Société : Le bilan de l’ONG Drwa A Enn Lakaz pour 2021

Le bilan annuel de l’ONG Drwa A Enn Lakaz (DAL) résume le travail accompli pour reloger 41 familles mauriciennes expulsées « manu militari » de leurs longères par le ministère du Logement, en mai 2020. Ce bilan met aussi l’accent sur l’absence d’une politique donnant droit à chaque famille mauricienne à un logement, en dépit des conventions internationales signées par l’État mauricien. Nous vous invitons à lire le bilan de DAL.

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« 2021 est derrière nous. En tant que Présidente de la Platform Sitwayen : Drwa a Enn Lakaz (DAL) et au nom de toute l’équipe de coordination et de suivi, je tiens à remercier celles et ceux qui soutiennent nos actions de support administratif et financier aux 130 familles que nous aidons depuis le confinement de mai 2020, après que le ministère du Logement a fait bulldozer leurs bicoques en tôle, laissant femmes et enfants littéralement à la rue.

À ce jour, les dossiers de 59 de ces familles injustement étiquetées de voleurs de place, “ki ti pe sot lake”, ont été validés. 41 familles ont passé Noël avec un toit sur leurs têtes. 14 familles ont reçu la confirmation qu’elles auront bientôt une maison. Pourquoi ? Car elles étaient déjà enregistrées à la NHDC quand on les a mises à la rue.

Elles n’ont pas eu une maison parce qu’on leur a fait une faveur, comme on pourrait le croire lors des cérémonies où l’on se glorifie en coupant des rubans… mais parce qu’elles ont été aidées dans le labyrinthe administratif de la NHDC, qu’elles ont économisé à hauteur de ce qu’elle peuvent financièrement pour participer au paiement de dépôts démesurément élevés au regard de leurs maigres revenus, et surtout… parce qu’il y a de généreux Mauriciens d’ici et d’ailleurs qui contribuent afin d’aider à payer ces dépôts qui peuvent aller jusqu’à Rs 90,000 / Rs 100,000. Ce sont aussi des personnes qui payent un loyer mensuel.

DAL souhaite souligner encore une fois que pour les personnes vivant dans la précarité, l’accès à une maison NHDC n’est pas possible sans une aide financière… L’approche One fits all ne doit pas s’appliquer à tous, cela n’est pas viable.

De ces 41 familles qui ont fêté Noël dans leurs maisons, 29 sont de Pointe aux Sables, 8 de Riambel, 2 de Malherbes et 2 ont été référées à DAL par la NHDC. Nous avons une pensée spéciale pour le petit Mathéo, décédé l’année dernière, et que nous avions hébergé avec une trentaine de familles à l’école Henri Souchon, dont les portes avaient été généreusement ouvertes un soir de mai 2021 grâce à la famille Souchon-Leclézio, qui s’en occupe, et la chaleureuse énergie de sa responsable, Monique Leung.

59 familles, c’est beaucoup et c’est tellement peu à la fois ! 59 familles où les sourires des enfants ont pu briller au chaud d’un foyer. 59 familles, ce sont 236 adultes, ados et enfants qui traversent cette fin d’année difficile, certes, mais en levant la tête quand ils vous disent : “Sa lane-là, mo pou met enn sapin pou mo zanfan”, “Mo kontan mo ena enn zoli lasam” ou “Nou finn dir fami vini pou lane”. Cela, grâce au temps énorme consacré par notre accompagnatrice sur le terrain, Christiane Chowree, le support constant de Gérard Mongelard et notre équipe de volontaires, pour faire bouger les choses !

C’est beaucoup mais c’est si peu, quand on sait combien de personnes ne sont même pas “éligibles”. Combien font face aux méandres des démarches entre la NHDC et la NEF ? Tout un sujet en lui-même, que DAL compte mettre en lumière en 2022.

« Rien ne changera vraiment tant que le principe même de la NHDC ne changera pas lorsqu’il s’agit de personnes vivant dans la précarité »

Pire encore, rien ne changera vraiment tant que le principe même de la NHDC ne changera pas lorsqu’il s’agit de personnes vivant dans la précarité. Ne pouvant, donc, être soumises aux mêmes règles que des salariés ayant des revenus stables. Comme partagé avec la direction de la NHDC, une approche spécifique doit s’appliquer pour ceux n’ayant pas de revenus stables, vivant dans des conditions précaires, voire les cas de hardship. Ceci relève d’une simple décision administrative, qui tombe sous le coup d’une logique implacable et pratiquée partout où existe une véritable politique de logement social. Pourquoi cette absence de volonté politique ? Qui sont ceux qui sont majoritairement discriminés ?
Sans compter les frais de notaires qui viennent se rajouter, alors que les dossiers de ceux identifiés comme hardship cases devraient bénéficier d’une subvention des frais notariés.

De plus, légalement parlant, ces frais notariés devraient être frappés uniquement sur le montant payable par le bénéficiaire. Et non sur la totalité de la valeur de la maison, qui est en partie subventionnée par la NHDC. Autre anomalie qui sera suivie de près par DAL, cette année, afin que cette énième injustice soit rectifiée.

Drwa A Enn Lakaz a aussi élargi son action en 2021, en soutenant et travaillant en collaboration avec les ONG de la région de l’Ouest, comme Le Pont de Tamarinier, Kolektif Rivier Nwar, Motilakaz et Caritas de Bambous. Une région où de très nombreux Mauriciens vivent dans des conditions difficiles à imaginer. Ils ont, en effet, une épée de Damoclès sur leur tête, pouvant être éjectés à tout moment… bien que vivant là depuis plus de 20 ans pour certains.

Bien que le dialogue soit instauré avec la NHDC avec quelques personnes de bonne volonté, la question fondamentale demeure : il est impératif de regarder en face la question de la répartition des terres, dans une perspective historique. Et cela, depuis l’abolition de l’esclavage. N’oublions pas qu’à cette époque, les propriétaires d’esclaves et les travailleurs engagés ont été compensés pécuniairement et en recevant des lopins de terre. Les esclaves affranchis, eux, n’ont rien reçu pour démarrer leurs nouvelles vies. Déjà à l’époque, ils s’étaient trouvés contraints de squatter pour avoir un toit sur leurs têtes. Jusqu’à quand cette injustice ne sera-t-elle pas réparée ?

Elles sont bien loin les 12,000 nouvelles maisons annoncées en grande pompe en 2020. Elle semble encore plus loin la politique nationale de réparation quand à l’accès des descendants d’esclaves à la terre. « Nous comptons continuer à faire entendre haut et fort, sur le plan national et international, la voix des Mauriciens privés de leur droit à un logement décent depuis des générations. »

Pourtant, nous le répétons ad nauseam, notre Constitution et les conventions internationales auxquelles l’État mauricien est signataire garantissent le respect des droits fondamentaux, les grands principes du respect de ces droits et l’interdiction de toute forme de discriminations systémiques. Le droit international reconnaît le droit de chacun à un niveau de vie suffisant et à un logement convenable.

L’Article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme prévoit que ‘Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement (…).’. La cible 11 des Objectifs de Développement Durable des Nations Unies vise à l’accès à un logement décent pour tous ainsi qu’à des services de base adéquats et sûrs, à un coût abordable, et un assainissement des quartiers de taudis.

Le Government Programme 2020-2024 au point 22 indique que “Government will accelerate housing programmes for both low and middle income families, with special focus on the needy and vulnerable”.

La Convention internationale Relative aux droits de l’Enfant (1990) et la Charte africaine des Droits et du Bien-Être de l’enfant (1992) stipulent qu’il est du devoir de l’État d’adopter les mesures appropriées pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l’enfant à assurer leur droit au logement. Ceci, en offrant une assistance matérielle et des programmes d’appui. Le Equal Opportunity Act est aussi en vigueur.

Au final, c’est l’absence du droit constitutionnel garantissant le Droit Fondamental à l’accès à un logement décent qui permet les dérives administratives et sociétales ancrées historiquement, en particulier envers les descendants des victimes de l’esclavage. Nous plaidons pour que notre Constitution soit amendée, afin d’inclure le Droit au Logement : le grand absent de nos droits fondamentaux constitutionnels.

En mai 2021, DAL, avec la collaboration de l’anthropologue Maya de Salle et du Kolektif Rivier Nwar, a soumis un rapport au United Human Rights Office of the High Commissioner on Housing Discrimination and Spatial Segregation. Nous comptons continuer à faire entendre haut et fort, sur le plan national et international, la voix des Mauriciens privés de leur droit à un logement décent depuis des générations. »

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