusion chez les enfants entre le français et le kreol.

Aujourd’hui, voyons cette cuvée qui a étudié le kreol depuis 2012 et qui prend part aux examens de SC. Ils étudient  aussi le français et l’anglais. Ils ont réussi leurs examens de PSAC et de NCE. Les élèves continueront à faire des fautes en français, en anglais, en kreol mais ils arrivent bien à faire la distinction entre toutes ces langues.

Dans les centres commerciaux, aujourd’hui, le KM a pris sa place. C’est quelque chose que nous ne voyions pas auparavant. Le kreol standard est utilisé dans les milieux publicitaires. Maintenant, depuis que la langue est arrivée en SC, les jeunes peuvent développer leurs compétences en traduction et quand elle parviendra en HSC, ils développeront leur faculté de réflexion et d’argumentation. Va donc émerger dans quelques années une génération de Mauriciens bien assise dans leur langue, dans leur culture, pouvant réfléchir dans sa propre langue et qui peut facilement passer à l’anglais et au français.

En conclusion ?

Une chose que nous n’avons pas suffisamment saluée : l’examen du KM en SC s’intitule le National School Certificate, ce qui signifie que ce n’est pas Cambridge qui prépare le papier. C’est en fait le premier examen local organisé et corrigé par des Mauriciens. Il y a les examens du PSAC et du NCE qui sont organisés localement jusqu’ici.

Mais, au niveau du SC, c’est une première. Les anciennes colonies britanniques ne font plus leurs examens avec Cambridge. Ils ont leur propre système mais il y a des accords qui sont signés avec Cambridge pour assurer que le niveau soit pareil.

Je crois donc que ce qui a été fait au niveau du KM est un grand pas et cela pourrait ouvrir d’autres possibilités pour d’autres matières. Nous parons de décolonisation avec Diego Garcia et les Chagos. Mais la décolonisation passe d’abord par la pensée !

GUILHEM FLORIGNY (linguiste) : « Le courage de promouvoir une forme de justice sociale ? »

Depuis 2012, le KM a graduellement connu son essor comme matière au programme scolaire jusqu’à figurer parmi les Examinable Subjects au NCE et au SC. L’espoir des militants de cette langue mais aussi de tous ces élèves ayant tout misé depuis le primaire pour réaliser leur rêve d’embrasser un métier autour de cette langue était grand l’an dernier quand le PM a annoncé son inclusion au programme du HSC en 2024. Or, d’après la ministre de l’Éducation, les conditions ne sont pas réunies pour cela. Votre avis ?

Je crois avant tout que la langue kreol a connu une évolution très positive depuis une cinquantaine d’années. Dev Virahsawmy a posé les bases de réflexion sur cette langue et de son importance dans notre société.

Le KM est la langue qui appartient aux gens du pays. Depuis une vingtaine d’années, il y a eu des efforts pour standardiser la graphie. Il y a eu l’inclusion de la langue au primaire en 2012 et elle est entrée au secondaire à partir de 2018. Elle a été examinée pour la première fois au NCE il y a deux ans et cette année, pour la première fois, le kreol, qui est la langue nationale, prend la place qu’elle est censée avoir, aux examens du SC.

Comme le recommande l’Unesco, les enfants devraient apprendre dans la langue dans laquelle ils communiquent car c’est dans cette langue que nus construisons tout son savoir. Et, notre savoir est davantage maîtrisé dans la langue dans laquelle nous nous exprimons.

Je pense donc que pour tous ceux qui sont sur le terrain : universitaires, enseignants, cadres du MIE et d’autres qui militent pour le kreol dans l’éducation depuis plus de 45 ans, cette déclaration a été reçue comme une gifle. Toutes les institutions tertiaires : l’UoM, le MIE et le MES ont déjà travaillé pour que le KM soit enseigné en HSC. C’est une suite logique puisque le KM est présent jusqu’en SC et il ne reste que les deux années du HSC.

D’après les explications de la ministre, un des obstacles serait un nombre insuffisant d’œuvres littéraires dans l’orthographe standard. Pensez-vous que cela constitue vraiment un problème à l’introduction du KM au programme du HSC ?

Absolument pas ! Premièrement, si nous regardons  les autres papiers qui existent pour l’anglais comme matière principale, 9 textes figurent au programme et pour le français 4 ou 5 textes. Il suffirait donc d’avoir quatre ou cinq textes littéraires en KM, que ce soit poésie, roman ou conte.

La Creole Speaking Union (CSU) a, ces dernières années, publié beaucoup d’œuvres littéraires. Il y a d’autres écrivains qui écrivent en kreol standard. Ensuite, il est bon de souligner que le KM en est à ses balbutiements à l’écrit. Nous sommes dans un processus de standardisation depuis 2012. Mais, cela ne veut absolument pas dire que la façon dont nous écrivons est la seule façon qui existe et qui existera à tout jamais d’écrire en kreol.

Les langues évoluent naturellement et l’écriture a tendance à évoluer aussi avec la prononciation. Une langue est dynamique et pas statique. Prenons l’espagnol : la langue est réévaluée chaque dix ans environ pour que l’écrit corresponde à la prononciation. Prenons un texte du XVIe siècle qui aura été réécrit au XVIIe, XVIIIe, XIXe siècles, 50 ans et aujourd’hui : il y aura une différence au niveau de la graphie.

Même l’orthographe du KM qui existe actuellement date de 2011. Elle est revue et réévaluée par la CSU, qui ne devrait pas tarder à publier une nouvelle version avec des changements. Quand Shakespeare a écrit ses textes en anglais, l’anglais n’était pas encore standardisé à l’époque. Il y avait beaucoup de variations dans la façon d’écrire. Cela veut-il dire qu’à l’époque de Shakespeare ou de Chaucer, leurs textes qui sont aujourd’hui des classiques de la littérature anglaise n’auraient pas dû être enseignés ?

Les textes en kreol, il y en a des tonnes aujourd’hui. Rien que l’héritage littéraire (plus de 4 000 textes dont la plupart sont en kreol) légué par Dev Virahsawmy en atteste. S’il faut faire des adaptations graphiques pour que les textes soient dans l’orthographe officielle d’aujourd’hui, cela peut se faire aussi ! Donc, cet argument ne tient pas la route.

Pour votre part, considérez-vous que le KM est prêt pour être enseigné en HSC en 2024 ?

Il suffit d’y croire ! Le nombre d’enfants va croissant d’année en année pour cette matière.

Quels sont les avantages que déclencherait l’introduction du KM en HSC pour les jeunes Mauriciens ?

Il faut se poser une question fondamentale : quel est le but réel de l’éducation ?

Pour moi, l’éducation est un moyen d’accéder au savoir et de promouvoir une forme de justice sociale. Aujourd’hui, si je me base sur les résultats du PSAC, je constate d’abord qu’il y a environ 20% d’enfants qui ne savent pas lire ni écrire et qui échouent dans toutes les matières y compris le KM.

Les 80 % restants, il n’y a qu’eux qui maîtrisent certaines langues à l’écrit. Si nous prenons  le français et l’anglais, des matières obligatoires, le pourcentage d’élèves qui arrivent à avoir un ‘A’ est relativement faible. Par contre, 70 % des élèves qui réussissent à l’épreuve de KM, en sortent avec un ‘A’.

Ce n’est pas parce que l’examen est plus facile –  il est équivalent à l’examen de français et d’anglais. C’est parce qu’ils pratiquent cette langue tous les jours et ils n’ont qu’à apprendre les règles de l’écrit pour pouvoir l’utiliser.

Donc, la question est : voulons-nous promouvoir une forme de justice sociale et permettre à tous les citoyens d’accéder à une forme de savoir qui leur permet de progresser ou voulons-nous perpétuer des pratiques un peu néocoloniales en promouvant des langues étrangères ? Voulons-nous au final exclure la majorité de la population des avancements possibles ? En effet, beaucoup échouent non parce qu’ils sont bêtes mais parce qu’ils ne comprennent pas ce qui leur est demandé.

En conclusion ?

Perpétuer les préjugés autour du KM ou avoir le courage de faire des changements bénéfiques pour la population, qu’est-ce qui est plus important ?

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