Le plan de relance de cinq ans, élaboré par le tandem Abdoula/Gokhool, réduit de 50% les routes desservies comparativement au Pre-Covid-19 Network
Le plan de restructuration prévoit des économies de Rs 1,3 milliard par an, dont la moitié à l’item des Revised Collective Agreements
Une fois que les créanciers se seraient prononcés sur les dispositions du Rescue Plan d’Air Mauritius lors du Watershed Meeting de mardi prochain, une autre mission délicate attend les autorités. À ce stade, ces dernières veulent mettre de leur côté toutes les chances pour réussir cette sortie sous administration de la compagnie aérienne nationale, repoussant du même coup le spectre de la mise en liquidation de ce qui fût le joyau de la couronne de la République de Maurice. Toutefois, la question, qui se pose demeure : dans quelle configuration évoluera Air Mauritius avec l’entrée en scène de la superstructure d’Airports of Mauritius Limited sous forme d’une injection de Rs 9,5 milliards de Shareholder’s Loan et et l’enveloppe d’urgence de Rs 2,5 milliards. À ce montant doivent se greffer une avance de Rs 300 millions consentie par le gouvernement à Air Mauritius en mai dernier et des facilités bancaires de Rs 200 millions consentie par une banque commerciale. L’Administrators’ Report, tout en évitant de faire état des attributions d’Airports of Mauritius Limited balise les premières pistes d’opération.
Ainsi, le plan quinquennal, qui a été soumis pour soutenir cette injection de Fresh Funds de Rs 12 milliards en deux temps, prend en compte deux facteurs incontournables, notamment la flotte de la compagnie aérienne nationale et les conditions post-Covid-19, dans lesquelles évolue l’aviation internationale. C’est ce qui explique la décision de réduire de moitié les opérations d’Air Mauritius avec accent sur l’exploitation des principales routes pour un retour à la viabilité et à la profitabilité.
« To refocus Air Mauritius’ operations on its principal routes, a five-year network plan was drafted. It reduced by about 50% the number of routes serviced by the company as compared to pre-Covid-19 network », soulignent les administrateurs nommés. Les dessertes aériennes à partir du Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport avec la réouverture des frontières sont Paris, Londres, Hong Kong, Kuala Lumpur, Mumbai, Perth, Johannesburg, Antananarivo, Saint-Denis et Rodrigues.
Pour assurer ces services, la New Air Mauritius exploitera neuf avions au lieu de la flotte de 15 appareils d’avant Covid-19, considéré comme étant Overlarge, soit les quatre Wide Bodies d’A350-900, des deux A 340-300, des quatre A 330-200, des deux A 319-100 et des trois ATR 72-500.
Avec la restructuration de la flotte, Air Mauritius ne pourra compter que trois types d’avion, des A 350, A 330neo et ATR-72. La compagnie a été délestée des autres appareils, avec l’A319 adjugé à une Aircraft Leasing Company pour un montant de six millions de dollars américains, une Consignment Offer pour les deux A 340 en vue d’être cannibalisés avec des recettes escomptées de 350 000 dollars américains sur deux ans. D’autre part, une offre pour la vente d’un A330 est encore au stade d’évaluation. Le retrait de ces appareils de la flotte aura permis à Air Mauritius de présenter des économies de l’ordre de 23 millions de dollars au budget des entretiens et des pièces de rechange.
L’Operations Matrix pour les cinq prochaines années s’articule également autour des perspectives de relance de l’industrie du voyage et du tourisme mauricien. Le Deputy Prime Minister et ministre du Tourisme, Steven Obeegadoo, qui était sur la BBC, hier, pour l’opération Tou Korek Dan Lakaz Mama, pourrait ne pas partager la tiédeur des administrateurs nommés au sujet de la résilience de l’industrie touristique et surtout par rapport aux interrogations au sujet de l’efficacité des vaccins anti-Covid administrés.
« Despite the reopening of borders, the recovery path of pasenger traffic in Mauritius depends crucially on the evolution of the pandemic locally as well as Air Mauritius’s main markets. Should vaccines be ineffective against variants of the virus or confer protection for a shorter duration than expected, there may be a resurgence of serious Covid-19 cases and a tightening of travel restrictions in Mauritius and other countries », font ressortir Sattar Hajee Abdoula et Arvindsingh Gokhool en dépit de l’assurance du DPM Obeegadoo, qui ne croit pas à un retour de la fermeture des fontières avec le programme vaccinal en cours.
Se basant sur la tendance se dessinant dans le monde de l’aviation depuis juillet dernier, avec un retard de 74% à combler sur 2019, les administrateurs nommés de la compagnie aérienne nationale préfèrent jouer la prudence. « In the case of Mauritius, where traffic is mostly international, recovery to the pre-Covid-19 level may be expected to take longer. In light of Covid-19-related uncertainties and the expected slow recovery in traffic, Air Mauritius’ flight planning has been cautious », fait-on comprendre.
La composante cargo, qui a assuré des revenus à la compagnie aérienne nationale pendant ces derniers 18 mois d’interruption dans les opérations, n’est nullement un Business-Puller. « The increase in cargo flights is not the answer to the financial difficulties of Air Mauritius. The existing business model; configuration of its fleet and relatively small size of the domestic market do not make cargo a viable alternative to passengers », ajoute l’Administrators’ Report tout en insistant sur le fait que « the recovery in global air travel is expected to be protracted ».
Dans cet environnement des plus moroses, les administrateurs jouent à fond la partition de Cost Cutting l’un des moyens pour assurer la survie de la compagnie aérienne, d’autant plus que les Net Liabilities sont de l’ordre de 47,6 millions d’euros contre des Assets de 561,9 millions d’euros. Ainsi, l’Administrators’ Report fait état d’économies de Rs 390 millions avec la mesure portant sur la révision des conditions de services du personnel navigant et le Special Leave Without Pay up to two years.
Par contre, des mesures à long terme préconisées devraient déboucher sur des économies de l’ordre de Rs 1,3 milliard annuellement, dont plus de Rs 700 millions au titre des Revised Collective Agreements avec les syndicats des employés ou encore Rs 250 millions pour l’Early Retirement Scheme et Rs 200 millions à l’item de Redundancy of Expatriate Pilots.
RÉACTIONS
AMCCA : « A Rescue Plan at Employees’ Cost ! »
Une profonde colère. Tel est le sentiment dégagé au sein du personnel navigant qui a pris connaissance du rapport des administrateurs d’Air Mauritius, Sattar Hajee Abdoula et Arvindsingh Gokhool sur le redressement de la compagnie d’aviation nationale en vue de la Watershed Meeting of Creditors de mardi.
« It’s a report based only on employees cost and wanting to show that it’s the employees that pulled down MK though it’s not the case », déclare Yogita Baboo présidente de l’Air Mauritius Cabin Crew Association (AMCCA). À bien voir, poursuit-elle, il n’y a aucun plan de restructuration dans ce document.
« It seems all back to normal. And it took 18 months and Rs 45 million plus interest to get administrators to do that! » ajoute-t-elle avec un sentiment de colère. L’AMCCA compte solliciter un avis légal quant aux trois options proposées par les administrateurs afin d’analyser dans quelles mesures toute décision pourrait affecter davantage les conditions d’emploi du personnel navigant, largement victime de la mise sous administration d’Air Mauritius.
Pour l’AMCCA, le rapport démontre que le but de l’administration de MK ne se résume qu’à réduire de manière drastique les salaires des employés. Ainsi, toute décision que prendra le syndicat sera motivée par des avis légaux quant aux implications que les trois options proposées par les administrateurs pourraient avoir sur les conditions de travail du personnel navigant, les réclamations quant aux arriérés et le cas du syndicat concernant les conditions de travail.
« Il est plus qu’évident que ce rapport ne fait que confirmer que les employés payent le prix onéreux du mismanagement d’Air Mauritius depuis des années », dit Yogita Baboo. Le personnel navigant représentait 18% des dépenses par rapport à l’Establishment à MK. « Nous souhaitons savoir aujourd’hui quel est ce pourcentage tenant compte de la réduction de nos salaires, des départs forcés et de nos conditions de travail revues », demande-t-elle en rappelant que « only employees will end up with half salary, for same job, same amount of work… »
Le syndicat se demande comment se fait-il qu’avec l’aide de l’État pour sauver la compagnie d’aviation nationale, le salaire des employés lui restera toujours à hauteur de 50%.
« Administration cannot be only about cutting down of salaries of employees. If government saves us, that is MK, we should get a full salary. They cannot only protect big creditors but protect employees who will find themselves with half salary with DOCA and at the same time be penalised for ever after in their career. Employees cannot do so much sacrifice and pay for mismanagement and for the purchase of planes », dit l’AMCCA.
Le syndicat du personnel navigant, soulignant le rôle de premier plan du personnel dans le business du voyage, maintient que « les employés devront être en mesure de garder leurs salaires et non pas forcer ces mêmes employés à accepter des conditions de travail inférieures et inhumaines et à renier leurs droits fondamentaux sous la Workers’ Rights Act afin de garder leur travail ».
« Mais le travail avait commencé avec Sherry Singh à travers la transformation du Steering Committee et a été exécuté par les administrateurs qui se sont appuyés sur l’Insolvency Act pour changer les conditions d’emploi. Et aujourd’hui on parle de placer la compagnie sous un Holding qui sera dirigée par le Senior Adviser du Premier ministre », dit le syndicat.
Pour le personnel navigant, venir aujourd’hui avec la formule de Holding pour Air Mauritius comme plan de sauvetage ne nécessitait pas 18 mois d’administration… « Ce sont les salaires non payés des employés qui payent les allocations par millions aux administrateurs. Tir manze dans lasyet ti zanplwaye pou ranpli gro vant administrater », s’insurge l’AMCCA.
« Les pilotes étaient la cible ! »
« Incroyable. En juin 2020, lors de leur conférence de presse, les administrateurs nommés ont déclaré que la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, devait réduire les coûts de personnel de 50 %. Et les pilotes ont immédiatement accepté d’aider la compagnie. Ce n’était pas suffisant.
« Après cela, ils ont licencié 40 pilotes et ont mis 18 d’entre eux sur Leave Without Pay. Quand on voit les résultats du rapport aujourd’hui, il semble que tout ce que les administrateurs voulaient, c’était réduire les salaires des pilotes. Nous avons maintenant quatre avions de moins et à part les pilotes, personne n’a été licencié. Où est le rapport sur l’enquête sur les affaires de l’entreprise? C’était l’une des tâches principales des administrateurs !
« Proposer de ne payer aux employés que 50 % des salaires qui leur appartiennent est une nouveauté pour Maurice. Et une très mauvaise préséance pour l’avenir. Après tout, la mise sous administration d’Air Mauritius n’a qu’une cible les pilotes », fait-on comprendre dans les rangs de cette catégorie d’employés de la compagnie aérienne nationale.
Ivor Tan Yan, négociateur syndical des pilotes :
« La mission des administrateurs est de détruire Air Mauritius »
« Le travail des administrateurs jusqu’ici s’est résumé à la remise en question des conditions de travail des employés d’Air Mauritius. L’année dernière, le Wage Bill d’Air Mauritius est passé de Rs 4 milliards à Rs 2.5 milliards. Mais les administrateurs ont choisi de continuer de modifier les conditions de travail des employés.
« La Cour suprême est en présence de plusieurs plaintes: la première a trait à la remise en cause du contrat individuel des pilotes et la deuxième contestant la décision du ministère du Travail d’autoriser la modification des conditions du travail des employés de façon unilatérale. Une autre affaire a été logée devant l’Employment Relations Tribunal sur la réduction de salaires.
« Les administrateurs devant cette instance ont réclamé un délai car ils ne pouvaient répondre. Il est clair que la mission des administrateurs est de détruire Air Mauritius au lieu de redresser sa situation financière. On a mis de l’avant le salaire des employés comme étant la grande faiblesse d’Air Mauritius. On a réduit les travailleurs à l’ état de moutons et une menace constante de licenciement pèse sur eux. Il est temps que cette mascarade cesse et il faut que cette pseudo administration cesse.
L’Insolvency Act indique que ce sont les administrateurs qui sont responsables des salaires. Des salaires n’ont pas été payés depuis avril, mai et juin de l’année dernière et il y a eu la complicité du ministère du Travail dans cette affaire car elle a autorisé la section 72 de la Workers Rights Act qui ne prévoit pas de négociation.
« Nous avons constaté que les administrateurs tiennent un discours devant la Bankruptcy Court et un autre devant le Redundancy Board. Cela explique pourquoi il a eu un accord en dehors de cette instance. C’est une sacrée mascarade. Malgré tout cela, les administrateurs n’ont pas été capables de faire leur travail correctement.
« Les administrateurs doivent s’en aller. On veut faire maintenant un montage financier pour sauver Air Mauritius. Finalement le progrès du gouvernement de Pravind Jugnauth, c’est de revenir en arrière. Il me semble que la stratégie du gouvernement MSM est de ruiner le pays en rassemblant les entités d’Air Mauritius. On verra bien qui viendra acheter Air Mauritius à travers ce fameux Holding. »