(Reportage) De Deux-Frères à GRSE : dans l’orange foncé de deux villages de l’Est

Parmi une nature florissante, une imposante rivière et une mer généreuse, la couleur du parti soleil s'immisce au travers des décors et des discours. Le dépaysement vécu par l'entremise d'une langue kreol unique et des vestiges historiques confèrent à ces localités un cachet d'authenticité préservée.

« Vot MSM ! », lance tout sourire la cuisinière d’une maison d’hôte de Deux-Frères. Ce village côtier de l’Est jouxte la localité de Quatre-Soeurs et est situé dans la circonscription No 11 (Vieux-Grand-Port/Rose-Belle).

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Protégé par son tablier rouge, un t-shirt orange dont elle se pare quasi quotidiennement pour afficher son soutien au parti soleil du Premier ministre, Pravind Jugnauth.

Le village de Deux-Frères est bordé par la plus longue rivière de l’île, la Grande Rivière Sud-Est, dont la source se trouve à Moka. De l’autre côté s’élèvent des monts verdoyants au pied desquels ont été construites des demeures.

Dans cette localité à plus d’une heure de route des villes situées vers l’Ouest, la tranquillité règne entre des journées bercées par les eaux opaques d’une rivière agitée, qui rejoint une mer turquoise d’où émergent différents îlots, prisés par les touristes.

Un air rafraîchissant fait murmurer les feuilles de bananes ou de cocotiers, plantés pour constituer des champs. Des jacques attendent d’être cueillis, pendant que tanguent sur des branches de juteuses grenadines.

De grands espaces de pelouse bordant les routes et les domiciles, de même qu’une multitude de structures historiques en pierre, offrent à ces localités un cachet unique : une autre île Maurice s’ouvre aux visiteurs.

L’orange s’y révèle omniprésent, que ce soit voulu ou non. Des murs de maisons, aux toiles recouvrant les pirogues, en passant par des échoppes en tôle, la couleur semble beaucoup plaire dans l’Est.

Le No 11 compte trois élus du MSM que cette mère de famille cite sans peine : le ministre de la Bonne gouvernance, Mahen Seeruttun, la PPS Teenah Jutton et la Government Chief Whip, Naveena Ramyad.

« Ils font un bon travail ici », confie-t-elle. « Certaines rues ne recevaient pas d’eau. Désormais, la fourniture a été rétablie. Gagn delo ar presion aster », se réjouit-elle.

La prose du village

Un différent discours anime cependant la localité de Grande-Rivière-Sud-Est, accessible après une traversée de la rivière par le ferry. « L’eau coule de 3h à 8h du matin », dit une nettoyeuse. Ce village fait partie d’une autre circonscription, celle du No 10 (Montagne-Blanche/GRSE).

Les habitants approchés se rappellent du nom du ministre du Service public nouvellement élu, Vikram Hurdoyal. Ils hésitent quelque peu pour le ministre des Coopératives – « samem, Bodha », à savoir Sunil Bholah. Et se remémore difficilement le Deputy Speaker, Zahid Nazurally, le reconnaissant uniquement de par sa pratique religieuse.

À ce sujet, dans les circonscriptions No 10 et 11, qu’importe les origines, à la langue kreol qu’ils utilisent dans ces localités s’accroche un accent régional particulier.

« Toulde » se rapporte ainsi à « toulede », alors que « dispozichion » s’emploie pour « « dispozision ». Bien d’autres particularités rendent la langue mélodieuse et unique. D’ailleurs, il n’est pas rare d’y entendre des conversations en bhojpuri, entre les boutiquiers et leurs clients, ou autour d’un jeu de dominos sur une esplanade.

Papotant à l’ombre d’un imposant manguier avec ses collègues, la nettoyeuse attend paisiblement la fin de la journée pour regagner son domicile.

« Quand l’eau ne coule pas pendant plusieurs jours, nous devons aller faire des démarches auprès des autorités. Elles déploient alors des camions-citernes et nous récoltons l’eau dans de gros sceaux. Sinon, kouma pou viv ? »

L’ensemble des domiciles et commerces disposent ainsi de réservoirs d’eau, perchés sur leurs toits. Une ironie au vu de la largeur de la rivière avoisinante, dont les flots s’écoulent dans un courant relativement puissant vers la mer.

« Mwa mo pa pou al vote, sa non! Sa pa pou sanz nanye », conspue une habitante en se rendant vers l’arrêt d’autobus.

Le gouvernement semble avoir compris : les réalisations se jaugent par des développements visibles du peuple. Les inquiétudes quant à l’érosion des libertés, la hausse de la surveillance et des visées sur la vie privée, la dépréciation de la roupie… trop de sujets complexes qui n’accablent les discussions lambda.

Le souci majeur – dans l’Est aussi bien que partout à Maurice – demeure la hausse des prix et la cherté de la vie.

Quant à la politique de “devlopma partou”, elle brille aux yeux des villageois. Amélioration des routes, installation de drains, aménagement de trottoirs, construction d’espaces de jeux et de centres de villages… Autant de nouvelles facilités qui ravivent beaucoup aux circonscriptions No 10 et 11.

« Tousala Gouvernman inn fer », conlut la cuisinière. « Si ena pou vot enn lot, kisana pou vote? »


Ferry gratuit

Le voyage du village de Deux-Frères à celui de GRSE peut se faire par ferry gratuitement. Celui-ci traverse les eaux de la Grande-Rivière-Sud-Est, en manœuvrant entre les embarcations transportant les touristes jusqu’à une cascade située plus haut.

C’est par un tender que les contrats sont alloués à des particuliers pour assurer ce service mis en place par le gouvernement. Ainsi, des employés et des écoliers dépendent de ce mode de transport insolite pour vaquer à leurs occupations journalières. Ou simplement pour al chake.


L’école qui accueille un musée

Une salle de la GRSE Government School a été transformée en mini-musée après avoir remporté la quatrième édition du concours de la MBC “Make a Wish”, en 2015. La structure revêt elle-même un cachet historique, ayant servi comme casernes de militaires à l’époque de la colonisation anglaise – des voix disant aussi qu’elle servait d’hôpital. Créée vers 1862, l’école a finalement été installée en ce lieu en 1880.

Le musée retrace les reliques historiques de la région, par laquelle les Hollandais ont débarqué au 16e siècle. C’est également sur cette côte que les colons français ont vaincu les Anglais dans la bataille de Grand-Port, des photographies de canons rappelant cette époque. Au mur, une carte d’un ancien système ferroviaire. À ceux qui se disent choqués par les projets de métro se déployant vers Côte-d’Or, saviez-vous que le train ancien reliait Port-Louis à GRSE jusqu’en 1954 ? Les vestiges rocheux d’une ancienne gare de train, perdue dans les champs, ramènent à ce riche passé.

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