Réserves en eau très critique : Sous la barre des 40% cette semaine

Le spectre de la grande sécheresse de décembre 1999-janvier 2000 (26%) surgit

Très critique : le terme n’est pas assez fort pour décrire la situation dans laquelle se trouve le pays en termes de ressources en eau, le ciel ayant été avare en pluies durant ces quatre derniers mois. D’où la baisse drastique au niveau du taux de remplissage des sept réservoirs qui affichent une moyenne de 41,1% contre 81,8% le 18 septembre dernier. À pareille époque l’année dernière, le niveau d’eau était nettement supérieur, soit 70%. Et pour ne pas arranger les choses, à en croire les Mauritius Meteorological Services (MMS) dans son Summer Outlook 2022-2023, cette situation devrait perdurer jusqu’à la fin de l’été, faisant craindre un remake de la grande sécheresse de la période de décembre 1999- janvier 2000, lorsque le taux général des réservoirs avait baissé sous la barre des 30%.

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Le pays est déficitaire en pluie depuis le mois de septembre, et ce ne sont pas les pluies passagères qui sont tombées au cours de la semaine qui inverseront la tendance. Les précipitations estivales cumulées devraient être légèrement inférieures à la normale, avec environ 1 150 mm prévoit la station de Vacoas pour l’été 2022-23. La moyenne pour la saison se situe à un peu plus de 1 300 mm chaque été. Ce qui représente 67% de pluie pour toute l’année. La station de Vacoas s’attendait à de fortes pluies à la fin de la semaine écoulée, mais Dame Nature a préféré joue rles trouble-fête. Dans son Climate September 2022, La station de Vacoas avaient pourtant prévu une pluviométrie de 55 mm en novembre. Les prévisions météorologiques n’augurent rien de bon non plus pour cette semaine avec du beau temps, à l’exception de quelques ondées mercredi. La zone d’instabilité qui devait arroser le pays s’est en effet affaiblie en s’approchant de la région, d’où le faible taux de pluviométrie.

Les dernières estimations publiées par la Water Resources Unit (WRU) démontrent que le niveau des réservoirs passera sous la barre des 40% en moyenne, cette semaine. Mare-aux-Vacoas, le plus grand réservoir du pays, affiche actuellement un taux de remplissage de 48,5%. À cette même époque en 2021, le niveau était de 68,7%. Piton-du-Milieu est à 44,5 % de sa capacité, contre 69 % en 2021. Mare Longue affiche quant à lui 65%. Midlands Dam affiche un faible taux de remplissage de 33%. À la même époque l’année dernière, il était à 67%. Bagatelle Dam est à 36,5% de sa capacité, contre 77,2% en 2021, alors que La Nicolière est à 56,5%. La Ferme affiche un taux de remplissage de 27,7%.

Les CWA (Dry Season) Regulations 2022 promulguées
La situation est telle qu’on peut d’ores et déjà penser au spectre d’un remake de la grande sécheresse qui avait sévi à Maurice durant la période de décembre 1999-janvier 2000, lorsque le taux général des réservoirs avait oscillé entre 25 et 26%, provoquant la panique et une baisse dramatique de la production sucrière : 340 000 tonnes cette année-là pour un potentiel annuel de 625 000 tonnes ! Le directeur de la Water Resources Unit, Lomush Juggoo, tient quand même à préciser que « les barrages de Bagatelle et Midlands n’étaient pas encore opérationnels à l’époque. Nous croisons les doigts et attendons que les grosses pluiesnous soulagent. »

Suite à une décision prise par le Conseil des ministres, vendredi dernier, il est interdit d’utiliser un tuyau d’arrosage ou un arroseur « sans excuse raisonnable », ou tout autre appareil similaire de « manière inutile ». Ces mesures sont prises pour éviter le gaspillage d’eau. Les Central Water Authority (Dry Season) Regulations 2022 sont promulgués à cet effet. Il sera également interdit, sans excuse raisonnable, de procéder à l’irrigation de la canne à sucre par captage des ressources en eau. Une décision motivée par la situation actuelle de l’eau à Maurice.

QUESTIONS À – Osman Mahomed, député et ingénieur civil : « Le dessalement de l’eau de mer pas approprié… sauf »

« Le privé mais aussi l’État doivent investir dans le dessalement de l’eau de mer, surtout dans les zones côtières, afin d’améliorer notre capacité de distribution. » C’est ce qu’avait soutenu le ministre Joe Lesjongard, le 11 octobre dernier, face à la presse. Dans cet entretien, le député rouge et ingénieur civil Osman Mahomed affiche sa totale désapprobation face à l’implémentation de ce projet en mettant en avant « le fait que l’eau dessalée, au coût exorbitant, se perdra dans la nature à cause des tuyaux percés. »

Quel constat faites-vous de la situation critique dans laquelle nos réserves d’eau et la gestion de ce secteur en général au cours de ces dernières années ?
Je ne vais pas mâcher mes mots. C’est un vrai drame pour un pays qui est pourtant arrosé par environ 4000 mm de pluies par an. Ou pa mazine ki kantite sa delo-la pe al dan lamer. Je me pose des questions sur les compétences des membres du conseil d’administration de la CWA, en particulier celles de son directeur général Prakash Maunthrooa, qui n’est pas connu dans ce secteur, surtout dans la situation catastrophique où on se retrouve actuellement. Zame mo ti kone Prakash Maunthrooa inn travay dan sa sekter-la. Il y a eu plus de fausses promesses que de réalisations sous ce régime. Le ministre Joe Lesjongard peut-il nous montrer le nombre de projets implémentés depuis 2015 et s’ils ont porté leurs fruits. La réponse est claire lorsqu’on observe le mécontentement général dans les quatre coins de l’île.

Vous parlez de lacunes au niveau de la gestion de ce secteur. Sauf que ce marasme se poursuit sensiblement selon les mêmes tendances observées depuis 22 ans avec le PTr qui était au pouvoir durant neuf  années. On en débat, on élabore des programmes, on aligne les promesses toujours sans lendemain ?

Loin de là. Sachez qu’avant 2015, une ribambelle de projets avaient été complétés ou orchestrés par le PTr, comme le Bagatelle Dam, qui ne peut toujours pas fonctionner au meilleur de sa capacité. Les premiers résultats positifs étaient palpables à cette période avec une nette amélioration au niveau de la distribution avant qu’Ivan Collendavelloo et Joe Lesjongard par la suite ne prennent le relais.

Et quid du projet du Rivière-des-Anguilles Dam annoncé en grande pompe à maintes reprises par le Premier ministre Pravind Jugnauth. Ce barrage aurait certainement pu soulager bien des régions ?

Savez-vous que cette rivière regorge d’eau propre. D’après des statistiques publiées en octobre 1999, cette rivière peut apporter jusqu’à 1,8 million mètres cubes d’eau par mois qui se perdent dans la nature et dans la mer. Pena pou fer bel tretman ar li. Le projet dort dans le tiroir des projets fantômes, alors que ce barrage aurait pu retenir toute cette source d’eau pour soulager la population. Joe Lesjongard n’aurait jamais parlé du projet absurde de dessalement d’eau de mer pour alimenter le public dans ce cas. À défaut de ce barrage, il existe d’autres techniques qu’on peut utiliser pour retenir l’eau, comme les river dikes comme le Municipal Dike de Pailles qui alimente la région de Port-Louis avec plus de 50 000 mètres cubes d’eau par jour. Un dike, qui est un mur, un barrage qui ne coûte pas cher, avoisinant les Rs 125 millions. They need to wake up their ideas. Prenons le cas de Black River, qui est une rivière extrêmement riche en eau, car elle se situe dans le catchment area de Grand-Bassin. Là-bas, dans le mois le plus sec en octobre, plus de 3,3 millions mètres cubes d’eau se perdent dans la nature.

Vous êtes donc contre l’implémentation du projet de dessalement d’eau de mer pour une meilleure fourniture aux abonnés, contrairement au ministre Joe Lesjongard, qui juge que c’est un moyen efficace de lutter contre le stress hydrique dans des régions littorales arides ?
Il y a d’autres solutions qui sont plus économiquement et écologiquement viables que le dessalement de l’eau pour le public. Il n’y a aucun document au ministère de l’Energie et des Utilités publiques qui supporte une telle proposition. Je peux comprendre qu’on dessale l’eau de mer dans les hôtels et d’autres branches privées dans ce secteur, mais ce procédé coûte extrêmement cher, soit plus Rs 20 par mètre cube, et à partir de février 2023, beaucoup plus cher au vu de l’annonce de vendredi dernier de l’augmentation des tarifs de l’électricité. Pour étayer mes arguments, soulignons aussi que si on procède au dessalement de l’eau avant de l’injecter dans réseau, kot ena lapert non revenue water plis ki 50%, cela voudra dire que ce pourcentage d’eau dessalée se perdra dans la nature. It just doesn’t make sense. Le ministre de tutelle, à travers ce projet, joue son va-tout dans une tentative désespérée pour calmer les gens qui souffrent beaucoup du manque d’eau.

Des centaines de millions de roupies ont pourtant été investies pour le dessalement de l’eau à Rodrigues, qui est desservie à toute la population ?

Aucune comparaison ne peut être faite. Le dessalement est possible à Rodrigues, car elle est arrosée par uniquement 1200 mm de pluie annuellement, contre 4000 mm à Maurice. Nou tou kone osi ki Rodrig  kouma enn bol renverse ki pa kapav retenir delo, contrairement à Maurice.

Propos recueillis par
ANDY SERVIABLE

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