Réseaux sociaux – Partager l’image de ses enfants: Des photos qui peuvent finir sur des sites pédopornographiques du dark web

La plupart des clichés détournés par des pervers par des parents

Sur les réseaux sociaux, les vidéos qui montrent un enfant comptabilisent trois fois plus de vues que des contenus sans enfants. Parmi ceux qui regardent la vidéo ou la photo d’un enfant en maillot de bain lors d’une journée familiale à Flic-en-Flac, qui joue dans les allées d’un centre commercial, qui souffle les bougies sur son gâteau d’ anniversaire… il y a de grandes chances qu’il y ait des pédophiles. Ces derniers, à l’affût de contenus avec mineurs, y compris des adolescentes et collégiennes adeptes du twerking sur Tik-Tok, détournent les images pour les exploiter sur les sites les plus lugubres du dark web. L’existence de plateformes pédopornographiques est ignorée par bon nombre de parents mauriciens.

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 La directrice de l’ONG Pédostop, Virginie Bissessur, a également fait ce constat lors de ses interventions sur le terrain. Alors que les réseaux sociaux ont pris un essor considérable dans la vie de certains parents, il leur est difficile de ne pas céder au désir de partager les moments forts de la vie de leur enfant ou des instants de son quotidien. Dans ce cas, des paramètres de sécurité doivent être activés à chaque fois qu’ils postent des contenus avec leur enfant. Qu’ils gardent aussi en tête que l’intelligence artificielle générative peut devenir un cauchemar pour un enfant dont le visage a été manipulé ! Il est de leur responsabilité de protéger leurs enfants sur les réseaux sociaux et d’appliquer des paramètres de sécurité (qui ne sont pas infaillibles) proposés par ces mêmes plateformes.

 

Des enfants à la plage, qui font la grimace dans une fête, déjeunent ou jouent lors d’une sortie dans un centre commercial… font partie des moments que des parents partagent de plus en plus sur les réseaux sociaux. Mais cette tranche de vie va particulièrement intéresser des pédophiles en mode traquage sur la surface web: c’est-à-dire la partie visible d’Internet auquel tous ont accès. L’intention des pédocriminels est de détourner et retoucher les photos, même les plus banales, d’enfants, afin de les exploiter sur des plateformes du dark web (zone sans contrôle d’Internet). Considéré comme un immense sous-sol d’Internet, le dark web héberge des sites qui accueillent à leur tour des activités illégales et où les utilisateurs peuvent y naviguer anonymement.

C’est ainsi que bon nombre de montage de photos et vidéos pornographiques se retrouvent sur des forums et autres sites du dark web. Sans qu’ils n’en soient malheureusement conscients, les principaux fournisseurs de photos de mineurs à des fins perverses sur le dark web sont les parents eux-mêmes. “À Maurice, bon nombre de parents ne connaissent pas l’existence et les dangers du dark web”, constate Virginie Bissessur, psychologue et directrice de l’organisation non-gouvernementale Pedostop. En France, pendant sa campagne d’information et de sensibilisation sur le sharenting, l’association l’Enfant Bleu avait attiré l’attention sur une étude qui « montre que 50% des photos publiées sur les forums pédocriminels sont des clichés pris par les parents qu’ils avaient partagés sur les réseaux sociaux. »

Du “sharenting” au pédopiegeage

Le sharenting — partage de photos d’enfants par les parents — peut même mener au pédopiégeage, tactique qu’applique le pédocriminel pour évaluer les caractéristiques de ses proies avant de les contacter en ligne. Avec le sharenting — qui est a priori un acte anodin et une tendance commune qui s’est développée avec l’ampleur qu’ont pris les réseaux sociaux dans le quotidien des familles —, une photo publiée d’un enfant peut en très peu de temps donner lieu à des milliers d’images de celui-ci. L’intelligence artificielle générative peut aussi modifier des images d’enfants récupérées sur le web. D’ailleurs, en Allemagne, l’entreprise de télécommunications Deutshe Telekom avait sensibilisé des parents en leur montrant de quoi est capable — c’est-à-dire le pire — une intelligence artificielle à partir d’une vidéo ordinaire d’un enfant. « Je sais que pour vous, ces photos ne sont que des souvenirs. Mais pour d’autres, ce sont des données. Et pour moi, c’est peut-être le début d’un avenir terrible », dit Ella, une fillette de 9 ans, dans ce spot, et dont les parents partagent régulièrement des images sur les réseaux sociaux.

Filtrer les « amis »

Pour éviter que l’image de son enfant ne finisse dans des forums les plus glauques du dark web, il est recommandé de partager le moins de contenu l’incluant sur les réseaux sociaux, ne pas partager des photos et vidéos de l’enfant en maillot de bain, dans son bain, en partie dénudée… Les parents doivent également rester vigilants sur les « amis » qui ont accès à leurs contenus avec leurs enfants. Cependant, qu’importe la tenue qu’il arbore, un enfant mis sur les réseaux sociaux reste une proie pour un prédateur sexuel. Pour éviter que l’image de son enfant ne soit détournée par des pervers, l’approche radicale à adopter serait de ne pas/plus diffuser ses photos. Mais cela restera un défi improbable pour de nombreux parents, pour qui les réseaux sociaux est une vitrine sociale à travers laquelle ils se projettent

Compliqué de protéger les petits partenaires à 100%

Ils ont 3 ans, 4 ans, 10 ans… leur frimousse est familière pour les milliers de followers mauriciens de leur mère respective, en l’occurrence Ornella Laflèche et Mélissa Blackburn, visages connus des internautes. Ces trois enfants grandissent quasiment sous le regard des followers de Facebook et d’Instagram parce qu’ils sont régulièrement présents dans les contenus de leur mère , « jamais contre leur gré », précisent les deux mamans, à la promotion des marques commerciales pour qui elles ont signé. Design Manager en textile à temps plein et maman influenceuse, Mélissa Blackburn concède être consciente qu’Internet ne dispose pas de rempart solide contre les risques d’exploitation abusive des photos et vidéos de mineurs. Cependant, elle dit veiller au grain à la diffusion de chaque image de ses enfants afin de les protéger et vérifier le profil de ses followers. Ce qui la rassure, dit-elle, c’est que « 80% d’entre eux sont des femmes, des mamans. » Et d’ajouter : « Ce n’est pas parce qu’il y a des personnes malveillantes en ligne que je vais arrêter mes contenus », d’autant, reconnaît-elle, sans langue de bois, que les partenariats rémunérés payent les factures et assurent le bien-être de ses enfants.

Contrats scrutés

Les cachets que perçoivent ses enfants, dit Mélissa Blackburn, sont placés sur leur compte bancaire respectif pour leur avenir. Des messages de haters, dit-elle, elle en a eu. Ceux-ci lui reprochent d’utiliser ses enfants comme faire-valoir. Mélissa Blackburn a adopté une stratégie de riposte : « Je laisse les followers qui vont me défendre réagir à ces critiques ! » et elle rappelle qu’elle assume pleinement ses « responsabilités » quand il s’agit d’apparitions rémunérées impliquant ses enfants.

Chaque ligne des contrats qui engagent l’image de ses enfants est, dit-elle, scrutée. « Pour qu’il n’y ait pas de publication de leurs images hors contrat », précise Mélissa Blackburn. Son fils, comme beaucoup d’enfants de la génération Alpha, explique-t-elle, est de l’ère numérique. Faire partie des promotions marketing et des contenus de sa mère, avance celle-ci, reste pour lui une participation fun et de son temps. « Il m’a dit qu’il voudrait être youtubeur plus tard ! Il voulait créer son compte Tik-Tok, j’ai refusé catégoriquement. Ce n’est pas de son âge ! Je lui ai expliqué les risques et parlé des personnes aux mauvaises intentions. Il n’en n’a plus parlé. »

« En public, on n’approche pas mon enfant! »

« Mon fils fait partie intégrante de ma vie… », dit d’emblée Ornella Laflèche, qui dirige son entreprise spécialisée en marketing digital. Cette dernière, qui est très active sur les réseaux sociaux, explique qu’il est « normal » qu’à un moment ou un autre le petit garçon participe dans ses contenus. Il y a aussi ces instants spontanés de la vie de tous les jours, sans artifices, qui sont captés par le téléphone et qui sont partagés. Pour le protéger des regards mal intentionnés, la maman évite des photos ou vidéos qui sont susceptibles d’être exploitées.

Ainsi, le bain du garçonnet, par exemple, restera un moment qui ne sera pas partagé avec d’autres mamans. « Cela reste quand même compliqué de se protéger quand on est visibles sur les réseaux sociaux », admet Ornella Laflèche. Si son enfant grandit avec et sur les réseaux sociaux, il est encore trop jeune, reconnaît-elle, pour comprendre et donner son avis sur le consentement à l’image. Elle pense qu’il est probable que lorsqu’il grandira, plus tard, il aura ses activités propres à lui et ne sera plus dans ses contenus. Quant aux followers de la jeune femme qui voient évoluer son fils à travers leur écran, c’est le seul contact qui leur est permis avec l’enfant. « En public, on n’approche pas mon enfant ! » précise… voire prévient-elle.

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