Rencontre — Sandrine Marot : Parler de sa différence avec le sourire à l’infini…

Sandrine Marot, 41 ans, a pris seule la décision de parler de sa différence. En faisant le choix de se confier à Week-End, elle a fait un premier pas qui compte beaucoup pour elle. Elle voudrait dans un autre temps raconter son histoire dans un livre pour continuer à faire passer un message, surtout aux parents : « Il ne faut pas avoir peur de la différence. » Employée dans une maternelle, Sandrine Marot fait preuve de bravoure et détabouise un sujet qui empêche encore de nombreux enfants de s’épanouir, parce qu’ils ont un « retard » que leurs parents refusent d’admettre. Les siens lui ont donné toutes les opportunités qu’ils pouvaient pour qu’elle s’épanouisse. Sandrine Marot a aussi trouvé son équilibre et sa résilience dans le sport qu’elle pratique au quotidien. Ancienne joueuse de rugby à 7, elle a pris part dans des compétitions nationales. Désormais, le ballon ovale a cédé la place au foot, au trail et au tennis.

- Publicité -

Malgré l’étonnement de son entourage, Sandrine Marot a voulu, voire même tenu à s’exprimer plus ouvertement sur son parcours. « Cela fait un certain temps déjà depuis que je voulais faire passer un message. Je souhaiterais dire aux parents qu’il faut donner toutes les chances à leurs enfants qui ont une différence. Les parents qui sont dans cette situation doivent comprendre que tous les enfants n’ont pas les mêmes aptitudes. Un enfant qui a un retard handicapant et qui ne peut être dans une école formelle a droit à l’éducation. Toutefois, sa prise en charge éducative doit se faire dans une structure non formelle, spécialisée, qui va lui permettre de s’épanouir. Cela ne sert à rien d’insister pour qu’un enfant différent des autres aille dans une école mainstream pour suivre le cursus national. Sinon, il va se replier sur lui-même et souffrir. Le soutien joue un grand rôle dans le parcours d’un enfant qui présente un handicap, aussi léger soit celui-ci tant qu’il est entouré par les bonnes personnes. L’encouragement est un élément important dans la réussite d’un enfant. Je voudrais montrer que j’ai pu réussir dans la vie. J’aimerais que mon exemple puisse servir à d’autres personnes, leur dire que si j’ai pu avancer, elles aussi le peuvent », explique Sandrine Marot.

Dans la salle de classe de la maternelle, à Floreal, où elle nous reçoit, Sandrine Marot est dans son élément. Cela fait 18 ans qu’elle encadre les petits qui passent par cet établissement qui prône la pédagogie Montessori. Cette école fait partie de son équilibre. L’ancienne directrice, qui savait que Sandrine Marot était une sportive passionnée, lui avait ouvert les portes de l’école afin qu’elle apporte ses connaissances pour le bien-être et le développement des petits. Grâce à ses nouvelles collègues d’alors, Sandrine Marot découvre — en même temps qu’elle est formée — le monde de la petite enfance en milieu préscolaire. Depuis, elle est passée de l’enseignement des activités physiques à l’apprentissage du programme pédagogique en cours à l’école. Sandrine Marot n’aurait pas rêvé mieux.

L’école, tant qu’elle n’avait pas encore trouvé sa place dans une structure spécialisée, n’a pas toujours été un bon souvenir pour elle. « J’ai passé la première année en primaire, dans une école où je n’ai pas pu m’adapter. J’ai été admise dans une autre, moins compétitive, et j’y ai passé cinq ans. Ce n’était pas facile… », confie-t-elle, la gorge nouée. Le passé qui resurgit a réveillé des douleurs d’enfance. Les rires et les moqueries des « camarades » d’école sont intacts dans sa mémoire. Et ça fait mal…

« C’est lourd pour un enfant de subir cela », dit-elle, même si aujourd’hui elle comprend « que les enfants peuvent être parfois méchants », elle reste marquée par cet épisode de sa vie. « J’en avais parlé à ma mère. Mais même si je ne le voulais pas, j’étais obligée d’y aller. Pourtant, j’aimais l’école… pour le sport (rires). C’est cela qui m’a aidée. Le rugby m’a aidée. C’est un sport de contact qui vous apprend à être fort mentalement », concède Sandrine Marot. À travers le rugby, la jeune fille d’alors apprend à être résiliente et devient hermétique aux remarques désagréables.

Sa « différence », confie-t-elle, c’est à La Réunion qu’elle sera confirmée après un diagnostic exposé à ses proches. L’amour et la dévotion de ses parents, ses deux soeurs, l’encouragement de amis, les mains tendues et la bienveillance des autres ont été un soutien inestimable dans la traversée, non sans embûches, de Sandrine Marot. Sans tout cela, la période de l’adolescence, dit-elle, aurait été encore plus pénible qu’elle n’a été. Elle s’explique : « L’adolescence est en elle-même une phase difficile. Ajouté à cela, il y a l’incompréhension, les regards, les remarques de ceux qui peuvent vous faire mal. C’est à ce moment-là qu’on peut entrer dans un tourbillon. »

À plusieurs reprises lors de notre rencontre, Sandrine Marot rappellera « qu’il ne faut pas avoir peur de la différence, car dans la vie, il y a des jours heureux, des jours de chance et des coups durs pour tout le monde. » La sportive reconnaît qu’elle a eu la chance. Une chirurgie de la mâchoire à l’étranger lui a permis d’affronter le monde autrement. Une correction médicale qui lui a redonné confiance en elle-même. « À partir de là, ma vie a commencé à prendre une autre tournure. J’ai gagné en confiance. Je me dis souvent que si cette opération avait eu lieu plus tôt… Mais bon », dit-elle en souriant.

« Le rugby m’a aidée. C’est un sport de contact qui vous apprend à être fort mentalement »
(Photo : Facebook Sandrine Marot)

Sandrine Marot ne conçoit pas son quotidien sans le sport. Depuis qu’elle a suivi une de ses sœurs à la gym, raconte-t-elle, alors qu’elle avait 15 ans, elle s’est mise à pratiquer des sports qui lui ont apporté, insiste-t-elle, des valeurs qu’elle se fait un point d’honneur d’appliquer. « Le sport m’a enseigné la discipline », confie celle qui faisait jusqu’à récemment partie de Rugby Island Blues. Si elle a mis le rugby de côté, Sandrine Marot joue au tennis, au football et comme une vraie passionnée du ballon rond, elle participe même à des tournois. Elle est une inconditionnelle de trail et rêve de créer un club de randonnée pour les enfants. Ce club à l’intention des petits, dit-elle, comblera un vide. « L’encadrement des petits en randonnée demande une attention particulière. Un enfant est capable de faire cinq kilomètres à pied sans problème », explique Sandrine Marot.

L’année prochaine, elle s’envolera pour la France où, en compagnie de sa mère, elle fera pour la deuxième fois le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle. C’est aussi pour sa mère que Sandrine Marot rêve de gagner au Loto. « Je l’emmènerai aux États-Unis. Elle voudrait y aller », confie Sandrine Marot, en rougissant des pommettes. « Je suis émotive quand je parle de ma mère », dit-elle comme pour s’excuser de la montée d’émotions. « On dit que je suis chanceuse, j’ai déjà remporté une voiture à un concours », poursuit-elle. La chance, elle l’a ressentie quand elle a foulé le stade de Old Trattford pour regarder jouer son équipe préférée, Manchester United. « C’était mon cadeau de Noël, je suis allée au match avec mon père. J’avais du mal à croire que je vivais un moment aussi intense », se remémore-t-elle.

Fille sensible qui n’aime pas les longues heures de shopping, Sandrine Marot préfère les couchers du soleil en compagnie de ses collègues, conduire sa voiture tout en savourant le sentiment de liberté et d’indépendance qu’elle lui procure ou encore une après-midi sympathique avec ses amies.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -