La présidente de l’AMCCA, toujours sur la touche après son limogeage pour avoir joué son rôle de syndicaliste et défendu ses membres avec courage et acharnement
Les 14 employés d’Air Mauritius qui ont repris le travail, lundi dernier, après deux années de congés sans solde, remercient et disent soutenir leur présidente pour son abnégation d’avoir fait fléchir le gouvernement et Air Mauritius
Quatorze employés d’Air Mauritius ont été réintégrés et ont repris leur travail le lundi 4 septembre après une période de deux ans de congé forcé sans solde parce qu’ils avaient choisi de ne pas faire le vaccin anti-Covid pour des raisons personnelles. Cette décision contrainte aujourd’hui de la compagnie aérienne fait suite à un amendement aux Quarantine Covid-19 Restrictions Regulations 2022, approuvés par le Conseil des ministres la semaine dernière. Et ce, suivant les représentations de l’Air Mauritius Cabin Crew (AMCCA) sur la légalité du prolongement d’une telle mesure dans le contexte où seul le secteur du voyage était encore sujet à cette injustice, presque un abus de pouvoir. Des 15 irréductibles, qui avaient choisi librement de ne pas se faire vacciner pour des raisons personnelles, malgré les pressions intenables, une n’est pas du voyage… pour l’instant. L’histoire retiendra en effet que celle qui a mené le combat sans relâche avec courage et sans peur pour ses collègues, Yogita Baboo, la présidente de l’AMCCA — également partie prenante de cette cause antivaccin — a payé son sacrifice humain, ses convictions et sa foi dans la justice du travail et le combat social au prix fort. Elle a en effet été limogée en mai dernier pour avoir osé porter cette affaire sur la place publique et dénoncer les actes manqués des dirigeants d’Air Mauritius en tant que syndicaliste… Mais tout n’est pas perdu, puisqu’elle compte sur la justice divine et sa foi inébranlable dans les causes justes.
C’est à travers un simple mais ô combien puissant SMS que les membres d’équipage non vaccinés, mis en Leave Without Pay (LWP) depuis deux ans, sans compter leurs tribulations pendant 18 mois de l’administration volontaire, ont été conviés à une réunion à l’aéroport le lundi 4 septembre. Conviés pour reprendre le chemin du travail après avoir eu si peur de ne jamais accéder à leur poste d’opération dans l’avion !
La réunion programmée pour 9h a finalement démarré à 12h45 après que les procédures auprès de l’aviation civile pour qu’ils obtiennent un pass temporaire d’accès dans l’enceinte de l’aéroport afin d’assister à ce moment longtemps espéré, un temps inimaginable et si vrai aujourd’hui. Le principal message était là : ils ont simplement été informés qu’ils avaient déjà repris leur travail. Mais les attentes et appréhensions de ces employés du personnel navigant étaient grandes et n’ont pas été totalement satisfaites en ce premier jour. Elles s’attendaient à une explication détaillée de la reprise de leurs fonctions, un plan de travail et une programmation. Rien de tout cela !
L’envie et le besoin de voler
Il faut comprendre que le management n’avait pas anticipé une telle issue, il y a à peine une semaine ! Il faut aussi tenir compte du fait des appréhensions des 14 bannis quant à l’attitude de management à leur égard après tant de temps hors-service et du nouvel exercice de recrutement des cabin crew en cours, faisant état qu’il faillait être fully vaccinated pour faire partie de l’équipage de MK. Finalement, mardi, Air Mauritius devait rectifier le tir sur son site, en supprimant le critère de vaccination obligatoire dans son annonce de recrutement pour les nouveaux cabin crew.
La reprise pour ces 14 employés de MK n’est toutefois pas tout à fait complétée malgré leur retour à l’aéroport tout au long de la semaine. Jusqu’ici, il reste encore des procédures pour qu’ils reprennent les vols. Entre-temps, de leur propre initiative, ces employés ont profité de cette semaine pour revoir les manuels de vol et se remettre dans le bain. En fin de semaine, ils ont aussi passé des tests médicaux pour obtenir le précieux fitness certificate et ont donné leurs nouvelles mesures pour l’uniforme. Cette semaine, ils devraient reprendre les cours, notamment l’Emergency Procedures Training (EPT) en vue de la reprise des vols… le plus vite possible, prochainement. L’envie et le besoin de voler est toujours là, comme au premier jour.
Si ces employés sont soulagés de reprendre le travail après leur périple de deux ans en congé sans solde — une épreuve qualifiée de “difficile” et marquée par d’innombrables sacrifices avec des économies qui s’amenuisent, la nécessité de faire appel aux proches pour joindre les deux bouts, et surtout des changements radicaux dans leur mode de vie — c’est avec un sentiment mitigé qu’ils ont repris le chemin de l’aéroport.
« Il y a cette envie de reprendre le travail, mais il y a aussi cette pensée derrière : que sera l’avenir ? », raconte un employé. Revenant sur ces deux ans de LWP, il fait ressortir que « les choses ont été difficiles à vivre ». Surtout que dans l’entourage, le choix de ne pas se faire vacciner contre le Covid n’était pas toujours compris et surtout accepté. « Quelquefois, lorsqu’on allait quelque part, il y avait toujours ce regard des autres qui en disait long. Ou encore, très souvent, il y avait cette pression familiale ou des amis, collègues pour que je me fasse vacciner, afin que mes ennuis s’arrêtent, surtout avec la compagnie d’aviation nationale », poursuit ce membre d’équipage de MK. Or, dit-il, la décision de ne pas se faire vacciner était un choix mûrement réfléchi et basée sur une profonde conviction : « Certes, j’avais besoin de travailler, j’ai besoin d’élever mes enfants… Mais j’ai pris une décision sur ma santé. Que serait-il arrivé à mes enfants si en me faisant vacciner je me retrouvais impotent et faisait ainsi plus de mal à mes enfants et à ma famille ? » demande ce cabin crew.
Quitte à changer de mode de vie, quitte à tras-trase pour survivre, quitte à se retrouver sur la paille et devoir demander l’aide des proches pour subvenir aux besoins de sa famille, ce membre d’équipage a tenu bon. « Au départ, cela a été très difficile. Mais par la suite, avec le soutien du syndicat, on se sent moins seul, et on se dit que la lutte vaut la peine », explique-t-il.
La persévérance a eu finalement raison, note ce membre d’équipage, qui comme ses autres collègues aujourd’hui reprend le travail avec soulagement, mais surtout avec une pensée forte pour la présidente de l’AMCCA, Yogita Baboo, qui elle est restée sur la touche… pour le moment ! Cela, alors qu’elle a été à leurs côtés au front, pour lutter contre “l’injustice” dont ils ont été victimes pendant ces deux ans et pour laquelle ils ont porté l’affaire en cour, pour défendre leurs droits et leurs choix de ne pas se faire vacciner. D’ailleurs, en dépit de ce dénouement positif qui les ramène à leur lieu de travail, l’affaire logée en Cour suprême sera à nouveau entendue le 15 septembre.
« Seki lev lavwa li pou penalize »
De même, malgré leur soulagement de reprendre le travail, les employés conservent une part d’appréhension. Ils expriment leur solidarité envers leur chef du syndicat qui n’a pas été réintégrée comme les autres. Ils considèrent son rôle comme crucial dans leur lutte et regrettent l’injustice de son exclusion. Ils reconnaissent que sans sa détermination, leur combat n’aurait peut-être pas connu un tel dénouement. Quoi qu’il en soit, la réintégration de ces employés d’Air Mauritius marque un nouveau chapitre dans leur parcours professionnel, tout en laissant planer des questions sur l’impact à long terme de leur lutte.
Cette affaire met en évidence les défis et les sacrifices auxquels ces employés ont été confrontés en raison de leur choix de ne pas se faire vacciner contre le Covid-19, ainsi que leur persévérance dans la recherche de justice et la lutte contre l’injustice qui ne sera gagnée que lorsque leur porte-drapeau, la présidente du syndicat, l’AMCCA, réintégrera les avions aux couleurs de la compagnie aérienne nationale.
« L’AMCCA et moi-même, personnellement, sommes très contents que les employés non-vaccinés aient pu reprendre le travail », souligne d’emblée la présidente du syndicat des stewards et hôtesses de l’air. Cependant, note-t-elle, « c’est dommage que ce n’est qu’après deux ans et après mon licenciement que les autorités aient finalement réagi pour laisser l’équipage non vacciné reprendre le travail. Pour moi, le message est clair : seki lev lavwa, li pou penalize. »
Yogita Baboo, lucide mais blessée, déclare avec une pointe d’amertume : “J’assume et c’était mon devoir parce que j’ai été la voix de ces sans-voix désespérées d’employés, de collègues, d’amis pour certains. Ce qui est normal dans un pays démocratique avec des droits syndicaux. Il est bien dommage que les messagers dans un combat impersonnel doivent y laisser des plumes. Et j’en laisse. Car quand on va à la guerre, il faut qu’il y ait des blessés, et j’en suis une. Mon combat continue, bien qu’il fallait un sacrifié. J’ai été punie pour que les autres n’élèvent plus la voix.”
Elle rappelle qu’elle avait été dans les médias justement pour évoquer cette discrimination envers les membres d’équipage non-vaccinés et pour lesquels la compagnie d’aviation nationale, dans le déni total, ne leur proposait ni l’option d’un test PCR ni d’un test antigénique pour qu’ils puissent travailler. Ce qui a débouché par la suite à des dénonciations contre l’attitude du management qui refusait le dialogue avec le syndicat et jouait aux abonnés absents en dépit des nombreuses lettres et sollicitations de l’AMCCA.
Face au dénouement positif finalement pour ces 14 emplois non-vaccinés, l’AMCCA remercie le front syndical, les ONG et autres associations luttant pour les droits humains et tous les Mauriciens, mais aussi les organisations internationales qui ont soutenu le syndicat dans son combat. “On le sait tous très bien, sans la pression du front syndical regroupant les différentes fédérations syndicales de Maurice, l’association Dis-moi, et d’autres ONG, la pression publique et le soutien des syndicats internationaux comme la Fédération internationale du Transport, et d’autres y compris le BIT, cette réintégration n’aurait pas été possible vu que la Quarantine Act a été étendu pour deux mois encore”, souligne Yogita Baboo.
Le « merci » aux soutiens
Cependant, le combat n’est pas terminé, précise Yogita Baboo. “La lutte continue, car ces employés ont été privés de leurs salaires depuis deux ans. Nous allons essayer de rétablir la justice pour eux pour qu’ils ne soient pas pénalisés encore”, dit la présidente de l’AMCCA. Et d’ajouter qu’il est “important de bien s’assurer aussi que MK traite les employés non-vaccinés sans préjudice, discrimination ou intimidation.” D’autant que jusqu’ici, Air Mauritius n’a pas encore changé son protocole sanitaire pour être en conformité avec les normes en vigueur sous la DCA, la MHO, et la WHO, entre autres. “Si demain nous sommes confrontés à un autre souci d’ordre sanitaire, et que l’aéroport retourne en une zone de restriction, il se peut que les non-vaccinés soient encore à nouveau contraints au leave without pay”, dit Yogita Baboo.
Pour l’AMCCA, le problème social à Air Mauritius est loin d’avoir été résolu sur le fond, mais seules quelques questions de forme ont pu être réglées et certaines discriminations d’être corrigées comme la réintégration de ces 14 employés. Plus que jamais, l’AMCCA compte mettre son ouvrage sur le métier pour permettre au personnel navigant de travailler dans les meilleures conditions… Quant à Yogita Baboo, l’hôtesse de l’air, elle ne compte pas capituler devant l’arbitraire et l’injustice, elle est déterminée à recouvrer et arpenter ces couloirs d’avions pour un brin de causette, pour servir les passagers et faire ce qu’elle sait mieux faire, donner une image d’excellence à la compagnie aérienne nationale Air Mauritius !