L’invasion de la Russie en Ukraine n’est pas sans conséquences sur les économies à travers le monde. Ainsi, le prix du pétrole a flambé, et ce n’est que le début. Minés par un pouvoir d’achat de plus en plus faible, les Mauriciens à revenus faibles et moyens assistent impuissants à un coût de la vie devenu désormais presque inaccessible.
Quelles répercussions sur lr tourisme et sur l’économie en général ? Sen Ramsamy, Managing Director de Tourism Business Intelligence, estime que « le tourisme et notre pays dans son ensemble ont toutes les raisons de s’inquiéter de la tournure des événements en Europe, avec cette guerre qui n’est pas seulement entre la Russie et l’Ukraine ».
Il rappelle ainsi que l’Europe représente le plus gros marché, lequel se relevait à peine de la pandémie lorsqu’elle s’est retrouvée « à l’épicentre d’une guerre qui risque de prendre des proportions dangereuses ».
La flambée du prix du pétrole, qui se répercutera directement sur le prix du billet d’avion, dit-il, touchera de plein fouet le secteur du voyage et du tourisme. Il anticipe une sévère baisse dans les arrivées en provenance de l’Europe.L’ex-directeur de l’AHRIM relève que la Russie était un marché important pour Maurice. « Les Russes et les Ukrainiens dépensent bien plus que les autres touristes qui viennent en vacances à Maurice » , dit-il.
L’économiste Kugan Parapen prévoit une ou plusieurs nouvelles hausses du prix du carburant dans le pays avec cette guerre. Se basant sur le calcul d’analystes, qui estiment que le prix du pétrole pourrait grimper jusqu’à USD 170, il dira qu’une hausse de presque 50% de là où on est actuellement n’est pas à écarter. Il est par ailleurs fort probable, prévient-il, que le pays soit confronté à une inflation jamais vue depuis la fin des années 70. Il est d’avis que « la compagnie d’aviation nationale aura du mal avec le coût du voyage devenant exorbitant, et les touristes choisiront des destinations plus courtes ». Ce qui le pousse à dire que « tout ce qui est produit localement devrait être de plus en plus privilégié par les Mauriciens ». L’aspect positif, veut croire Kugan Parapen, est que « ce genre de contexte est un stimulant pour les industries de substitution aux importations d’émerger ».
Amit Bakhirta, Chief Executive Officer (CEO) et fondateur d’Anneau, société de services financiers, relève que « plus la guerre durera, plus l’activité économique mondiale s’affaiblira ». Il prévoit d’autre part des répercussions sur l’investissement immobilier. « Le segment résidentiel de luxe en ressentira les effets, compte tenu de l’importance croissante des acheteurs russes de nos biens immobiliers depuis la dernière décennie », met-il en garde, estimant dans la foulée que « la confiance générale des investisseurs et des consommateurs est très susceptible d’être affectée, surtout si le conflit reste non résolu d’ici le milieu de l’année ».
SEN RAMSAMY (TOURISM BUSINESS INTELLIGENCE) :« Arrivées d’Europe : sévère baisse à prévoir »
Le monde entrevoit tout juste la lumière au bout du tunnel par rapport à la guerre contre le Covid-19 et voilà qu’une deuxième « guerre », au sens littéral cette fois, éclate en Ukraine, en plein cœur de l’Europe. Le tourisme mauricien doit-il s’en inquiéter ?
Le tourisme et la géopolitique sont étroitement liés. Les guerres, les conflits armés et le terrorisme sont autant de facteurs qui affectent le tourisme. De ce fait, le tourisme et notre pays dans son ensemble ont toutes les raisons de s’inquiéter de la tournure des événements en Europe, avec cette guerre qui n’est pas seulement entre la Russie et l’Ukraine. Elle implique directement tous les pays de l’Otan et affecte le reste du monde. L’Europe, le plus gros marché pourvoyeur de visiteurs, se relève lentement de la pandémie, mais se retrouve maintenant dans l’épicentre d’une guerre qui risque de prendre des proportions dangereuses.
L’impact immédiat est déjà ressenti dans le monde par la flambée du prix du pétrole. Et cela se répercute directement sur le prix du billet d’avion et, donc, il touche de plein fouet le secteur du voyage et du tourisme. Et quand les forces géopolitiques font monter la tension, comme en témoigne l’actualité, aucune destination touristique ne sera épargnée, et en toute logique, les gens préféreront rester chez eux pour mieux se protéger.
Depuis plusieurs années, je prône un nouveau Business Model pour le tourisme mauricien et une diversification intelligente des marchés. Notre pays paie le prix d’une résistance, parfois obsessionnelle, mais souvent émotionnelle, de certains opérateurs contre la nécessité d’un renouveau dans ce secteur. Se retrouver sur une liste rouge écarlate en pleine saison de pointe du tourisme était une bonne leçon.
Que représentent les touristes russes et ukrainiens pour Maurice en termes de visites et d’entrée de devises ?
La Russie était un marché important pour Maurice avec les vols réguliers d’Aeroflot sur cette route. À un moment, nous avions même atteint presque 20 000 visiteurs russes à Maurice. En 2019, le nombre de touristes russes avait considérablement baissé jusqu’à 11 000. L’Ukraine, pour sa part, était à hauteur de 4 000 visiteurs par an et, comme les Russes, ils dépensaient gros.
Les dépenses moyennes des Russes en visite à Maurice étaient de Rs 5 600 par personne par jour, comparé à une moyenne de seulement Rs 4 400 pour l’ensemble des visiteurs. C’est pour vous dire que les Russes et les Ukrainiens dépensent bien plus que les autres touristes qui y viennent en vacances. Cette clientèle haut de gamme fréquente les hôtels 5 étoiles, achète des produits de luxe et vit dans l’extravagance. Ce ne sont pas des Opportunity Markets, mais des marchés très porteurs pour le tourisme, l’investissement et la création de richesses. Il suffit de les mieux travailler au lieu d’en faire des opérations One-Off.
Les Européens, qui constituent la majorité du marché touristique local, sont donc susceptibles d’être réticents à voyager en cette période de guerre, qui se déroule quand même géographiquement sur leur continent…
L’impact d’une guerre est instantané sur le secteur du voyage et du tourisme. Dans les années 80, Maurice jouissait d’une croissance soutenue d’arrivées touristiques, soit autour de 11% annuellement. Cette tendance s’était subitement renversée avec la première guerre du Golfe, entre les USA et l’Irak, en 1991, ramenant ainsi la croissance touristique à 3%.
En 2001, avec les attaques contre le World Trade Center, le tourisme mondial était très affecté. Nous l’avions ressenti durement à Maurice, avec seulement 0,5% de croissance. Le même scénario avait été noté en 2003 avec la deuxième guerre du Golfe, quand la croissance touristique avait encore une fois chuté à 2% ou 3%.
Déjà, 2019 était une mauvaise année pour le tourisme à Maurice. Si la situation actuelle dégénère et devient une guerre plus élargie, le secteur du tourisme sera encore une fois à terre après le Covid. C’est pourquoi j’insiste qu’en ce temps moderne de l’innovation et de la technologie 5G, l’offre touristique ne doit pas être axée sur les trois S classiques des années 70. Il y a de multiples autres façons d’attirer les étrangers à Maurice et d’augmenter plus sensiblement les recettes en devises, de relancer l’emploi et de recréer de la richesse.
Il y a aussi la crise économique mondiale, qui sera encore plus accentuée par cette guerre entre la Russie et l’Ukraine…
Avec le prix du pétrole qui flambe, l’économie mondiale sera encore plus affectée, le secteur de la production et de la distribution sera gravement touché, et le transport aérien et maritime sera à genoux. Donc, ce ne sera pas que le tourisme qui sera touché, mais tous les secteurs d’activité dans le monde.
Pour Maurice, les principaux marchés émetteurs de touristes se trouvent en Europe. Ce ne sera pas le moment des grands voyages de détente et de loisirs pour les Européens. Donc, la baisse dans les arrivées en provenance de cette région sera sévèrement ressentie.
En conclusion…
En ce temps de préparation budgétaire, tous les regards sont braqués sur le tourisme pour relancer la machinerie économique. Je rappelle que dans le dernier budget, l’État s’était fixé un objectif de 325 000 touristes pour 2021 et, comme mesure phare, un Rebranding de la destination. Ce Rebranding, lancé en juillet 2021 par la MTPA, s’est vite retrouvé au frigo. Comme je l’avais prévu, Maurice a peiné pour faire que la moitié de l’objectif fixé. Pour 2022, le gouvernement compte miser sur un million de touristes. C’est jouable. Mais déjà nous partons avec un large déficit de 100 000 touristes en ce premier mois de pointe avec seulement 40 000 visiteurs sur environ 140 000 normalement.
Avec la guerre, la pente s’annonce encore plus raide, sans compter les élections présidentielles en France, qui pourraient aussi freiner les arrivées venant de ce marché jusqu’au mois d’avril au moins. Il ne suffit pas de se fixer un objectif d’un million de touristes pour réussir. Il faut se donner les moyens pour l’atteindre. Des actions fortes et des mesures innovantes sont nécessaires pour réussir notre tourisme. Si nous suivons aveuglément les lobbies et la résistance au changement dans le tourisme mauricien, la manne tombera encore une fois à côté, chez les concurrents.
KUGAN PARAPEN (ÉCONOMISTE) : « Vers une inflation jamais vue depuis les années 70 »
La guerre entre la Russie et l’Ukraine génère déjà eu des retombées sur les consommateurs mauriciens à travers la montée en flèche du prix de carburant. Alors que nous subissons de plein fouet les séquelles économiques du Covid-19, qu’en sera-t-il avec cette guerre ?
Il faut dire que les deux dernières hausses ne sont pas nécessairement liées à la guerre en Ukraine. C’est davantage parce qu’il y avait tellement de demandes que le prix a pris l’ascenseur. Et depuis que la guerre a commencé, le cours du pétrole est monté de 10 à 15%, voire plus. Les répercussions se ressentiront dans les semaines ou mois à venir. Il y aura probablement une ou plusieurs autres hausses à Maurice.
L’Ukraine et la Russie sont de gros exportateurs de produits agricoles, comme le blé. Il faut s’attendre à une flambée des prix sur divers produits de consommation. Les effets de cette hausse du pétrole se feront sentir à tous les niveaux. Il est fort probable qu’on ait une inflation jamais vue depuis la fin des années 70.
Quels sont à Maurice les secteurs qui sont les plus susceptibles d’être perturbés par cette guerre ?
L’aviation consommant beaucoup d’énergie, la compagnie nationale, Air Mauritius, aura du mal, car le coût du voyage sera exorbitant. On va peut-être passer la hausse sur le prix du billet. Beaucoup de nos touristes viennent d’assez loin, d’Europe surtout, et une hausse des prix fera que ces derniers choisiront des destinations plus courtes par rapport à leur budget.
Côté finances, à ma connaissance, il n’y a pas énormément d’argent russe à Maurice, même s’il y en a quand même. Il faudrait savoir quel est l’alignement de Maurice par rapport aux sanctions introduites en Europe. Est-ce qu’on suivra ces sanctions ou deviendra-t-on un repaire pour l’argent russe… Vu que Maurice a voté en faveur de la résolution à l’ONU contre la Russie, elle devrait s’aligner avec ces sanctions.
Autre secteur à même d’être affecté ?
La Russie étant un gros producteur de potassium, très utilisé par les agriculteurs. Ces derniers, déjà affectés depuis deux ans, seront donc impactés. L’offre sera amoindrie et les prix vont forcément monter en flèche. Certains analystes estiment que ce qu’on est en train de vivre avec le pétrole est l’inverse de ce qu’il y a eu en 2020, où le prix du pétrole avait plongé en territoire négatif brièvement. C’était dû au fait qu’il n’y avait plus de demande.
On voit aujourd’hui le scénario inverse. Des analystes estiment que le prix du pétrole pourrait monter jusqu’à USD 170, ce qui représente une hausse de presque 50% par rapport à aujourd’hui. C’est un Worst Case Scenario. Mais le pétrole à USD 120 est tout à fait envisageable.
Imaginez le prix de l’essence à Rs 75 le litre… Cela aura des effets très conséquents. Il y aura certainement un ralentissement économique dans le monde. Dans le passé, quand les Etats-Unis avaient fait la guerre en Afghanistan, en Syrie ou en Irak, qui sont de petites économies, il n’y avait pas de sanction contre les Américains. L’économie mondiale n’a pas vraiment senti les effets de la guerre, alors qu’ici, on parle de sanctions contre la Russie, qui représente une grosse pointure économique sur le plan international. Si personne ne veut traiter avec une grosse économie mondiale, imaginez l’impact économique !
Quels recours le gouvernement a-t-il aujourd’hui pour soulager les consommateurs ?
À force d’avoir mal géré les réserves en faisant des largesses et des promesses à gauche et à droite, ce qui a coûté une fortune à l’État, aujourd’hui, ce dernier n’a malheureusement pas les moyens de protéger la population. Maintenant, la population va vraiment comprendre la situation désespérée dans laquelle où elle se trouve. Ailleurs, comme en France, on arrive à aider la population à travers des subsides pour empêcher que les prix ne prennent l’ascenseur, alors qu’à Maurice, nous avons eu deux récentes hausses massives du pétrole.
Beaucoup réclament le retrait des taxes sur l’essence…
Oui, c’est bien facile d’enlever des taxes. Mais il faudra les remettre quelque part d’autre pour générer des revenus. Le Mauricien aura à réévaluer ses priorités, changer de mode de vie, moins de voitures, plus de transport en commun. On parle beaucoup aussi de production locale. Le fret augmentera suite à la hausse du pétrole. Tout ce qui est produit localement devrait être de plus en plus privilégié par les Mauriciens.
Ce genre de contexte est aussi une opportunité pour les industries de substitution aux importations d’émerger. C’est vrai que nous en avons parlé pendant très longtemps sans qu’il n’y ait vraiment eu d’initiative dans cette direction. C’est dans cette situation où nous n’avons pas vraiment le choix, des fois, que nous nous voyons contraints de faire ce que nous aurions dû faire depuis longtemps…
Votre conclusion ?
Cette guerre n’est pas nécessairement comme les autres guerres que nous avons connues il y a 10 ou 20 ans. C’est une guerre de plus grande envergure. Nous sommes dans un scénario qui pourrait ressembler au début de la Seconde Guerre mondiale. Même si nous sommes loin du conflit, cela nous affectera certainement d’une manière ou d’une autre. Nous sommes peut-être en train de vivre quelque chose d’historique dont nous en parlerons pendant plusieurs générations. Il faut suivre de très près ce qui se passe et anticiper ce qui pourrait se passer. Cela pourrait durer des années, comme cela pourrait durer quelques mois. Mais ce n’est pas demain la veille que cette guerre s’arrêtera.
C’est un nouveau monde qui se dessine à l’horizon. Un monde qui n’est plus celui que nous avions connu après la chute du mur de Berlin, qui était un monde de paix. Nous retournons dans une période d’instabilité, où il y aura un rééquilibrage du monde. Déjà, nous savions que la Chine, l’Inde et la Russie prenaient un peu de pouvoir par rapport aux autres pays de l’occident. Ce qui se passe en ce moment est peut-être le prélude de ce qui pourrait se passer avec la Chine et l’Inde. Même leur abstention aux Etats-Unis pourrait vouloir dire qu’ils ont des visées impérialistes et veulent agrandir leur influence sur le monde.
AMIT BAKHIRTA (ANNEAU) : « Plus la guerre durera, plus l’activité économique s’affaiblira »
La guerre entre la Russie et l’Ukraine affecté déjà les consommateurs mauriciens à travers la montée en flèche du prix du carburant depuis peu. Alors que nous subissons de plein fouet les séquelles économiques du Covid-19, qu’en sera-t-il avec cette guerre ?
Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, le risque d’une éventuelle annexion de l’Ukraine, également par la Russie, était palpable. N’oublions pas que l’Ukraine est une ancienne république de l’URSS et que les Ukrainiens et les Russes sont le même peuple à l’origine. Au sein de l’Ukraine, il y a quand même des partisans d’une annexion de la Russie (plus de 45%, selon une estimation), et plus de 13 ex-républiques soviétiques sont désormais membres de l’OTAN. Avec l’armée américaine à leurs portes, nous voyons cette décision des Russes comme une manœuvre tactique défensive, et non une manœuvre offensive. Leur demande aux États-Unis et à l’OTAN de rester à l’écart de ce conflit raisonnablement interne est compréhensible.
Depuis novembre dernier, il y avait eu de fortes indications à l’effet que la Russie pourrait agir, en particulier avec la militarisation accrue de la région par les États-Unis et l’OTAN. Chez Anneau, nos principales considérations sont de savoir si cette guerre s’étend au-delà des frontières ukraino-russes pour inclure un ou plusieurs pays de l’OTAN de manière suffisamment importante pour conduire à une guerre entre la Russie et les pays de l’OTAN.
Quels sont à Maurice les secteurs à même d’être perturbés par cette guerre ?
L’inflation, le resserrement des politiques et le risque géopolitique (Russie-Ukraine) ont été un triple coup pour l’économie mondiale en 2022. Le FMI, avant le conflit, avait déjà abaissé ses prévisions de croissance économique mondiale pour 2022 de 4,9% à 4,4% (0,50% plus faible). Plus la guerre durera, plus l’activité économique mondiale s’affaiblira.
Par conséquent, chez Anneau, nous avons révisé nos estimations de la fourchette de croissance économique 2022 entre +5,9 et 6,1%, avec de nouveaux ajustements à la baisse plausibles d’ici le milieu de l’année. Alors que les touristes russes et ukrainiens représentaient généralement environ 3% des arrivées des touristes à Maurice, nous nous attendons que ce chiffre connaisse une forte baisse (moins de 1%). Ces tensions géopolitiques en Europe apportent un environnement inflationniste persistant et, donc, un revenu disponible plus faible pour les voyages long-courriers, qui peut avoir des ramifications sur nos autres grands marchés touristiques européens.
Le segment résidentiel de luxe (villas) en ressentira les effets, compte tenu de l’importance croissante des acheteurs russes de biens immobiliers à Maurice au cours de la dernière décennie. En outre, plusieurs Integrated Development Environment (IDE) russes sont plus que susceptibles d’être affectés, notamment en raison des sanctions économiques et financières imposées à la Russie. La confiance générale des investisseurs et des consommateurs est très susceptible d’être affectée, surtout si le conflit reste non résolu d’ici le milieu de l’année.
Comment l’importation de matières premières de ces deux pays impactera-t-elle notre économie ?
À notre connaissance, nous n’importons pas nos principales matières premières pétrolières et gazières de la Russie et de l’Ukraine, et donc, si en termes d’approvisionnement, nous ne voyons pas de perturbations majeures, au niveau des prix cependant, les ramifications se font déjà sentir et se feront probablement sentir pour les prochaines semaines. Il est toutefois intéressant de noter que les prix du pétrole et du gaz n’ont jamais dans l’histoire été soutenables à ces prix, car ils finissent par tuer toute croissance économique et les entreprises, et les individus finissent par s’étouffer !
Alors qu’en tant que pays du Commonwealth, nous devrons en outre respecter les sanctions croissantes imposées par l’UE, l’ONU et l’OTAN, et donc, dans certains cas, nous devrons peut-être trouver d’autres alternatives d’importation le cas échéant.
En quoi cette guerre en Ukraine change-t-elle les perspectives économiques que vous entrevoyiez en début d’année pour Maurice ?
Déjà, nous nous attendions à une reprise du tourisme beaucoup plus forte, ce qui peut encore être le cas si nos principaux marchés ainsi que d’autres reprennent. Par exemple, nous constatons une augmentation des chiffres en provenance d’Afrique et d’Asie, tandis que les chiffres européens sont susceptibles d’être troublés par un sentiment de prudence, conduisant ainsi à une reprise globale du tourisme plutôt modérée en 2022. Au moment même où nous sortons de la liste grise de l’UE, l’économie financière est touchée par ces problèmes géopolitiques européens, mais nous les avions anticipés depuis la fin de l’année dernière.
Alors que nous anticipions des pressions inflationnistes persistantes depuis 2020 et une éventuelle hausse des taux par la Banque de Maurice, maintenant, compte tenu des incertitudes et des chiffres de la croissance économique mondiale, rapidement révisés à la baisse, la BoM pourrait retarder les resserrements si la croissance économique commence à ralentir, mais, surtout, si le conflit devait durer, elle devra également faire face à une énigme encore plus compliquée consistant à équilibrer une inflation élevée (prix du pétrole et des matières premières, qui reste obstinément élevé) avec la croissance économique.
Quels recours le gouvernement a-t-il aujourd’hui pour soulager les consommateurs mauriciens ?
Je ne pense pas que sa priorité soit telle, compte tenu des politiques de régime de change du pays et du fait que les finances publiques sont dans un état raisonnablement catastrophique. Donc, plus que d’augmenter les subventions à ce stade, la priorité, pensons-nous, va être un plan de dépenses budgétaires plus strict et plus discipliné, ainsi qu’une réflexion sur l’augmentation des recettes fiscales.
Les ajustements salariaux sont une option, surtout compte tenu du fait que la monnaie de notre pays a perdu plus de 25% de sa valeur, mais de plus en plus à effet limité. Par conséquent, la poudre à canon est serrée et limitée, et la meilleure décision politique serait de proposer des cartes de subvention pour les plus vulnérables, et donc pas pour tout le monde. Cela garantirait au moins que les plus vulnérables de la société sur le plan économique puissent consommer dignement en ces temps difficiles.