Société : L’APEIM célèbre ses 55 ans avec l’encadrement de 7 000 bénéficiaires

Depuis 1970, l’Association des parents inadaptés de Maurice (APEIM) accompagne les personnes en situation de handicap intellectuel et leurs familles. Après avoir confié la gestion de ses écoles spécialisées au Service diocésain de l’éducation catholique (SeDEC), l’association se concentre sur les services médical et paramédical, l’intervention précoce et les ateliers de créativité pour les jeunes adultes. Afin de financer ces activités, une exposition-vente de tableaux de deux bénéficiaires ainsi qu’un spectacle, ont été organisés à la House of Digital Art, à Port-Louis.

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En 55 ans, plus de 7 000 bénéficiaires ont été encadrés par l’APEIM. C’est grâce à l’initiative de Nancy Piat, elle-même mère d’un enfant porteur de trisomie 21, que l’association a été mise sur pied, pour offrir un soutien aux autres parents. Un an plus tard, une première structure permettant d’accueillir des enfants en âge d’être scolarisés est mise sur pied dans une salle de classe au collège Notre-Dame, à Curepipe. Une deuxième classe suivra deux ans plus tard, jusqu’à ce que l’APEIM ne prenne ses quartiers à Saint Paul, en 1975, avec une quinzaine d’élèves.

Les bénéficiaires ayant grandi entre-temps, la nécessité d’une nouvelle structure pour les 18 ans et plus se fait sentir. Le premier atelier d’apprentissage voit ainsi le jour en 1978. Le Service d’intervention précoce suivra en 1983, pour accompagner les parents des enfants en situation de handicap intellectuel de la naissance jusqu’à sept ans. 1987 marque une nouvelle étape dans l’intégration des citoyens porteurs de handicap. Les premiers apprentis des ateliers sont placés en entreprise.

La nécessité de professionnaliser davantage le service se fait de plus en plus sentir. C’est ainsi qu’en 1994, 13 membres de l’APEIM ont l’opportunité de suivre une formation médico-psychologique. Entre-temps, plusieurs structures de l’APEIM s’ouvrent dans différentes régions de l’île, donnant ainsi la chance aux enfants avec un handicap intellectuel d’aller à l’école. Une autre étape est franchie en 2009, quand l’APEIM obtient un terrain de l’État à Trianon pour son quartier général. À cette époque, l’association comptait quatre ateliers et neuf écoles à travers l’île.

Cependant, il devient de plus en plus difficile pour les responsables de l’APEIM de trouver les fonds nécessaires pour gérer toutes ces structures. L’association a réclamé en plusieurs occasions, allant même jusqu’à faire des manifestations, le droit à l’éducation gratuite pour ses bénéficiaires. Car à ce moment-là, les parents devaient contribuer financièrement pour la scolarisation de leurs enfants.

Droit à l’éducation

Faute de solutions appropriées auprès du ministère de l’Éducation, l’APEIM finit par céder la gestion de ses écoles au SeDEC, en 2017. Il y a aujourd’hui huit unités intégrées SEN dans huit écoles primaires RCA. L’APEIM continue en parallèle ses services d’intervention précoce, médical et paramédical et les ateliers d’apprentissage.

En tant qu’organisation non gouvernementale, l’APEIM avait droit à une subvention du gouvernement, à travers le ministère de la Sécurité sociale, qui ne permettait pas, hélas, de couvrir tous les frais. Depuis 2020, la National Social Inclusion Foundation a pris le relais pour le financement d’une partie des coûts opérationnels. Mais là encore, les fonds ne sont pas toujours suffisants, surtout qu’il y a de nouveaux besoins. Deux nouveaux projets ont notamment vu le jour cette année. Ils sont le Café inclusif et le centre de formation.

Le service médical et paramédical est aujourd’hui composé d’une infirmière/secrétaire médicale à plein-temps, de deux médecins à temps partiel, trois psychologues à temps partiel, d’une ergothérapeute à temps partiel et d’une physiothérapeute bénévole. Ce service accueille les parents ayant un enfant en situation de handicap intellectuel, dont la trisomie 21 et les guide vers le professionnel de santé approprié pour le suivi.
Rien que pour l’année 2023, il y a eu 146 évaluations, dont 46 filles et 100 garçons. Parmi, il y a eu 57 diagnostics de trouble du spectre autistique, 37 diagnostics de déficience intellectuelle et 25 diagnostics de retard global de développement.

Le service d’intervention précoce est l’autre axe du service. À l’origine, l’objectif était d’accueillir des enfants en groupe afin de les aider à stimuler et développer leurs aptitudes sociales, motrices, physiques, cognitives, émotionnelles et langagières. Toutefois, avec l’arrivée de plus en plus d’enfants autistes ces dernières années, le format d’intervention a évolué. Car la prise en charge en groupe est plus complexe avec ces enfants.
Le service d’intervention précoce est donc maintenant axé davantage sur des séances individuelles pour les enfants, ainsi que l’écoute et le conseil pour les parents et les proches. Plusieurs activités sont aussi organisées au cours de l’année. Trois éducatrices et une social worker sont affectées à ce service, qui coûte Rs 1,5 million par an. D’où la nécessité de trouver des fonds. Car outre les subventions et financements reçus, il faut un montant supplémentaire de Rs 6,5M pour boucler le budget annuel. Un gros challenge pour parvenir à conserver le personnel qualifié.

Les enfants sont accueillis dans ces deux services jusqu’à l’âge de cinq ans. Après quoi, ils sont dirigés vers une école SEN. Aujourd’hui, l’éducation pour les enfants en situation de handicap est totalement prise en charge par l’État, à travers la Special Education Needs Authority (SENA). Une victoire sur le tard pour l’APEIM, qui s’est battue pour que les enfants vivant avec un handicap aient les mêmes droits à l’éducation gratuite que les autres enfants du pays.

Jerry Chung (président et parent) : « Kenny est heureux et s’est fait des amis »

S’exprimant lors de la soirée anniversaire, Jerry Chung, président de l’APEIM, a raconté comment sa famille a elle-même bénéficié des services de l’association. « Lorsque Kenny est né et que mon épouse et moi avons appris qu’il était trisomique, nous étions désemparés. Notre monde s’est écroulé. À l’annonce du diagnostic, le médecin-pédiatre n’avait pas une vision très positive de ce que serait la vie future de Kenny. Dans cette vision, Kenny ne vivrait pas une vie similaire à celle des autres enfants. Il n’irait pas à l’école comme les autres, ne pourrait pas travailler, se marier, fonder une famille… »
Grâce à un ami, la famille est dirigée vers l’APEIM. La première rencontre avec le médecin de l’association leur redonne espoir. « Cette première visite a été très émouvante. Les autres bénéficiaires défilaient devant nous, nous offrant une vision concrète de comment serait notre enfant dans 20 ou 30 ans. Les mots du médecin à l’APEIM étaient différents du médecin que nous avions vu précédemment », reconnaît-il.

Jerry Chung confie avoir ainsi compris que Kenny devait être aimé et encadré au même titre que ses autres enfants. «Le médecin nous a fait comprendre que Kenny aurait besoin d’être stimulé et poussé, autant que possible, vers l’autonomie. Son discours présentait les personnes atteintes de trisomie 21 comme des surdoués de l’amour, capables de nous rendre au centuple, toute l’affection qui leur serait témoignée. »
Après sept années passées en crèche et maternelle, Kenny Chung intègre un cadre académique « aussi classique que possible », avec le soutien d’une Auxiliaire de Vie Scolaire. Un parcours riche qui lui permettra de s’épanouir. À 24 ans, il rejoint les ateliers de créativité de l’APEIM. Aujourd’hui, il est âgé de 31 ans. Son père témoigne : « il est heureux, s’est fait des amis, adore les éducateurs – les éducatrices surtout -, danse, chante, joue au Class Captain avec les plus jeunes. Si l’association a tenu pendant 55 ans, c’est grâce aux parents et au personnel dévoué », ajoute Jerry Chung.

Tableaux en vente
Pour valoriser ses bénéficiaires et contribuer aux dépenses des différents services, l’APEIM met en vente les tableaux de Jonathan Leboeuf et Harish Ramgolam. Ces deux bénéficiaires ont su démontrer leurs talents pour la peinture, grâce aux ateliers d’arts créatifs. Différents tableaux sont ainsi en vente et 70% reviendront aux artistes. Les 30% restants seront versés à l’APEIM pour soutenir son travail au sein des ateliers d’arts créatifs.

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